Dossier

Expatriation des cadres dirigeants : 6 raisons qui poussent à rester

Contrairement à ceux qui sont convaincus de mettre le voile, certains cadres décident d’évoluer dans leur pays, en voici leurs raisons :

L’émigration n’est pas l’Eldorado

L’une des raisons de rester, c’est que l’intégration dans les pays d’accueil n’est pas garantie. La montée de l’extrême droite, du racisme qu’elle charrie est une évidence. Mais la difficulté est aussi culturelle, dans les rapports sociaux, et même dans le rapport au temps. A Paris, on est stressé toute la semaine, parce qu’il y a les déplacements à gérer, que les journées de travail sont plus longues. Au Québec, les Marocains dépriment en hiver parce qu’il neige tout le temps, que pour sortir de sa maison il faut déblayer par une température frigorifique. Les néo-arrivants se retrouvent isolés dans des sociétés individualistes où les gens n’accordent pas facilement leur confiance. L’attractivité matérielle ne peut pas compenser cette déshérence humaine. Cette peur de l’inconnu, au-delà des difficultés de l’obtention des visas, calme les ardeurs d’évasion.

Salaires de plus en plus attractifs

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, les salaires dans les entreprises sont de plus en plus attractifs et à la hausse, cela par rapport au niveau de vie dans le Royaume. Selon   Willis Towers Watson (WTW), l’un des leaders mondiaux du conseil RH, les salaires au Maroc ont continué d’augmenter en 2019. Le Royaume enregistrerait même la deuxième plus forte hausse des rémunérations dans la région Mena, après le Koweït. Cette augmentation dénote de la dynamique économique que vit le pays, et de la volonté des entreprises d’accompagner ce mouvement en investissant dans leurs collaborateurs. Il s’agit également du résultat d’une véritable «guerre des talents». La rareté des compétences tire les rémunérations vers le haut, et la tendance n’est pas près de s’arrêter. Actuellement, les salaires des dirigeants des entreprises au Maroc s’approchent de ceux de l’Europe du Sud. Et c’est cette catégorie de top managers et de cadres «high-po» qui bénéficie le plus des augmentations. Selon WTW, en 2018, par exemple, le salaire de base annuel médian des dirigeants de l’industrie a bondi de près de 18,8%. Pour les cadres, la progression a été de plus de 9,5 %. Mercer International qui réalise des enquêtes de rémunération à l’échelle internationale, confirme également cette tendance. D’après ce cabinet, en 2018, les salaires des cadres marocains étaient les plus élevés de la région.  L’Egypte vient en deuxième position, ensuite la Tunisie, puis l’Algérie. Il faut dire que le Maroc et l’Egypte représentent des centres de décision pour un bon nombre de multinationales installées dans ces pays. Du coup, les niveaux de salaire peuvent se rapprocher surtout pour la population des dirigeants. Ainsi, le salaire annuel de base d’un dirigeant est compris dans une fourchette allant de 75 000 à 180 000 euros (soit près de 2 millions de DH).

L’éducation à la marocaine

Pour de nombreux cadres et cadres dirigeants marocains, l’Education à travers le prisme de la religion musulmane et la culture marocaine reste importante. Aussi, ceux-là, attachés à l’éducation qui leur a été inculquée, notamment les valeurs de la religion musulmane, n’envisagent point de s’expatrier afin de transmettre naturellement à leurs enfants, cette culture ainsi que leur foi. Objectif : veiller à ce que leurs rejetons grandissent en harmonie avec certains types de valeurs. «Je ne veux pas que mes enfants tombent dans des contradictions inutiles, entre ce qui domine dans le pays de résidence et les principes qui régissent le Maroc», explique cet ingénieur dans une multinationale française implantée à Casanearshore.

Les raisons familiales

La famille est un critère déterminant dans le choix de partir ou de rester. Beaucoup de cadres et cadres dirigeants marocains ne se voient pas quitter le pays pour des raisons familiales. Le fort attachement à la famille est un trait de la culture arabo-musulmane et en particulier marocaine. Par amour, habitude, solidarité ou un sentiment de responsabilité envers ses proches, surtout ses parents. L’attachement est plus grand quand ces derniers ne sont pas autonomes financièrement. Ainsi, le Marocain éprouve un sentiment de culpabilité en quittant les siens vers un pays lointain. On va dire que ce problème est résolu avec la prolifération de moyens de transfert d’argent. Mais il s’agit, au-delà de l’aide financière, d’une convivialité et la chaleur humaine que procure la famille au citoyen marocain. Le couscous et autres mets originaux de la mère sont irremplaçables.

Retour en force des cadres expatriés  

Après quelques années passées à l’étranger, nombreux sont ceux qui décident de revenir au Maroc. La presse qui se focalise sur les départs n’en parle pratiquement pas. Avec l’ouverture du Maroc vers l’Afrique notamment, plusieurs opportunités de travail s’offrent à eux. Si certains choisissent de se lancer dans l’entreprenariat, d’autres préfèrent rejoindre de grandes entreprises. Aujourd’hui, de grands groupes offrent des perspectives de carrières intéressantes, ainsi que des niveaux de rémunération qui s’alignent sur ceux pratiqués à l’international. La multiplication des fonds d’accompagnement pour les porteurs de projets et le soutien apporté aux entrepreneurs (incubateurs, pôles de compétitivité…), sont parmi les raisons qui les poussent à revenir au pays. Autres raisons qui les poussent à rentrer : la proximité avec la famille ou encore le coût de la vie plus bas.

Et pourtant, il faut y croire

L’amour du pays n’est pas un vain mot. C’est un motif très fort pour refuser d’envisager un départ. Mais il y a aussi des éléments objectifs. Le projet national de construction d’une démocratie moderne, d’une économie solidaire est enthousiasmant. Il connaît, enregistre, des blocages parce que l’ancien monde résiste, mais ce projet existe. Participer à cette transformation en tant qu’acteur peut être un motif. Le potentiel de développement économique existe et donc les opportunités pour la jeunesse aussi. Y croire, s’impliquer, est un excellent anti-dote contre la frénésie de l’émigration.

 
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