Blog de Jamal Berraoui

La barbarie sans fard

Peut-on soutenir une cause, tout en ayant une profonde répulsion pour ceux qui pensent la représenter ? La question se posait déjà pour la Palestine et les choix de certains groupuscules, elle devient angoissante pour la Syrie. Ceux qui combattent le régime fasciste des Assad, sombrent de jour en jour dans la barbarie. Exécutions sommaires sur des bases confessionnelles, viols, humiliations sont des actes commis au quotidien, par les milices, peu unifiées par ailleurs, de l’Armée Syrienne libre. On pouvait déjà être inquiets de la volonté affichée de créer un Etat Islamique, dans un pays qui compte une mosaïque de religions, dans une diversité ethnique qui avait fait sa richesse, malgré son instrumentalisation par le baas fasciste au nom de la cohésion nationale. Mais la réalité est déjà une horreur. Les opposants de l’étranger, tentent de camoufler les faits, de rassurer, sans y parvenir, parce que les atteintes aux droits de l’homme sont systématiques et que le nettoyage ethnique, dans les zones libérées, est en marche. Pour savoir à qui on a affaire, il suffit de lire la dernière fatwa de ces jihadistes. Ils ont proclamé un nouveau Jihad, celui de la fornication. Ne riez pas, pas avant de lire la suite. Ils demandent aux «Moujahidines, new-look, d’offrir leur sœur ou leur femme à ceux qui font la guerre, pour qu’ils «se libèrent de tout souci de fornication», et puissent ainsi se consacrer à la chute du dictateur. Il s’est trouvé quelques hommes de religion pour contester « la validité d’offrir sa femme », la sœur pouvant passer à la trappe, mais même ces voix sont très rares. Dans une région où le crime d’honneur fait partie des mœurs, le constat est rapide, il faut leur envoyer des psys, pas des armes.
Cela fera bientôt deux ans que les Syriens subissent les affres de la guerre. Les morts, par dizaines de milliers, les réfugiés deux millions, les destructions n’ont pas atténué la folie du régime. Ses soutiens continuent à proclamer « Assad sinon personne ». Il jouit toujours du soutien de la Russie, de l’Iran et du Hezbollah. C’est un régime criminel qui ne peut s’attirer le soutien d’aucun humaniste.
Le drame, c’est qu’en face la militarisation du conflit a permis l’émergence de groupuscules ouvertement liés à Al Qaïda, comme dans le cas d’Annosra, ou tout simplement barbares. L’opposition présentable, celle qui parade à Doha ou en Turquie est incapable de contrôler ceux qu’elle contribue à armer. La preuve, elle a mis une année pour former un gouvernement de transition, immédiatement rejeté par les milices de l’ASL. Les lueurs d’espoir que constituent les comités civils, se perdent dans le fracas des bombardements. Le drame, c’est que plus Assad s’accroche à son pouvoir, plus la radicalisation profitera aux barbares, au détriment d’un projet national Syrien, au risque d’un chaos qui durerait des décennies.
On peut être pour l’émancipation des peuples, la réalisation de leurs aspirations à l’égalité, à la liberté et refuser de se laisser piéger par un faux dilemme. Dénoncer la barbarie des opposants, n’est en rien un soutien au criminel Assad, ni une manière de mettre les belligérants à égalité. C’est le devoir de tout humaniste de dénoncer la bête immonde, d’où qu’elle vienne, surtout si elle confisque les aspirations de tout un peuple. n

 
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