Tribune et Débats

Intelligence géostratégique. Un nouvel axe mondial, en voie de cristallisation [Par Mehdi Hijaouy]

Bien avant la crise pandémique, un projet chinois baptisé « Belt and Road initiative », appelé également « One Belt, One Road », avait été auguré en 2013 par Xi Jinping, lors d’un discours à l’université Nazarbaëv d’Astana au Karakhstan. Sauf que cette route de la soie ne présageait, nullement, l’avènement d’une série de faits chroniques, à multiples dimensions ou encore l’émergence d’un Groupement mondial, constitué d’un ensemble d’États stratèges et puissants, qui allait exhéréder et chambouler cette ambition sino-russe.

Sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne (Brexit), survenance d’une profonde et interminable crise pandémique, normalisation des relations de l’État hébreux avec plusieurs pays musulmans, reconnaissance de la Marocanité du Sahara par les États-Unis d’Amérique, recadrage des influences étrangères en Afrique, débarquement d’un nouveau Maroc, érigé en véritable puissance régionale et continentale, sans omettre de citer une Guerre mondiale de l’Information qui embarrasse tous les pays, dans une totale anarchie.

Pour contrer cette route de la soie, allait se construire, délibérément ou consciemment, ce que j’appellerais le nouvel axe stratégique international, orchestré par les États-Unis d’Amérique et constitué, idéalement, en sus du Royaume chérifien, d’Israël, de l’Angleterre, de l’Australie, du Canada, de la France, de l’Espagne et du Vatican. Ce Bloc mondial, représentant l’ensemble des quatre continents, se constitue, à pas de géant, dans un silence absolu et dans une ombre étincelante.

Celui-ci se voit déjà moderne, prospère, numérique, puissant, civilisé et harmonieux, aux niveaux économique, militaire, sécuritaire, religieux, énergétique, portuaire, culturel ou encore cultuel. Les règles du jeu international changent, mais personne n’en est encore conscient, tellement le Covid-19 a tout aveuglé dans son chemin. D’ailleurs, les médias, les analystes chevronnés et même les États n’en parlent pas ou exceptionnellement, de manière très timide.

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A commencer par le Royaume chérifien qui ne cesse de se distinguer sur la scène mondiale, à travers sa politique proactive, multisectorielle, interculturelle, interreligieuse et à portée globale. « Le Maroc d’aujourd’hui n’est pas celui d’hier », une phrase prononcée par le ministre des affaires étrangères, de la Coopération Africaine et des Marocains Résidant à l’étranger, depuis déjà quelques mois et que l’on a pris l’habitude de lire et d’écouter, de manière fréquente, dans des médias nationaux et étrangers, au niveau des réseaux sociaux, dans des forums ou même en pleine rue, y compris dans des capitales européennes et asiatiques. Adieu à cette politique étrangère prudente et progressive et à simple finalité continentale : bienvenue à la nouvelle puissance marocaine, ouverte à l’international, où le Royaume chérifien va de l’avant qu’on le veuille ou pas.

Rabat : le Headquarter du nouveau Bloc mondial
Avec une remarquable position géographique, une terre conciliante, pacifique, interreligieuse et interculturelle, une place privilégiée au sein du Clan des grands, personne ne serait ahuri, si le Maroc est proclamé, dès aujourd’hui, capitale de ce nouveau Bloc mondial, que l’on pourrait nommer, désormais, le « G9 ».

Sous la conduite éclairée de S.M le Roi Mohammed VI, le Maroc, en tant que leader continental et régional incontesté, a réussi à développer une politique africaine, basée sur la solidarité, la confiance, l’échange et le partage du savoir-faire et de l’expertise. Sans omettre de rappeler les relations exceptionnelles et uniques que le Royaume entretient avec ce Groupement et ses alliés. Autant de qualités qui justifient l’installation du quartier général de ce Groupement international sur le sol chérifien.

Brève radioscopie historique sur les principaux alliés du Maroc
Ci-après quelques chiffres et dates clefs à remémorer, marquant bel et bien la solidité, la particularité, l’homogénéité et la seigneurie de ces partenariats.

