Politique

La crise rattrape le gouvernement

L’opposition qui manifeste, la majorité qui se fissure gravement, les questions économiques qui prennent le pas, le gouvernement ne peut plus faire dans l’attentisme. 

Nizar Baraka, ministre des Finances a mis les chefs des partis de la majorité devant leurs responsabilités lors de la dernière réunion. En résumé, il leur a exposé la situation en ces termes « La crise s’installe, l’endettement grimpe, les recettes fiscales risquent de diminuer et les réformes ne sont pas lancées ». Le Mouvement populaire s’est engouffré dans la brèche. Laensar a déclaré devant ses troupes « la situation est grave et on ne réglera pas les problèmes avec de la parlotte vide de sens. Ce n’est pas en distribuant des aides de 1000 DH que l’on répondra à la crise ». Le discours est d’une tonalité forte que certains commentateurs ont mis sur le compte des derniers affrontements électoraux lors des législatives partielles. C’est plutôt la pression née de la crise qui est en cause.

L’Istiqlal a fait mieux. Son cercle d’économistes a établi un catalogue de mesures, plusieurs dizaines, susceptibles selon eux de faire économiser à l’Etat près de 30 milliards de DH. Sur la question de la compensation, on en sait plus sur la position de l’Istiqlal. « Il ne faut pas augmenter les prix, mais demander aux couches aisées de restituer les subventions indues dont elles ont bénéficié ». C’est le principe d’une taxe restitutive, que plusieurs économistes proposent depuis des années. En fixer l’assiette, le mode de calcul est techniquement complexe, mais faisable. Politiquement, il est sûr que c’est moins compliqué que la vérité des prix. Sauf que l’aide directe avait été une promesse électorale du PJD.

 La contestation gronde

L’opposition s’agite, elle aussi, sur fond de crise. L’USFP a choisi de soutenir la manifestation organisée conjointement par la FDT et la CDT. Combien étaient-ils ? 15000 selon les observateurs neutres, c’est significatif. Les mots d’ordre concernent les conditions de vie, les salaires, l’action syndicale, la lutte pour l’emploi. Là aussi, la crise piège le gouvernement. Il ne peut absolument rien céder aux syndicats parce qu’il n’en a pas les moyens. Il ne peut même pas appliquer les accords signés par Abbas El Fassi. Les centrales syndicales sont sous pression. Leurs bases subissent de plein fouet les tendances inflationnistes, le gel des salaires et les risques de perte d’emplois.

Croire ou tenter de laisser croire qu’il n’y a pas de calcul politique derrière cette gronde serait puéril. Driss Lachgar a choisi le front social pour exprimer l’opposition de l’USFP au gouvernement. Son projet, c’est une alliance syndicale tripartite avec l’UMT. Les discussions sont très avancées et c’est une mauvaise nouvelle pour Benkirane. Le patronat n’est pas en reste. Malgré plusieurs mémorandums, rencontres, missives, la CGEM a l’impression qu’elle n’est pas entendue. L’exécutif n’offre aucune visibilité et surtout ne démontre aucune réactivité. L’attentisme en temps de crise est une catastrophe, parce qu’il se paye cash.

Le gouvernement est installé depuis 16  mois. Aucune réforme, absolument aucune, n’est mise sur la place publique. Celle de la compensation, comme challenge l’avait annoncé il y a plusieurs semaines est enterrée, parce que même  au PJD elle suscite des craintes politiques. Le travail législatif marche au ralenti. Les ministres du PJD ont le chic d’irriter leurs interlocuteurs, qu’ils soient des organisations professionnelles ou des ONG. Pourtant, un sondage laisse apparaître qu’une grande majorité continue à faire confiance à Benkirane et son gouvernement. Il faut y mettre deux bémols :

>> Ce soutien est d’abord politique. C’est un soutien à une expérience issue des urnes, dans un contexte particulier. Il bénéficie largement des difficultés de l’opposition à se reconstruire une crédibilité, après avoir géré les affaires pendant une décennie.

>> Les effets de la crise vont aller en s’aggravant et l’argument selon lequel « il faut leur laisser le temps » perdra toute pertinence.

Ce qu’il faut espérer, c’est que le Chef du gouvernement s’attelle à faire aboutir les réformes selon un agenda accéléré. La stratégie de la campagne électorale perpétuelle a atteint ses limites, parce que le pays a besoin d’être géré. La crédibilisation des institutions politiques passe aussi par la bonne gouvernance.

Dénoncer les agréments, l’économie de rente, recourir à un lexique animalier, raconter des blagues et regarder passer les trains n’est pas une politique responsable. A moins qu’il y ait un problème de compétence ! 

 
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