Portrait

Feu Mohamed Chaâbi, homme d’affaires et ancien parlementaire : L’homme qui rêvait Kénitra plus grande

Mohamed Chaâbi avec ses enfants.

C’est le décès qui a endeuillé le monde des affaires. Mohamed Chaâbi qui occupait des responsabilités dans le groupe de son père, Miloud Chaabi, au sein d’Ynna Holding, a également mené une carrière au Parlement, à la Commune de Kénitra, mais également comme président de club de foot.

La disparition d’un membre d’une famille est toujours une épreuve pénible qui attriste les proches bien entendu, mais aussi beaucoup d’autres et à des degrés différents. Quand la personnalité du défunt aura marqué d’une manière ou d’une autre la vie sociale, politique ou sportive, la mémoire se charge d’en diffuser les échos et d’en prolonger la portée. Il n’est pas étonnant que la disparition récente de Mohamed Chaâbi ne semble pas près d’être oubliée. Cet enfant de Kénitra, aura en effet marqué la grande ville du Gharb à laquelle il s’était profondément attaché et à laquelle, il aura beaucoup donné. Mohamed Chaâbi y avait vu le jour il y a soixante ans, en 1954 plus précisément. Il grandira dans les quartiers populaires, alors que le père était déjà fort actif dans les affaires. Peut-être que c’est de cette période que date sa fibre sociale, qui se prolongera et se développera dans l’action politique. Son engagement déterminé et permanent dans le domaine sportif, est certainement la concrétisation d’une action sociale qui ne cessera de marquer son parcours. Etant le fils aîné des huit enfants de Miloud Chaabi, qu’on ne présente plus, il ne pouvait que rester dans le sillage des affaires familiales. Avec cependant sa touche personnelle, loin d’être négligeable.

Du Lycée militaire au Parlement

Mohamed Chaâbi aura été l’homme d’une ville à laquelle il aura consacré sa vie. Tout naturellement, c’est à Kénitra qu’il entamera sa scolarité primaire, plus précisément à l’école Port Lyautey, avant d’intégrer le collège Mokhtar Soussi en 1965. A cette époque, l’enseignement était encore bilingue, où de nombreux professeurs étrangers, particulièrement des français, apportaient leur contribution au système de l’enseignement public dont la qualité était irréprochable. Il prépare et obtient le concours national pour intégrer le Lycée Militaire. L’établissement n’était pas une école d’officiers, mais une contribution de l’Armée à l’éducation nationale. Les études y font la part belle à l’enseignement des sciences, tandis que le sport occupe également une place importante dans le parcours des élèves. Tous ces derniers étaient astreints au régime de l’internat qui, en dehors de l’avantage de donner à tous les mêmes conditions, leur assurait un maximum de chance de réussite. Le positionnement du lycée sur la base militaire, n’empêchait pas les élèves de bénéficier d’une salle de loisir équipée et d’une liberté de mouvement jusqu’à pouvoir aller au cinéma en ville. Sur les bancs de l’école, son chemin croise celui de Aziz Rebbah, actuel Ministre des Transports: “il a poursuivi ses études en France, à l’instar de nombre d’étudiants marocains, pour lesquels les études en France étaient bien plus accessibles qu’actuellement.” rappelle le Pr Souizi. Mais dès après leur bac en 1970, le futur homme d’affaires et l’actuel Ministre prendront des directions différentes. Au terme de ses études, c’est tout naturellement que Mohamed Chaâbi rejoint le groupe familial. Il commence au bas de l’échelle, et par faire du “terrain”. D’abord chef de chantier, il passe par différentes étapes intermédiaires, avant d’être promu Directeur des achats. C’est en 1979, que le jeune Mohamed, âgé de 25 années se marie. La progression se fait tout naturellement, à mesure qu’il apprend le métier. En parallèle, il commence sa carrière politique et dès 1983, il obtient les suffrages de ses concitoyens pour les représenter en tant que député au Parlement. Il était le plus jeune député de l’Assemblée. Aux responsabilités nationales, Mohamed Chaâbi ajoute des fonctions municipales. Il officiera même comme président de Commune de Saknia à Kénitra.

Un président de club de foot engagé

Abdellatif Khayr, un compagnon de sa carrière de président de Commune, se rappelle la période antérieure, celle d’une enfance qui aura laissé son empreinte sur le parcours de Mohamed Chaâbi”: “c’est à cette époque que nous nous sommes connus. Comme beaucoup d’autres enfants du quartier -oulad edderb- il jouait dans une équipe de quartier et participait aux tournois que nous organisions. Déjà à cette époque, il se distinguait par une nature généreuse, qui ne se démentira jamais”, explique notre interlocuteur, dont l’émotion se lisait sur le visage, à l’évocation de cette période passée. Prémonitoires ces débuts dans le foot amateur, puisque c’est durant ces tournois qu’il rencontrera et adoptera des joueurs et des passionnés qui feront les beaux jours du football de Kénitra. Il prendra lui-même successivement les rênes de clubs de foot de la ville. “C’est aussi parce qu’il a grandi au milieu des gens simples, qu’il est resté accessible à ceux qui lui demandaient son aide”, ajoute l’ancien compagnon.
C’était l’époque, où Kénitra s’appelait Port Lyautey. Ville qui se démarquait par la présence d’une forte minorité de population européenne. La base aéronavale, longtemps américaine et la position géographique de croisement entre les routes commerciales du Nord et de l’Oriental du pays, en faisaient une ville privilégiée. Sa particularité était d’être épargnée par le boom immobilier, malgré la proximité de la capitale. Les maisons gardaient une taille familiale, et permettaient encore une réelle vie de quartier.
La fibre sportive de Mohamed Chaâbi ne s’était jamais éteinte. S’il ne peut faire du foot sa vie, il y contribuera fortement et comptera parmi ceux qui gèrent le foot à Kénitra. Il prend des fonctions au club Nahda Kounaytriya (RSK), et fait tout pour promouvoir son club. Pour son ami de 40 années Takmoust: “au début, il s’emportait lorsque le club n’était pas à la hauteur, ou qu’il voyait des problèmes surgir. Mais il était jeune et ne tardera pas avec la maturité, à apprendre à composer et à s’entourer de gens de confiance”. Pour M. Zouita, alias Kala du CAC: “il assistait à tous les matchs et était un soutien indéfectible des joueurs.” Le champion qui avait fait partie de l’équipe du Maroc qui a participé à la Coupe du Monde de Football en 1982 est intarissable : “Mohamed Chaâbi avait réellement une fibre de manager du sport. Certes, pour gérer un club, il faut de l’argent, mais pas seulement. Lui, apportait un plus: une méthode et une vision. Il était proche des joueurs, à leur écoute et à celui des supporters . Il n’hésitait pas à entamer des discussions, à bâtons rompus avec les uns et les autres, à la terrasse d’un café. De même, qu’il était de ceux , pour qui, les anciens joueurs étaient le véritable capital technique de tout club. Il s’impliquait et nous impliquait. Il n’était donc pas étonnant qu’il ait relevé le club du niveau zéro au sommet du championnat national. Il est vrai que c’était une autre époque, avant que le sport ne perde son sens et ses valeurs…” conclut avec nostalgie l’ancienne gloire du football.
L’image forte qu’il laisse derrière lui se résume dans une générosité rare, et dans un altruisme certain. Que dieu ait son âme. 

 
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