– Relations maroco-américaines:
Le Maroc qui est le premier pays à reconnaître l’indépendance des États-Unis d’Amérique en 1777, a signé dès 1786 un traité d’amitié, sous le règne de feu Sa Majesté le Sultan Mohammed III – que Dieu repose son âme en paix – avec John Adams et Thomas Jefferson qui deviendront, par la suite, les 2ième et 3ième Présidents américains.

– Relations maroco-israéliennes:
Le Maroc a toujours veillé à protéger les communautés juives, particulièrement suite aux persécutions dont ceux-ci étaient victimes en Europe, principalement en Espagne, juste après la fin de la Reconquista en 1492. Feu S.M.le Roi Mohammed V n’a nullement résisté, lors de la deuxième guerre mondiale, aux injonctions françaises, lui exigeant de procéder à l’arrestation des juifs marocains, dont le nombre oscillait autour de 265.000 personnes mais le Souverain, à cette époque, avait défendu leur cause, en déclarant que ce sont des sujets marocains, sans aucune autre considération. 

Près de 800.000 israéliens sont des juifs d’origine marocaine, ce qui en fait la seconde plus importante communauté à travers le monde. Prochainement, le Royaume chérifien et Israël ouvriront leurs ambassades respectives, à quelques mois de la normalisation des relations entre les deux pays, déjà marquée, tout récemment, par l’inauguration de leurs bureaux de liaison et la signature de multiples conventions de partenariat, dont certaines ont déjà été mises en exécution.

– Relations maroco-anglaises:
Entretenant des liens solides et précieux, d’une durabilité qui dépasse les 800 ans, les deux Royaumes se sont encore plus rapprochés, ces dernières années, notamment, suite au Brexit. Un ancien ambassadeur anglais à Rabat, Clive Alderton, actuellement secrétaire privé principal de Charles, prince de Galles et de son épouse la Duchesse de Cornouailles, lors du 800ème anniversaire des relations maroco-britanniques, célébré en décembre 2013, a bien qualifié lesdites relations, en avançant que « le statut des deux pays, comme deux des monarchies les plus anciennes dans le monde, est la genèse de cette relation distinguée. Jusqu’à aujourd’hui, ce statut partagé, nous force à se lier et à comprendre l’un l’autre ».

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– Relations maroco-canadiennes:
En 2020, le Maroc et le Canada ont célébré le 58éme anniversaire de leurs relations diplomatiques. Entretenant ainsi un partenariat stratégique multidimensionnel avec le Canada, le ministre des affaires étrangères, de la Coopération Africaine et des Marocains Résidant à l’étranger avait, d’ailleurs, rappelé que « le Maroc, comme le Canada, appartient à la catégorie des afro-optimistes, estimant qu’en dépit des difficultés, le continent africain a plusieurs atouts et représente l’avenir de la communauté internationale ».

– Relations maroco-australiennes:
L’année 2021 marque le 45ème anniversaire de l’établissement des relations diplomatiques entre le Maroc et l’Australie, couronnée par l’installation de la première Ambassade australienne à Rabat. L’ambassadeur, Michael Cutts, avait d’ailleurs exprimé, en toute illumination, que « l’Australie aspire à entamer une nouvelle ère de coopération fructueuse avec le Royaume ».

– Relations maroco-françaises:
Après son intronisation, S.M. le Roi Mohammed VI avait choisi Paris comme première visite d’État à l’étranger.
Ce déplacement, officiel et Royal, effectué en mars 2000, en dit long, et partant traduit, l’excellence des relations bilatérales entre les deux grandes Nations, marquées par un dialogue constant, perspicace et profond.

Partenaire privilégié du Maroc sur les plans économique, scientifique, culturel et sécuritaire, la France a toujours œuvré pour maintenir des liens soudés et inaliénables, grâce à de multiples instruments diplomatiques et coopératifs, tels que l’organisation des rencontres de haut niveau qui se tiennent régulièrement au niveau des chefs de gouvernements respectifs.

– Relations maroco-espagnoles:
Les Royaumes marocain et espagnol entretiennent des relations bilatérales fortes dans les domaines commerciaux, logistiques et sécuritaires et assurent le rôle de principaux gendarmes dans la lutte contre la criminalité transnationale, entre les deux continents. Malgré quelques tempêtes passagères qui sévissent, de temps à autre, les liens historiques entre ces deux Royaumes, traduits par des intérêts communs et par le bon voisinage, les contraignent à surpasser, imminemment, ces légères fissures et brèches qui n’ont, par ailleurs, que contribuer au renforcement de leurs relations stratégiques.

