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La conformité : une fonction qui monte en gamme dans les banques


La banque est un métier de risques ; risques de marché, de crédit, de liquidité…mais aussi risque de non-conformité. Avec l’avènement d’une nouvelle génération de lois (protection des données personnelles, lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme…) et les dérapages qui ont marqué la dernière crise financière internationale, ce dernier risque se trouve au centre des préoccupations des dirigeants des établissements financiers. La prise en charge de ce risque a donné naissance à une nouvelle fonction appelée « Conformité » dont le poids devient de plus en plus important dans les organigrammes des banques. par C.A .H
Dans l’exercice de leurs activités, les banques sont appelées dorénavant à être exemplaires en veillant à ce que toutes leurs opérations soient conformes. Mais à quoi ? Bien sûr à la loi, mais ce n’est pas suffisant. En effet, elles doivent être conformes aux lois nationales et parfois étrangères (loi américaine Fatca, loi marocaine sur la contribution libératoire…), aux règlements et aux normes professionnelles et déontologiques et aux orientations de l’organe délibérant ou de l’organe exécutif de la banque.
Depuis les dernières crises financières qui ont mis en péril la stabilité du système financier mondial, la conformité prend de l’importance dans les organigrammes des banques.
La diversité et la complexité de plus en plus grandes des opérations traitées par les banques avec l’exercice de leurs activités dans plusieurs pays, imposent une grande vigilance en matière de conformité. Pour y arriver, une nouvelle fonction a fait son apparition ; il s’agit de la conformité (compliance  en anglais). Elle a pour mission de prendre en charge le risque de non-conformité qui est défini par le Comité de Bâle comme étant « le risque de sanction judiciaire, administrative ou disciplinaire, de perte financière, d’atteinte à la réputation, du fait de l’absence de respect des dispositions législatives et réglementaires, des normes et usages professionnels et déontologiques, propres aux activités des banques ».
La fonction de conformité a fait l’objet dès 2003 d’une réflexion au sein du Comité de Bâle afin d’une part, de tenir compte dans le calcul des fonds propres, d’autres risques que les risques de crédit et de marché et d’autre part, de faire des recommandations en vue de mieux maîtriser le risque de non-conformité.

