Sport

Faire avec…

Indifférence

Puisque parait-il, tout devrait commencer et finir par des chansons, évoquons ce refrain qui, au siècle dernier, tout en trustant les sommets du hit-parade français, trottait dans les esprits et les cœurs des personnes sensibles à l’émotion. Gilbert Bécaud, affublé à son époque du surnom de « monsieur 100.000 volts » avait, entre autres « tubes » (Nathalie, Mon père, L’important c’est la rose, L’orange), etc., etc.) chanté « l’Indifférence ». 

Des paroles terribles qui nous emmenaient très loin, si loin qu’aujourd’hui encore, elles résonnent dans notre mémoire. 

Ne vous étonnez pas de lire que l’élément déclencheur de ces souvenirs aura été l’Assemblée Générale du football qui s’est tenue en début de cette semaine à Skhirat, dans un Palais des Congrès, devenu le haut lieu des joutes oratoires.

Le football, depuis longtemps, s’y est installé avec toutes ses composantes, pour y tenir toutes sortes d’assises.

Pourtant la toute dernière, l’AG 2019 de la FRMF, aura brillé par … l’indifférence des uns et des autres et particulièrement de quelques principaux concernés.  Au matin de ladite Assemblée Générale, ils étaient nombreux ce lundi-là qui répondaient à la question :  « Allez-vous assister à l’assemblée du football ? »  en bottant en touche. « Pour quoi faire ?»… «Tout est décidé à l’avance »«Ils ont tout fabriqué et préparé entre eux »…. «C’est un non-évènement».

Ces réactions sont parmi les plus courtoises et les plus policées, car il en est d’autres, carrément polémiques portant sur la « désinvolture » de la gestion fédérale, sur les milliards dépensés, et surtout sur l’absence totale de résultats frappants et convaincants avec les éliminations de la plupart des équipes nationales. Ce samedi, 21 septembre, Ammouta jouera avec  la sélection des footballeurs locaux une partie compliquée face à son homologue algérienne. Inutile de trop nous attarder sur le contexte passionnel des matchs intermaghrébins, rencontres qui peuvent transcender le seul aspect sportif pour déboucher sur toutes les exploitations socio-politiques. Ainsi, rencontrer l’Algérie n’est jamais innocent ni anodin.  C’était compliqué bien avant la Marche Verte et les réactions qu’elle a provoquées chez les responsables algériens,  ont exacerbé chaque rendez-vous maroco –algérien sur un terrain de foot. 

Que depuis la dernière CAN, l’Algérie soit devenue le champion d’Afrique des Nations, au grand dam de l’Egypte pays organisateur, du Sénégal, Nigéria et Cameroun éternels favoris, et surtout de notre FRMF où le président Lekjaa s’était investi pour la conquête du Graal, n’a fait que développer un peu plus les rivalités.

Le match de cette semaine compte pour le CHAN, compétition appelée par les mauvaises langues, la CAN du pauvre, car elle met en lice les footeux non professionnels. Comprenez par-là les footballeurs évoluant dans leur propre pays, et non en Europe, Asie, Amérique Latine.

Le CHAN a été créé et voulu par Issa Hayatou ex-président de la CAF lorsque son instance a constaté que les équipes nationales des pays du continent africains se sont ouvertes à tous ceux qui évoluent ailleurs qu’en Afrique et qu’il fallait donner une chance aux joueurs restés au pays de pouvoir représenter le pays où ils vivent.

Idée fort belle car elle offrait un débouché, une issue glorifiante, à des joueurs qui en étaient privés, car condamnés à rester spectateurs de «stars» venues d’ailleurs et évoluant sous des couleurs qui étaient leurs propres couleurs.

Et c’est ainsi que cette idée généreuse aura provoqué des grands malentendus. 

A chaque contre-performance, les démagos et pas qu’eux, nous servaient la rengaine des joueurs pros surpayés et qui ne sont pas meilleurs que ceux d’ici.

Discours populiste, dangereux mais que l’impitoyable constat du résultat sec, autorise et même alimente.

Et cette lamentable situation n’est pas exclusive au Maroc où des joueurs aussi incontestables que Hajji ou Chemmakh ont été pris pour boucs émissaires à chaque déception du public.

Rappelez-vous aussi ce qu’a dû endurer l’impeccable Zyech d’Ajax lors du fameux pénalty raté en CAN 2019 face au Bénin.

Il n’y a pas que le Maroc qui vit cette schizophrénie populo-footballistique; rappelons seulement qu’un pro du Cameroun a failli être lynché, lui et sa famille, parce qu’il avait eu le malheur de rater un pénalty décisif.

N’allons pas plus loin et reparlons de l’Algérie qui, avec le coach Belmadi juste avant la CAN subissaient les foudres des réseaux sociaux, qualifiant tous les joueurs pros d’Europe, dont Mahrez de mercenaires incompétents.

Le titre 2019 obtenu au Caire a brusquement fait changer d’avis aux populaces… Ainsi va le foot et ainsi va la vie dans nos contrées.

Des contrées où à force de privilègier le populisme le plus primaire à l’analyse et à la vraie info, on devient soumis à toutes les dérives et règlements de compte déplacés et déplaisants. Les dirigeants actuels du football, ont cherché à caresser l’opinion publique dans le sens du poil, faisant croire aux supporters et médias complaisants qu’ils pouvaient régler tous les problèmes.

L’indifférence quasi générale qui a entouré l’AG récente du foot national est un signe flagrant que la voie choisie n’est pas la bonne.

Il faudrait en tirer les conclusions et en apprécier la leçon, fut-elle dérangeante.

L’alerte est donnée. Le signal de détresse a plané au-dessus d’ors et de lumières artificielles du Palais des Congrès.

Que disait, à propos, la chanson de Bécaud : « L’Indifférence, elle te tue à petits coups, l’Indifférence c’est quand tu parles alors que tout le monde s’en fout … l’Indifférence … »

Lekjaa et les autres

Le président de la FRMF, qui continue son mandat à la tête du football marocain, est appelé à changer son fusil d’épaule. Comprenez par là qu’il va devoir privilégier d’autres valeurs que celles de l’argent pour convaincre les uns et les autres.

En matière de moyens financiers, Fouzi Lekjaa a mis le paquet. Et désormais, ça lui retombe sur la tête pour ne pas dire que ça lui éclate en pleine face. Les chiffres sont têtus et ils fleurissent dans les réseaux et journaux. 

Des milliards par ci, des centaines de millions par-là, pour un total de 88 milliards de nos centimes qui claquent comme un échec

Dommage que tous les efforts et réunions soient balayés par ce constat qui fragilise un dirigeant qui, s’il n’a pas économisé l’argent, aura mis beaucoup de son temps et de son enthousiasme au service du ballon rond.

Un ballon rond capricieux qui peut nous précipiter dans le doute et le désarroi. Un tir raté et voilà qu’on nous jette en pleine figure les milliards investis. Des milliards dont personne n’aurait parlé si les Lions de l’Atlas avaient passé le «cut ».

C’est comme ça … il faut faire avec. En acceptant le foot avec ses beautés et ses émotions, ses injustices et ses déceptions.

Des déceptions qui se sont si multipliées qu’il aurait fallu une AG plus tapageuse et moins « organisée », une rencontre plus « punchie» comme on dit aujourd’hui, pour  échapper à la pire sanction que peut vous infliger l’opinion publique. Oui, car il y a pire que la colère, le tapage et la contestation. Oui. Car la pire sanction n’est autre que l’indifférence. Et avec l’AG du lundi dernier, on y était en plein.

 
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