Erreur judiciaire : de quoi parle-t-on ?

Dans son programme, le nouveau gouvernement s’engage à « mettre en place les mécanismes de réparation suite à une erreur judiciaire ». Ce point intervient en application de la constitution de 2011 qui consacre la responsabilité de l’État en ce qui concerne les erreurs commises par son appareil judiciaire en stipulant dans son article 122 que les « dommages causés par une erreur judiciaire ouvrent droit à une réparation à la charge de l’État ». C’est une première dans l’histoire constitutionnelle du Maroc. Jusqu’à présent, dans l’attente de l’implémentation de cette disposition constitutionnelle, le citoyen, victime d’une erreur judiciaire, quel que soit le degré de sa gravité, ne peut prétendre à aucune compensation, même pas « une lettre d’excuse ». La constitution de 2011 dont l’apport en matière de droits et libertés est incontestable, vient donc mettre fin à cette pratique qui est inconciliable avec les idéaux de démocratie et d’Etat de droit.

Mais en quoi consiste une erreur judiciaire ? Quelles sont ses causes ? Quelles sont ses conséquences ? Et comment s’opère l’indemnisation ?
Tous les pays qui ont adopté le principe de l’indemnisation, ont eu des difficultés à cerner la notion d’erreur judiciaire. Un grand avocat français, René Foliot, a dit un jour : l’ « homme le plus honnête, le plus respecté, peut être un jour victime de la justice. Vous êtes bon père, bon époux, peu importe. Quelle fatalité pourrait un jour vous faire passer pour un malhonnête homme, voire un criminel ? Cette fatalité existe, elle porte un nom : l’erreur judiciaire ».
L’erreur judiciaire n’est pas propre au droit pénal, elle touche toutes les matières mais c’est au pénal où ses conséquences sont les plus dramatiques du fait qu’elle porte sur la culpabilité d’une personne et porte atteinte à sa liberté. Car, comment accepter qu’une personne innocente soit traînée dans la boue (erreur liberticide), ou qu’une personne coupable soit relaxée (erreur d’impunité). C’est pourquoi l’erreur judiciaire déshonore tous ceux qui y contribuent et pousse les citoyens à ne pas croire en la justice, ce qui est très grave car il n’y a pas de démocratie sans une justice crédible.
L’erreur judiciaire n’est pas le fruit du hasard, elle est la conséquence du comportement de différents acteurs : les juges, les enquêteurs, les experts, les avocats, les traducteurs, les témoins et parfois les accusés eux-mêmes. Et dans les pays où la justice n’est pas indépendante et intègre, il y a d’autres facteurs qui y concourent, notamment la manipulation de l’appareil judiciaire par les forces de la politique et de l’argent.
Les conséquences de l’erreur judiciaire sont épouvantables ; « c’est la pire des choses qui puisse arriver à une personne ». Bien sûr, c’est la victime et sa famille qui en souffrent le plus. Mais comment réparer les dégâts provoqués par une erreur judiciaire ? Les méthodes diffèrent d’une législation à l’autre. D’une manière générale, tous les préjudices sont pris en considération pour déterminer le montant de l’indemnisation : perte d’emploi, maladie, problèmes familiaux etc. l’indemnisation ne profite pas seulement à la victime, mais aussi aux personnes qui ont pâti des conséquences de l’erreur judiciaire, en particulier les membres de la famille.

La mise en place de mécanismes de réparation de l’erreur judiciaire promise par le nouveau gouvernement, est une décision importante de nature à consolider la protection des droits, des libertés et de la dignité des citoyens. Elle contribuera en plus à pousser tous les acteurs intervenant dans le processus judiciaire à agir avec plus de rigueur et de responsabilité surtout si la loi prévoit que l’Etat, une fois condamné à payer, doit se retourner contre les personnes ayant été à l’origine de l’erreur.

 
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