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Jean-François Daguzan : « l’espace Atlantique et Méditerranéen risque une périphérisation »

L’OTAN et le nouvel ordre géopolitique, dimensions méditerranéennes et nord-africaines des dynamiques atlantiques, la dimension humaine de la crise migratoire… sont, entre autres, les thèmes débattus lors de cette deuxième journée du Forum Atlantic Dialogues, qui se tient à Marrakech jusqu’à ce samedi. Jean-François Daguzan, directeur adjoint de la Fondation pour la recherche stratégique, nous présente dans cette interview une analyse pertinente de ces thématiques.

Challenge : Comment voyez-vous cette initiative de tenter de renouer les relations transatlantiques à travers ce forum mondial Atlantic Dialogues ?

Jean-François Daguzan : Je crois que c’est une initiative extrêmement importante à partir d’un risque qui a été évoqué ce matin, notamment par l’ancien ministre des Affaires étrangères espagnol, Miguel Angel Moratinos, qui est finalement le risque de périphérisation de l’espace Atlantique et Méditerranéen. Ce qu’on a tendance à ne pas encore comprendre en Europe, en Méditerranée et de l’autre côté de l’Atlantique, notamment en Amérique latine, c’est que le centre stratégique du monde s’est déplacé vers le Pacifique.

Donc, c’est en quelque sorte les Etats Unis qui tourne la tête vers l’autre côté en adoptant une nouvelle politique extérieure impulsée par Donald Trump ?

Aujourd’hui, le gros problème pour les Américains et pas seulement c’est la relation avec l’Asie et en particulier la Chine. Et c’est autour de cette relation pacifique que se joue la nouvelle confrontation. La relation Atlantique c’est un peu la fin d’une histoire qui a commencé en 1917 avec l’arrivée des Américains pendant la 1èreguerre mondiale et qui s’achève. Alors, évidemment ce n’est pas brutal, mais c’est une évolution qui avait déjà été marquée par l’ex président américain Barack Obama, qui avait annoncé le shift vers le Pacific et que Donald Trump applique maintenant.

La région est-elle autant dépendante des États-Unis ?

Evidemment pas, mais il faut se ressaisir ; il faut qu’on soit particulièrement conscients, Européens, Méditerranéens et monde Atlantique, qu’on va devoir se débrouiller tout seul pour gérer un certain nombre de problèmes, qui sont de l’ordre du changement climatique, de la sécurité, de la lutte contre l’extrémisme avec des migrations africaines mais pas seulement, qui vont accélérer et une véritable difficulté à absorber tous ces chocs dans un moment où la fragmentation est la règle : l’Europe est en crise, la Méditerranée ne va pas bien, avec les conflits libyens, syriens, etc. l’Afrique et le Sahel sont bouleversés par le djihadisme… Donc, tout un ensemble de problèmes qui se conjuguent pour créer des situations de crise multiples et avec le risque d’un changement climatique brutal. Pour ces raisons il est nécessaire de repenser la relation euro-méditerrano-Atlantique qui soit capable de prendre en compte ses problèmes.

Pour commencer, l’Europe gagnerait beaucoup à contribuer davantage au développement de l’Afrique, un important allié potentiel pour l’avenir ?

L’Europe fait déjà beaucoup. L’ambassadeur européen auprès des Nations-unis a rappelé que l’aide européenne au développement de l’Afrique était la deuxième au monde et ce n’est pas sûr que l’on puisse l’augmenter davantage. C’est peut-être par la mise en oeuvre de politique collective qu’on puisse faire bouger les choses.

Et la France dans tout ça ?

La France se débat avec ses difficultés. Elle a apporté ces derniers 18 mois une véritable vision européenne, avec l’axe franco-allemand, la nécessité de mettre en place une véritable politique structurée européenne autour de pays comme moteur, pas seulement la France et l’Allemagne. Mais on voit que sur le plan européen elle se heurte à des résistances avec la montée du populisme en Pologne, Hongrie, l’Italie. Et au plan interne français, la crise des gilets jaunes révèle une crise structurelle de fond qui va rendre difficile l’action du président dans les mois qui vont venir.

 

 

 
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