Politique

La jeunesse, parent pauvre des politiques publiques

La Chambre des Conseillers tire qualitativement vers le haut l’institution parlementaire. Après avoir travaillé sur des thématiques fondamentales et prioritaires telles que celles afférentes à la généralisation de la protection sociale ou à la situation des caisses de retraite, un nouveau rapport sur la jeunesse élaboré par un groupe thématique d’évaluation des politiques publiques, de 2016 à 2021, vient d’être présenté, à la fin du mois de juillet. Ce rapport souligne la priorité et l’urgence de l’action. La balle est actuellement dans le camp du gouvernement pour rectifier le tir et agir.

La jeunesse marocaine (15-24 ans) représente 16,2% de la population totale, avec presque 60% des citadins. Plus de 20% détiennent un diplôme supérieur, et presque 15% n’en ont aucun, alors que 25,5% ne sont ni en formation, ni scolarisés, ni au travail, ni à la recherche d’un emploi (ni-ni). L’importance de cette catégorie de la population est donc évidente et explose aux yeux. Et pourtant, lors de la présentation du rapport indiqué à la Chambre des Conseillers, à peine trois ministres ont pris la peine de se déplacer.

La jeunesse est potentiellement la première source de richesse de tout pays. Elle est l’avenir et l’espoir. Oubliée, voire marginalisée, elle peut, au contraire, devenir le premier facteur d’instabilité systémique (…). Le groupe thématique de la Chambre des Conseillers n’a pas versé dans la «philosophie». Audition des responsables politiques ou publics, choix de régions cibles et benchmark international.

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Observations principales : marginalisation des jeunes dans les politiques publiques, menées de manière cloisonnée, avec dispersion des efforts et des ressources ; absence d’évaluation périodique des politiques sectorielles pour s’attaquer aux faiblesses et consolider les acquis. D’où le manque de vision globale, claire et cohérente sur une question transversale. Ces observations/conclusions confirment bien celles contenues dans le rapport sur le nouveau modèle de développement (NMD).

Mais cela ne s’arrête pas là. Les conseillers proposent la mise en œuvre d’une approche innovatrice, globale et cohérente, basée notamment sur les recommandations du NMD, tout en tenant compte des leçons de la crise sanitaire et des défis à long terme, notamment ceux liés à l’environnement. Il est surtout question de donner la parole aux jeunes, de mieux les écouter, et d’activer le Conseil supérieur de la jeunesse et de l’action associative, instance constitutionnelle, actuellement «frigorifiée».

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Le rapport met aussi en évidence le manque crucial de ressources humaines et de moyens financiers, au niveau territorial, pour pouvoir mener des politiques efficaces d’intégration/inclusion des jeunes. L’adaptation des systèmes de formation aux besoins actuels et futurs du marché du travail est aussi une priorité. Un traitement spécifique aux jeunes ruraux est à prévoir.

En fait, le divorce principal des jeunes est avec la politique. À peine 2% des jeunes adhèrent aux partis politiques ou aux syndicats, caractérisés par l’absence de démocratie interne. Ce qui explique le recours à la création par les jeunes de nouveaux modes d’organisation (coordinations, associations…) pour pouvoir faire entendre leur voix. Les jeunes sont fortement présents dans les réseaux sociaux. Le système de quota mis en place pour intégrer les jeunes dans les institutions représentatives a connu un fiasco.

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Sur le plan économique, le développement de la culture d’entreprise chez les jeunes, porté initialement et principalement par la société civile, a été étendu sur le plan institutionnel et intégré dans les programmes de formation des grandes écoles et des universités. Néanmoins, beaucoup de freins demeurent. À peine 7% des 18-24 ans se lancent dans l’entrepreneuriat. 75% des Marocains de 18 à 64 ans estiment qu’il est compliqué d’entreprendre au Maroc, selon Global Entrepreneurship Monitor (GEM).

Sur 50 pays, le Maroc est classé 46ème. L’accès au financement reste encore très difficile. Pour ce critère, le Maroc est classé 44ème, sur 54 pays. Mais, outre le financement, la dimension culturelle joue un rôle déterminant. Presque un adulte marocain sur deux hésite à entreprendre par peur d’échec. Pourtant, l’auto-entrepreneuriat est une voie de plus en plus incontournable. Le marché de l’emploi ne peut pas intégrer les 250 000 à 300 000 jeunes diplômés qui arrivent chaque année sur le marché de travail. En 2021, d’après le HCP, le taux d’activité des jeunes (15-24 ans) est de 23,9%, contre une moyenne nationale de 45,3%.

Ce taux est de 28,9% pour les jeunes ruraux et de 20,6% dans les villes. Pour cette tranche d’âge, la caractéristique commune des jeunes exerçant un emploi, est la précarité dans les conditions de travail. La majorité des jeunes diplômés voient leur avenir ailleurs. Une hémorragie du corps social et de la nation à arrêter, de toute urgence. 

 
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