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La bataille des têtes de liste entamée

Mustapha Bakkoury, SG du PAM.

C’est par groupe que des «militants» quittent un parti pour en rejoindre un autre. Ce n’est pas sain, parce que c’est une manière de préparer les candidatures et rien d’autre. 

Chaque jour, la presse nous apprend que dans telle ville ou telle bourgade, un groupe a quitté le parti X pour rejoindre un autre parti. Les communiqués se ressemblent, ils font tous état de divergences organisationnelles avec la direction. Il n’y a ni idéologie, ni politique là dedans. Tous les partis, y compris le PJD, sont concernés. Ils payent là le tribut de «l’ouverture» aux notables.
En fait, c’est une réalité assez sombre. Les caïmans ne veulent pas vivre dans le même marigot. L’enjeu est tout simplement la tête de liste lors des élections communales. Les dirigeants de ces micro-scissions sont tous des élus locaux, parfois des parlementaires. Si la direction montre sa préférence pour un autre candidat putatif, ils préfèrent chercher refuge chez un autre parti, moins bien implanté dans la région et surtout qui n’a pas de ténor en vue. Tous les partis, sans exception dénoncent ces pratiques officiellement, mais accueillent à bras ouverts les néo-arrivants. Des spécialistes du nomadisme politique ont trouvé refuge chez les deux partis de gauche ou l’Istiqlal, au point de diriger l’organisation dans leurs régions quelques semaines après leur adhésion.

Le PAM innocent !

Partis de la majorité ou de l’opposition, ils ont stigmatisé ces valses au sein du parlement. Ils ont même trouvé une victime expiatoire, un prétendu coupable pour cacher les turpitudes de la classe politique : le PAM (Parti Authenticité
et Modernité). Ce parti est non seulement accusé de débauchage à grande échelle, mais d’y être aidé par les autorités locales.
Seulement, Bakkoury et les siens font eux aussi de la politique. Ils savent que parce qu’ils sont en tête des sortants, puisqu’ils dirigent le plus grand nombre de communes, ils sont la cible préférée des autres en général et du PJD en particulier. Ils savent aussi que la stratégie tendant à les lier à des secteurs étatiques, les sorties des Benkirane, Aftati, Driss Lachgar et les autres, laissent des traces, même si aucune preuve matérielle n’est versée au dossier. Alors, ils ont pris une décision historique : ils ne présenteront aux élections aucune personne qui ne justifie pas d’une ancienneté de quatre ans au PAM. Cela signifie que si transfuges il y a, ils ne seront pas candidats aux prochaines élections et devront attendre d’autres échéances électorales pour prétendre concourir au nom du PAM. Si tous les partis prenaient la même décision, le nomadisme prendrait fin de lui-même puisqu’il n’est animé que par des prétentions électorales.
Mais au-delà des discours, les partis sont incapables de prendre une telle décision. Les élections locales révèlent les insuffisances organisationnelles des partis en lice. Même les six plus grands n’ont pas les moyens de couvrir tout le territoire national. S’il y a un trop plein de candidats dans les grandes villes, ils s’arrachent les notables ailleurs, sans avoir aucune certitude sur les moyens de les contrôler ensuite. C’est ainsi qu’on a vu des présidents de commune changer de bord avec l’ensemble des élus communaux. Cela s’est vu dans des petites communes, mais aussi dans des villes comme Al Hoceima où la liste du PAM en 2009 était celle du PPS en 2003.
Il faut savoir que le financement des partis dépend du nombre de candidatures, des voix recueillies et du nombre d’élus. Un parti qui ne présenterait que des militants avérés, couvrirait dans le meilleur des cas, le tiers des circonscriptions et se condamnerait à une quote-part misérable dans le financement public. C’est la motivation principale de la course aux notables qui a abouti à la disparition quasi-totale du parti de militants, le dernier, le PJD étant lui-même fortement touché par ce virus, surtout en zone rurale.
Cette année, il y a une dimension supplémentaire qu’il faut prendre en considération. Le poste le plus « recherché » n’est plus la mairie ou la présidence de commune, mais la région, parce qu’elle aura beaucoup plus de prestige, de prérogatives, de moyens et que son président sera l’élu le plus important. Par définition, dans une région il y a plus de notables que dans une commune. Cette bataille-là sera féroce et c’est pour cela que l’on assiste à ces exodes collectifs. L’anoblissement de la politique ne peut être fait contre la volonté de ses acteurs. La mauvaise monnaie a définitivement chassé la bonne. n

 
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