Blog de Jamal Berraoui

La loi, toute la loi, rien que la loi

Abdelilah Benkirane est un homme spontané, dans son désir de proximité, il met souvent, trop souvent, le pied dans le plat. Ainsi devant le Parlement, il a déclaré que si les forces de l’ordre usaient de violences pour disperser les manifestations, c’était pour éviter des poursuites aux manifestants. Notre confrère Bouachrine a eu raison de s’insurger contre cette conception de l’Etat de droit. La force publique est là pour faire respecter la loi et non pas pour éviter son application.
Sur cette question, il faut une autre communication vis-à-vis de l’opinion publique, mais aussi des militants des droits humains souvent prompts à dénoncer l’usage de la force publique, même quand il y a des troubles et des atteintes aux biens et aux personnes. Rappelons juste que le droit de manifester est un pilier des libertés publiques, mais que comme tout droit il est encadré par la loi. Celle-ci prévoit que :
La manifestation doit être autorisée par l’administration territoriale, suite à une demande par des organisateurs identifiés.
L’horaire et le parcours sont inscrits dans la demande. Cela permet de limiter l’impact sur la circulation et les commerces et à l’organisation des forces de l’ordre.
Les slogans ne doivent porter atteinte ni à la monarchie, ni à la religion et ne doivent pas constituer une violation de la loi en général, en incitant à la violence par exemple.
Pacifique, la manifestation doit l’être jusqu’au bout, les organisateurs veillant à éviter tout débordement ou toute intrusion de casseurs. Si une seule de ces conditions n’est pas réunie, la force publique, seule violence légitime en démocratie est fondée à intervenir. C’est la règle dans toutes les démocraties. L’interdiction de manifestations, la dispersion de protestations non autorisées de manière violente sont des faits courants en Europe, aux USA et ailleurs et nul ne les considère comme des atteintes aux droits de l’homme. Les militants qui enfreignent la loi acceptent de s’exposer au baston, s’y préparent souvent, parce qu’ils estiment que la défense de leurs convictions, même de manière illégale est juste. Mais ils ne font pas un procès en dictature ensuite. Cependant, la défense du droit de manifester doit rester la règle. Les autorités ne peuvent abuser de l’argument de l’existence de risques de troubles à l’ordre public, pour interdire l’expression de revendications. L’usage de la force même dans le cadre explicite de la loi doit être proportionné, utiliser les jets d’eau, au lieu de la matraque est le choix fait dans les grandes démocraties.
Ces rappels sont utiles au regard de la situation actuelle. Youssoufi disait «le Maroc vit un mai 68 permanent». Le nombre de manifestations au quotidien est impressionnant. Les revendications sociales, souvent très catégorielles alimentent ce phénomène. C’est un acquis démocratique, mais qui doit être encadré par la loi. En dehors de ce cadre, cela devient une anarchie qui ne peut aboutir qu’à des reculs dans l’exercice des libertés.

 
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