– Relations maroco-vaticanes:
L’islam et le christianisme sont liés depuis longue date, à savoir depuis la rencontre historique entre Saint-François d’Assise et le Sultan d’Egypte Al Kamil en 1219, symbolisant ainsi la paix et le dialogue interreligieux. Entre le Royaume chérifien et le Saint-Siège, une histoire majestueuse marque aussi la profondeur de leurs liens. Ainsi, en 1888, le Sultan feu Moulay Hassanque Dieu repose son âme en paix – avait chargé ses émissaires pour féliciter le pape Léon XIII, à l’occasion d’un événement religieux, en signe de fraternité entre les deux peuples.

De multiples visites s’en suivront, depuis l’ère de feu Sa Majesté Hassan II -que Dieu repose son âme en paix-, où le pape Jean-Paul II  a été grandiosement reçu en 1985 ou encore où le pape François a été accueilli le 30 mars 2019 par S.M. le Roi Mohammed VI, en présence de près de 25.000 personnes sur la grande esplanade de Rabat. Quant à l’ouverture d’une Nonciature apostolique du Vatican à Rabat, celle-ci remonte déjà à 1988, suivie en 1997 par l’ouverture de l’ambassade marocaine auprès du Saint-Siège, chose qui reflète la volonté commune, visant à consolider des relations bilatérales diplomatiques, fortement ancrées et des plus exemplaires, dans un esprit de tolérance absolue.

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Le Groupement des As mondiaux du Renseignement
Reconnus pour l’agilité de leurs Services secrets, ce Groupement des 9 alliés stratégiques pourrait, largement et de manière intelligente, assurer la sécurité et la paix internationales. D’ailleurs et comme l’avait révélé des documents rendus publics par Snowden que des modèles similaires existaient même dans le passé, à l’exemple de l’accord UKUSA de1947-1949, connu sous les appellations de « Five Eyes » ou d’ « Echelon », entre les USA, le Royaume-Uni, le Canada, l’Australie et la Nouvelle-Zélande et qui est toujours d’actualité. Chose qui faciliterait la consolidation d’un tel projet, voire même d’étudier la possibilité de l’ériger en « Ten Eyes », en invitant la Nouvelle-Zélande à intégrer ce nouveau Groupement, lequel se verrait élargi pour compter 10 partenaires.

Un Bloc mondial qui se veut d’unir les trois religions monothéistes
Notre cher Monarque, en tant qu’Amir Al-Mouminine et président du Comité Al Qods, faciliterait au Bloc des 9 (ou 10), la concrétisation et la consécration d’une paix mondiale interreligieuse, à multiples facettes. Ces incroyables atouts du Maroc permettraient également à ce Groupement, de jouer le rôle de plateforme d’accès pour ce Bloc mondial sur le continent africain et de permettre aussi aux trois religions abrahamiques de s’ouvrir l’une à l’autre, pour mieux se connaître, en vue de s’unir dans une lutte acharnée contre le radicalisme et l’extrémisme violents.

Une nouvelle ère qui impose de nouveaux modèles de coopération
Autrefois, la triade (USA, UE, Japon) régnait en vrai maître et sans partage mais aujourd’hui, la configuration mondiale impose de nouveaux modèles et paradigmes de coopération et de partenariat qui ne serviraient plus, comme autrefois, que les pays relevant d’un groupement bien particulier, mais l’intérêt se veut d’être universel. Et justement, ces alliés, à part le fait de se compléter à maints égards, partagent leur vision intelligente et sage, consistant à faire régner une paix mondiale et à éradiquer toutes sortes de manigance et de diatribe malveillantes de certains États.

Par Mehdi Hijaouy, expert en Securité, Sûreté, Renseignement et Intelligences économique et stratégique. Fondateur du Washington Strategic Intelligence Center, Mehdi Hijaouy est titulaire d’un Executive MBA en « Stratégie d’Influence, Négociation et Guerre Psychologique » – École de Guerre Économique (EGE), Paris et d’un Executive MBA en « Management des Risques, Sûreté Internationale et Cybersécurité » – EGE, Paris.

 
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