Sport

Football : Le score et le contenu

Être jugé

C’était il y a déjà quelques années à Nador, où le club local du Hilal avait organisé une rencontre entre comité, supporters et journalistes. Devant une salle comble, où, comme d’habitude, en pareil cas chacun lançait des reproches sur le dos des autres, il y eut un magnifique coup de gueule. Il venait de la part d’un joueur du club qui, ulcéré par toutes les critiques, prit la parole pour crier son regret de voir que tous oubliaient l’essentiel: 

«Je m’excuse de prendre la parole, parce que parait-il, la réunion est réservée aux dirigeants et médias, mais je voudrais juste dire que beaucoup ici parlent de ce qu’ils ignorent. Le football n’est pas simple, si tout le monde en parle et donne son avis, très peu le pratiquent sur le terrain. Je viens d’entendre des critiques sur l’équipe, des attaques gratuites sur les joueurs. C’est très injuste de dire cela. Qui se met à la place du joueur? Tout le monde le juge et le condamne. Toute la semaine, on entend dans les cafés des commentaires sur ce qu’on a raté ou réussi. C’est facile et chacun a le droit de penser comme il veut, mais de grâce avant de condamner et brûler vos victimes, pensez à tout le courage qu’il faut pour représenter une ville, un public. Chacun de nous fait de son mieux, je peux vous l’assurer, mais on se voit descendre en flammes par des personnes qui ne seraient même pas capables de se mettre en short et traverser un stade sous les quolibets du public, ne serait-ce qu’en marchant. Je vous garantis qu’il ne saura même plus marcher droit quand tout le monde l’observe. Alors pensez au joueur, surtout celui qui n’est pas de la ville, quand il doit faire ses preuves sous les huées et les sifflets s’il a eu le malheur de rater sa première passe ou son premier tir».

C’était, il y a plus de 30 ans un soir à Nador où aujourd’hui le Hilal local a pratiquement disparu, mais le discours de ce jeune est plus que jamais d’actualité. Il résume la vraie problématique du football, domaine où l’on est jugé par tous «y compris par des incompétents» comme l’a dit en son temps, un certain Aimé Jacquet.

Le poste le plus exposé au foot? Tous les postes!

Dans une équipe de football, il est de coutume de dire que le poste le plus exposé dans un match, est celui de gardien de but, joueur à qui rien n’est pardonné. La moindre erreur et c’est la catastrophe. La moindre gaffe se paie cash et peut coûter très cher à l’équipe. En fait, ce n’est vrai qu’en partie, car dans un sport collectif, toutes les actions se conjuguent et la mauvaise relance d’un défenseur, même très loin de la surface de réparation, peut être à l’origine du penalty qui surviendra quelques instants plus tard et mettre au supplice un gardien de but qui, du départ, n’était pour rien dans tout ce qui lui arrive.

« Avant de condamner et brûler vos victimes, pensez à tout le courage qu’il faut pour représenter une ville, un public« 

Un consultant sur une émission sportive de très grande écoute a eu cette réflexion des plus justes : «Et si tout le drame du football venait du fait qu’on s’attarde plus au score d’un match que sur le contenu dudit match?»

22 joueurs et plus sur un champ de jeu, l’arbitrage, la pression du public, les stratégies (?) des bancs de touche, une heure et demie (ou plus parfois) de match et tout ce que l’on retiendra de cette exhibition spectaculaire ce sera le nom du buteur ou du malheureux qui aura raté ou gâché une occasion.

Décortiquer un match est compliqué, il faudrait un œil averti et aiguisé pour rendre justice à la vérité d’un match,mais qui a le temps et la compétence pour faire cela hormis des cellules techniques très spécialisées, mais dont les rapports sont réservés à une élite. Une élite qui ne se fera jamais entendre car le vacarme autour du football ne laisse guère place à l’analyse et à la réflexion.

De plus en plus surexposé, le football en devient sous-analysé. Situation paradoxale qui montre toute la complexité de ce jeu. Car le football n’est qu’un jeu,mais les émotions qu’il suscite font que cette discipline ludique est devenue, un jeu de roulette russe, où c’est le hasard qui peut engendrer le résultat.

Gérer cette situation est le défi grandiose, voire impossible qui est proposé chaque jour que Dieu fait, à tous les acteurs du football. Une situation qui fait que, beaucoup hélas, cèdent au populisme pour calmer les foules.

On a souvent dit et écrit que le football ne reposait sur aucune logique, car tout pouvait y inverser ou confirmer un résultat. On répète partout qu’une rencontre de foot est marquée par l’incertitude et qu’il y arrive, parfois, que ce n’est pas la meilleure équipe qui l’emporte;  les plus sages soulignent même, que dominer n’est pas gagner.

Or si tout le monde est, plus ou moins d’accord sur cela alors pourquoi tout jugement n’est basé que sur le résultat?

Lorsqu’on engage un coach, n’est-il pas donc illogique de le contraindre par contrat, de réussir telle qualification ou de remporter tel trophée?  Si tout y est aussi aléatoire que le hasard, comment donc les objectifs peuvent-ils être précisés?  Alors même que l’on admet que … la précision n’est pas compatible avec le football.

Dans un tournoi, un championnat, une Coupe du Monde, une Coupe d’Afrique, il ne peut y avoir qu’un seul vainqueur. Est-ce à dire que seul ce vainqueur est méritant et que tous les autres sont des tocards? Et bien oui, parce que le hasard, la chance, ou tout autre facteur inattendu auront tranché et décidé à la place du travail. Que vaut une performance quand elle n’est pas vraiment méritée? Rien sauf au football où c’est elle qui détermine, couronne et donc condamne. En réalité, le football n’a rien à f… de la morale et de ses dérives. 

Le joueur qui a dénoncé les malversations de l’Olympique de Marseille est devenu un paria, alors que le président du club, un certain Bernard Tapie est adulé. Le même Tapie qui au lendemain d’une défaite en demi-finale de Coupe d’Europe avait déclaré: «L’arbitre nous a bernés, mais désormais je sais comment on gagne les trophées en foot». Il aura tenu parole parce qu’un an plus tard, il était champion d’Europe des clubs champions, seul titre à ce jour d’un club français.

Un titre derrière lequel Lyon, Bordeaux et surtout le PSG des Qataris est toujours en train de courir.

Moralité? Eh bien il n’y en aura pas, à moins que ceux qui auront eu la patience de lire ces lignes se convainquent qu’il ne sert à rien de courir quand on n’a pas fait le point.

Comprenne qui pourra.

 
Article précédent

Ligue des champions : Le Raja qualifié en phase de poule

Article suivant

Orbis Automotive prend position à Rabat