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La couverture médicale pour les étudiants

La politique n’a pas de sens lorsqu’elle ne peut offrir des perspectives pour réaliser un bien être individuel et collectif pour le citoyen. Les politiques publiques en tant que mise en œuvre des programmes politiques ne peuvent, quant à elles, être crédibles que si elles arrivent à introduire un changement dans le quotidien du citoyen. L’école, comme la santé et la justice sont des domaines où le jugement prend racine dans le vécu de ceux qui aspirent à moins subir les aléas de la vie.
par Driss Al Andaloussi

Le secteur de la santé au Maroc, est au centre des points de risque que le citoyen juge comme étant préoccupant. Depuis quelques années, la couverture médicale universelle s’est imposée comme une revendication et une aspiration citoyennes et a pris une place importante dans les discours et programmes politiques. La constitution a consacré le droit à la santé (article 31).Les principes de la couverture médicale de base ont été posés depuis 2002 avec la loi 65-00. L’AMO ne pouvait continuer à être un privilège pour une partie de la population. Le RAMED est institué pour augmenter le taux de couverture médicale des citoyens vivant dans la précarité, mais d’autres catégories sociales sont restées à la marge du système. Les professions libérales et les étudiants ont longtemps attendu pour intégrer une couverture médicale. Un processus est lancé et doit être préservé et constamment renforcé pour qu’il aboutisse et qu’il permette de rompre avec des situations de précarité. Celle-ci frappe aux portes de la classe moyenne. L’après maladie est souvent synonyme de traversée du désert.

Une première au Maroc : Les étudiants seront couverts médicalement

C’est une avancée de taille qui va faire date dans la vie estudiantine. Tomber malade était synonyme de drame pour un étudiant non couvert par une famille mutualisée et âgé de plus de 25 ans. Le Chef du gouvernement a tenu une réunion pour lancer, entre autre, le chantier de prise en charge médicale des étudiants par l’Etat. C’est une opération qui sera traitée de la même façon que les dossiers relatifs à la réparation accordée aux victimes des années de plomb. Les prestations payées par la CNOPS au profit des étudiants seront remboursées par le gouvernement. La donne structurelle liée à l’âge de cette catégorie sociale ne peut générer des coûts énormes en matière de prestations de santé. Ce sont les retraités et les fonctionnaires ou agents en situation de pré-retraite de l’Etat, de certaines entreprises et établissements publics  ou des collectivités territoriales qui constituent la principale frange consommatrice de soins et d’hospitalisations. Les étudiants ne disposant pas d’un soutien familial, pourraient ainsi disposer de moyens pour faire face à des dépenses qui ont un lien direct avec les soins dont ils sont exclus et notamment, ceux liés à la chirurgie dentaire, aux  analyses médicales et aux problèmes gastriques qui touchent une partie d’entre eux.

Les mesures préalables à l’efficacité du nouveau système

La forme que prendrait cette couverture médicale estudiantine devrait tenir compte du fait qu’un étudiant ne pourrait avancer les frais de soins, ni présenter un chèque ( de garantie) à une clinique. Tous les moyens doivent, par conséquent, être mis en place pour donner un contenu concret à un engagement politique du gouvernement. Le système utilisé pour les victimes des années de plomb n’est pas faisable pour les étudiants. Avoir une prise en charge partielle ne peut garantir à un accès aux soins. Les pratiques dans certaines cliniques sont connues et reconnues et peuvent donner lieu à des refus de prodiguer des soins aux étudiants. La solution serait dans l’adoption d’une carte « vitale » pour étudiants, soutenue par des conventions et protégée par un système de contrôle efficient. Les problèmes ayant accompagné la mise en place de la couverture médicale des victimes des manquements aux droits de l’homme entre 1956 et 1999, n’ont commencé à être résolus qu’au début de l’année 2014. Les remboursements des dépenses par la CNOPS butaient sur les reversements par le gouvernement des dépenses effectuées par cet organisme gestionnaire. Seul un système basé sur le versement de provisions sous forme d’un compte revolving peut assurer une fluidité dans le traitement des dossiers. Les étudiants qui constitueraient la cible de cette couverture sont, pour la plupart, dans des situations de précarité et il serait illusoire de s’attendre à ce que les « économies sur la bourse » ou les aides familiales puissent leur permettre de se soigner convenablement et dans les temps. Il est encore possible de réfléchir à des systèmes d’avances ou de certificat délivré par un médecin relevant de l’université pour permettre de payer directement les frais d’analyses, les prestations des spécialistes ou l’achat des médicaments.

Du retard …mieux vaut tard que jamais

Nous ne sommes pas le premier pays à réfléchir à un système de couverture médicale pour les étudiants. Nos voisins maghrébins ont, depuis longtemps mis l’étudiant, au centre de leur système de couverture soit à travers une contribution modeste au niveau de la sécurité sociale(Tunisie) ou d’un paiement par l’Etat (Algérie). Les pays européens ont, depuis longtemps opté pour un système d’assurance maladie obligatoire pour les étudiants. Les mutuelles estudiantines gèrent l’affiliation à la sécurité sociale. Le coût de cette affiliation est d’environ 200 euros annuellement. Des exceptions sont, toutefois, prévues pour des situations particulières de boursiers de l’enseignement supérieur, de pupille de la nation ou d’ayant droit n’ayant pas atteint 20 ans. L’Age limite au bénéfice de la sécurité sociale est fixé à 28 ans, pouvant être prorogé sous certaines conditions.

Le ciblage : un outil de justice sociale

Gérer le nouveau système au Maroc,  nécessite un travail précis en matière de ciblage des bénéficiaires. Les étudiants du secteur privé, dont les familles déboursent des montants conséquents pour couvrir les frais d’études, peuvent aisément supporter le coût d’une cotisation annuelle. Les étudiants dont les parents bénéficient d’une affiliation à un des organismes de l’AMO et n’ayant pas atteint l’âge limite avec scolarisation (25 ans), sont par nature en dehors du système à mettre en place. Les autres étudiants doivent être admis sur la base d’un dossier et de critères prenant en compte les paramètres de l’âge et de la situation sociale. Certaines grandes écoles publiques marocaines comptent parmi leurs étudiants des enfants de familles aisées, qui n’hésitent pas à exhiber leurs signes extérieurs de richesse. Ceux-ci doivent normalement supporter le coût de leur affiliation.
 Le schéma de faisabilité n’est pas encore finalisé. On avance des besoins de financement allant de 150 millions de DH à 200 millions de DH et un nombre de bénéficiaires ne devant pas dépasser 250 000 étudiants. Le nombre global des étudiants devrait dépasser les 900 000 lors de la rentrée universitaire 2015-2016. Reste le grand problème des coûts réels des soins facturés et celui de la qualité de l’offre dans les structures publiques. « Ramediser » les étudiants, les confronterait à des situations difficiles. Le capital humain sur lequel nos espoirs de croissance économique sont fondés, doit être préservé contre la maladie et contre la cherté des soins. n

 
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