Interview

« La diplomatie marocaine fait de l’Afrique une priorité stratégique »

Dès qu’il a pris les rênes du ministère des Affaires étrangères, El Othmani a accordé beaucoup d’intérêt au dossier «Afrique». Sa nouvelle touche dans la politique africaine du Maroc : la création d’une division des partenariats et des organisations régionales africaines au sein de la direction africaine de son département.

 

Challenge. Le Maroc a-t-il une politique africaine ?

Saâd-Eddine El Othmani. Certainement. Le Maroc a une politique africaine très active même, à travers les relations politiques et économiques distinguées qu’il entretient avec les pays du continent. Le Maroc entretient des relations avec 40 pays de l’Afrique avec lesquels il est lié par plus de 500 conventions dans tous les domaines de coopération et de partenariat. Ces relations se sont renforcées grâce aux visites effectuées par Sa Majesté le Roi Mohammed VI dans plusieurs pays africains et aux initiatives que Sa Majesté a pris pour promouvoir encore davantage ces liens. La diplomatie marocaine fait de l’Afrique une priorité stratégique en raison des liens culturels, religieux et d’appartenance profonds, ainsi que des intérêts du Royaume dans ce continent. 

C. Quels sont les principaux piliers de la politique africaine du Maroc ?
SO. Le principe fondamental de notre politique en Afrique tourne autour d’un partenariat réel, agissant et solidaire, et dans une logique de «gagnant-gagnant» entre le Maroc et les pays du continent, où les intérêts sont approfondis mais aussi partagés. Au niveau politique, le Maroc exprime sa constante disponibilité pour contribuer aux efforts de réconciliation dans les conflits qui prennent place dans le continent, et il veille à défendre l’unité territoriale des pays africains, leur sécurité et leur stabilité. D’ailleurs, depuis l’ascension du Maroc au rôle de membre non permanent au sein du conseil de sécurité, ce dernier joue un rôle important à représenter et à défendre les intérêts de l’Afrique et des pays africains au sein de ce conseil. Si nous prenons le volet économique, le Maroc connaît une forte présence dans le continent africain à travers des investissements publics et privés dans plus de 25 pays, notamment dans les secteurs de la finance, du transport aérien, des énergies renouvelables, de la logistique, des télécommunications, de l’industrie et des mines. Le coté économique est prépondérant dans tous les accords que nous signons et nous veillons toujours à défendre les intérêts de nos investisseurs Marocains dans les pays concernés. Rappelons-nous aussi que le Maroc est le deuxième investisseur africain en Afrique. Le Maroc est également présent sur le plan culturel, car il croit vivement à l’échange culturel pour la complémentarité africaine, d’où la volonté et la prédisponibilité du Maroc d’accroitre chaque année le nombre d’étudiants africains qui poursuivent leurs études au Maroc et dont le nombre aujourd’hui est estimé à quelque 12.000 personnes. 

C. Comment a évolué la politique africaine du Maroc ?
SO. Le Maroc est le seul pays du Maghreb à avoir eu des relations multiséculaires et constantes avec l’Afrique et ce, depuis les routes caravanières qui venaient ou partaient du Maroc vers l’Afrique noire. Ce contact s’est renforcé après l’indépendance du Royaume. Il ne faut pas oublier que le Maroc dès 1961, avait déjà un ministre d’Etat chargé des Affaires africaines, en la personne du Dr Abdelkrim al-Khatib, que Dieu ait son âme. Son rôle s’est consolidé d’avantage avec la conférence de Casablanca qui a été le point de départ pour la création de l’OUA. Le Maroc a aussi joué un rôle important dans la résistance et la décolonisation de plusieurs pays Africains frères. Et malgré la grave erreur produite envers lui en 1984, il a continué à avoir une politique active en Afrique et il a intervenu à maintes reprises pour préserver la stabilité et la sécurité de plusieurs nations dans le continent. Dans la nouvelle constitution de 2011, l’Afrique a une importance et une priorité encore plus avancée dans la politique marocaine étrangère, et depuis ma nomination à ce poste, nous sommes en train de pousser ces relations encore plus loin.

 C. Selon vous, comment les Africains voient-ils le Maroc ?
SO. Chaque visite qui m’a mené en Afrique m’a démontré le respect et la place que le Maroc et le Roi du Maroc ont dans le cœur des africains. Ainsi, les leaders africains voient dans le Maroc un pays qui vise à établir des relations réelles, fortes et durables, à travers un vrai partenariat qui vise l’intérêt mutuel et qui cherche à partager son savoir faire dans tous les domaines. Il faut souligner que le Maroc a signé pendant les deux dernières années (2012 – 2013) 47 accords avec 13 pays du continent qui ont touché plusieurs secteurs tels que le transport, la santé, la culture, l’information, la promotion de l’investissement, la formation, l’énergie, la taxation, le sport, la sécurité alimentaire, les affaires religieuses, et autres. Aussi, la grande partie des pays africains ne sont guère contents de l’absence du Royaume de l’UA et réclament à chaque fois son retour au sein de cette organisation. 

C.Jusqu’où le Maroc est-il influent en Afrique ?
SO.Comme je vous l’ai déjà dit, le Maroc est perçu comme un vrai ami de plusieurs pays africains, et quand nous sommes de vrais amis, nous sommes capables de parler ouvertement et sans réserve de tout sujet qui nous parait pertinent.

C. Comment est organisée la direction africaine au sein de votre département ?
SO. La direction africaine est composée de trois principales divisions et de sept bureaux de services. La première, c’est division de l’Afrique occidentale et orientale, qui gère trois services, qui sont le service de l’Afrique de l’Ouest Atlantique, le service des pays du Sahel, et le service de l’Afrique Orientale. La deuxième, c’est la division de l’Afrique Centrale et Australe, qui a sous sa tutelle le Service de l’Afrique Centrale et le Service de l’Afrique Australe, tandis que la troisième division, qui vient d’être ajoutée, est la Division des partenariats et des organisations régionales africaines avec un service pour les partenariats et un autre pour les organisations régionales. Dans ce cadre, le Maroc soutient vivement les efforts des organisations régionales et sous régionales telles que la CEDEAO, d’où la création de la troisième division afin de donner plus d’importance à ce volet.

C. Quel rôle jouent aujourd’hui les représentations diplomatiques du Maroc en Afrique pour faciliter la tâche aux hommes d’affaires marocains qui investissent ou exportent de plus en plus dans le continent ?
SO. Il est du devoir de toutes nos ambassades de faciliter l’installation des entreprises Marocaines dans n’importe quel pays où elles sont accréditées, et non seulement en Afrique. J’ai donné mes consignes afin qu’elles reçoivent nos investisseurs nationaux et qu’elles soient attentives et à l’écoute de leur besoins. Nos ambassades sont ouvertes pour assister tout investisseur qui désire avoir de l’information ou d’être assisté au niveau administratif. Pour une première procédure, nous encourageons nos investisseurs à aller vers les ambassades qui sont accréditées dans leurs pays d’intérêt et de s’y enregistrer. 

 
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