Industrie

La difficile reconversion de la plasturgie

La date fatidique pour l’entrée en vigueur de la loi 77-15, publiée en décembre dernier et relative à l’interdiction définitive de la fabrication et le commerce des sacs en plastique, celle du 1er juillet, s’approche sans que les signes annonciateurs de son application, de la part des professionnels, ne paraissent à l’horizon. par Abdelfettah ALAMI

Notre espace vital au niveau environnemental offre souvent des scènes de désolation. Les sacs plastiques envahissent partout et de plus en plus nos quartiers, ruelles, rivières et nos campagnes. Pourtant, les sacs en plastique constituent une véritable menace pour la santé et une atteinte à l’environnement. Ces sacs se retrouvent dans la nature et génèrent de nombreuses nuisances, étant des produits non biodégradables ils mettent plusieurs années pour se décomposer. La dégradation de paysages naturels, les risques de transmission de germes pathogènes, l’ingestion par le bétail, l’obstruction des regards d’égouts et l’accentuation de la pollution des ressources en eau sont autant de désastres induits par la circulation de ces articles.
Lorsqu’on sait, d’après les chiffres du Département de l’Environnement, que les Marocains utilisent annuellement plus de 25 000 tonnes et que 2,7 milliards de sacs en plastique sont déposés chaque année dans les décharges, l’on mesure plus l’ampleur de la catastrophe.
La solution passe évidemment en premier lieu par la sensibilisation des usagers, mais aussi par la réglementation de la production et de la commercialisation des sacs en plastique.
C’est sur ce front, en adoptant tout un arsenal juridique assez pertinent et complet, que les départements concernés se sont déployés en mettant en œuvre un cadre législatif réglementant cette activité.
Etant donné les résultats obtenus, on peut légitimement poser la question : n’a-t-on pas mis « la charrue avant les bœufs » ?

Une loi «mort-née» ?
Déjà en 2011, fut publiée la loi n° 22-10 relative à l’utilisation des sacs et sachets en plastique dégradable ou biodégradable qui avait interdit « la fabrication pour le marché local des sacs et sachets en plastique non dégradable ou non biodégradable. Est également interdit leur importation, leur détention en vue de la vente, leur mise en vente, leur vente ou distribution à titre gratuit ». Dans un esprit d’application progressive du nouveau dispositif, le texte a exclu du champ d’application de la loi, les sacs et sachets en plastique à usage industriel, agricole et ceux destinés pour la collecte des déchets.
Le texte va plus loin, puisque toute infraction aux dispositions de cette loi est passible d’amendes pouvant atteindre 1 MDH.
Il est intéressant de noter que le décret et l’arrêté d’application de cette loi précisent certaines indications importantes à observer par les fabricants dont notamment, celle d’une mention de sac ou sachet en polyéthylène dégradable qui doit figurer sur le sac ou sachet en plastique.
Evidemment, le contraste est flagrant lorsqu’on observe le dispositif ainsi établi et la réalité sur le terrain.

Quel échéancier pour la reconversion de l’industrie de la plasturgie ?
La nouvelle loi 77-15 connaitrait-elle le même sort ? Ce qui est certain, c’est que les professionnels du secteur ne seront pas prêts pour cette date. Et pour cela, les arguments sont nombreux. D’ailleurs, depuis la publication de la loi 22-10, les industriels avaient estimé que «cette transition nécessite beaucoup d’investissements» et que «les industriels auront du mal à suivre», ce qui paraissait compréhensible. Il se trouve que cinq ans après, le discours devient rhétorique et peu convaincant. C’est qu’en fait le lobby est assez puissant et l’environnement du secteur n’est pas complètement sain.
En effet, l’industrie de la plasturgie pèse lourd en termes de chiffre d’affaires : 28 milliards de DH ventilés sur plusieurs segments industriels : emballage agro-alimentaire et technique : 8,2 MMDH; plasturgie pour l’automobile : 6,2 MMDH ; BTP : 3 MMDH ; agriculture: 2,5 MMDH ; recyclage des plastiques: 5,4 MMDH et autres segments à moindre valeur ajoutée : 2,7 MMDH. En plus, le secteur génère 14 000 nouveaux emplois directs et 70.000 indirects. C’est ce dernier aspect qui est mis en avant pour justifier le temps supplémentaire pour la mise à niveau et la reconversion de cette industrie. Selon la Fédération marocaine de plasturgie, pas moins de «50.000 emplois directs ou indirects seront perdus, ainsi que des investissements conséquents pour lesquels la majorité des unités de production se sont endettées».
Autre barrière et pas des moindres à la mise en application de cette stratégie, le Secteur informel qui représente entre 20% et 30% du marché de la plasturgie, entrave le développement de la filière et constituerait un vrai obstacle à l’éligibilité au programme de reconversion qui serait présenté par le ministère de tutelle.
Aux dernières nouvelles et d’après les informations recueillies auprès de l’Association marocaine de plasturgie, la mouture définitive de la convention, objet du programme d’accompagnement du secteur a été soumise au ministère de l’Industrie qui devrait prochainement se prononcer sur son offre aux professionnels de cette industrie.

 
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