Les banques marocaines sont tenues de mettre en place la fonction de conformité qui doit être érigée en «structure indépendante directement rattachée à l’organe de direction»
Souvent, la question se pose de savoir quelle est la différence entre la fonction juridique et la fonction conformité. La réponse n’est pas facile du fait que la frontière entre les deux fonctions n’est pas toujours claire. Mais d’une manière générale, on peut dire que la conformité est une fonction de contrôle qui fait partie du dispositif du contrôle interne de la banque, alors que la fonction juridique a pour objet d’assurer la veille juridique, de fournir l’assistance juridique aux différentes entités de la banque et de gérer le contentieux. Compte tenu de cette proximité entre les deux activités, certaines banques optent pour le regroupement des deux fonctions dans une même structure.
Depuis les dernières crises financières qui ont mis en péril la stabilité du système financier mondial, la conformité prend de l’importance dans les organigrammes des banques partout dans le monde. Au Maroc, la Banque Centrale a adopté en 2007, dans le cadre de la mise en œuvre du deuxième pilier de Bâle II, des décisions fixant les règles minimales devant être observées par les établissements de crédit en matière de conformité. Ainsi, les banques marocaines sont toutes tenues de mettre en place la fonction de conformité qui doit être érigée en «structure indépendante directement rattachée à l’organe de direction». Compte tenu de son importance, la Directive de la Banque Centrale (n°49/G/ 2007 du 31 août 2007) précise que l’externalisation à un tiers n’est pas autorisée. Toutefois, l’établissement de crédit peut toujours recourir à « l’expertise ou aux moyens de tiers» comme il «peut établir, le cas échéant, un lien fonctionnel avec la fonction conformité du groupe dont il relève».
Pour renforcer davantage l’indépendance de la fonction de conformité, il est prévu que le responsable de la conformité (compliance officer) doit être indépendant des entités opérationnelles de la banque. Quand il relève de graves dysfonctionnements, « il a le droit de contacter l’organe de direction (direction générale) et le cas échéant, l’organe d’administration (Conseil d’administration ou conseil de surveillance selon l’organisation de chaque banque) ».Il tient l’organe d’administration informé sur les risques de non-conformité encourus et lui adresse au moins une fois par an, un rapport sur la conformité faisant ressortir notamment, les insuffisances relevées et les mesures correctives décidées et leur suivi. Dans certains pays, le responsable de la conformité soumet régulièrement des rapports sur son activité aux autorités de régulation qui doivent être informées de sa nomination et de son départ.
Comme il a été souligné, le domaine de la fonction conformité est vaste, dans la mesure où elle est chargée d’identifier et de prévenir tous les risques de conformité de nature à porter atteinte à la réputation de la banque. Or, chaque opération bancaire est régie par une multitude de textes, rendant par là très difficile le travail du responsable de la fonction conformité. Compte tenu de cette complexité, les organes de gestion et d’administration des banques œuvrent pour la diffusion d’une culture de conformité auprès de l’ensemble du personnel.
La culture de conformité pour une banque, c’est avant tout s’interdire de travailler avec tout client sur lequel il n’est pas possible d’avoir des informations suffisantes ; la bonne connaissance du client est une condition sans laquelle aucune entrée en relation n’est possible. Chaque opération traitée, doit avoir « une légitimité économique » et s’inscrire dans le cadre d’une activité exercée en conformité avec les lois et règlements. D’un autre côté, la conformité implique pour la banque le respect de la réglementation des marchés financiers et une certaine loyauté à l’égard de la clientèle ; les communications sur les produits et services proposés doivent être correctes, claires et surtout non trompeuses.
Si le périmètre de la conformité est très vaste, certaines opérations se trouvent au centre de l’activité de cette fonction. Il s’agit notamment, de la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, de la protection des données personnelles et de la lutte contre l’évasion fiscale internationale. Ces trois domaines font l’objet d’un suivi rigoureux de la part des services de la conformité, car tout écart peut avoir des conséquences très lourdes pour la banque et ce, en termes financiers et de réputation.

Le prix à payer en cas de non-conformité, peut être parfois trop élevé au point de menacer l’existence même de la banque concernée.
Courir derrière les chiffres et les performances commerciales est toujours la préoccupation majeure de chaque banque ; les traders et les commerciaux d’une manière générale, tiennent toujours une position stratégique au sein des établissements de crédit. Mais il faut reconnaître que sous la pression des régulateurs et aussi par souci de préserver leur image de marque, les banques sont de plus en plus conscientes de l’importance de la conformité de leurs activités aux lois et normes en vigueur. Ce changement de comportement explique la pression exercée par certaines banques européennes sur leurs clients résidant au Maroc, pour se conformer à la loi marocaine en adhérant à l’opération de contribution libératoire.
Le prix à payer en cas de non-conformité peut être parfois trop élevé, au point de menacer l’existence même de la banque concernée. Les sanctions infligées ces dernières années par les autorités américaines, montrent à quel point la fonction conformité est importante et aussi son rôle de contrepoids face aux commerciaux qui, sous la pression des résultats ne prêtent pas toujours attention à la réglementation. Trois exemples méritent d’être médités par tous les banquiers ; Bank Of America condamnée à 16,65 milliards de dollars dans le cadre des poursuites liées aux Subprimes, la banque française BNP Paribas à 8,9 milliards de dollars pour non-conformité à la loi américaine sur les embargos et le Crédit Suisse à 2,6 milliards de dollars pour avoir aidé des ressortissants américains à frauder le fisc. L’ère de la finance folle est peut être révolue. n

 
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