Dossier

La nouvelle révolution urbaine : Quand les Villes deviennent Intelligentes

Les NTI au service d’une meilleure gouvernance urbaine

La nouvelle compétition entre les métropoles à l’échelle mondiale se joue désormais sur la e-gouvernance, c’est-à-dire l’introduction des NTIC dans la gestion urbaine. L’apparition du concept Smart citie ou « ville intelligente», désigne ce que certains ont qualifié de nouvelle révolution urbaine. Challenge prend l’initiative d’ouvrir pour la première fois ce dossier et inviter les gestionnaires de nos territoires à se préparer à entrer dans cette nouvelle compétition dont dépend l’attractivité des villes de demain pour attirer les investissements. Dossier réalisé par Abouyounes

L’explosion urbaine que connaît le monde d’aujourd’hui, avec l’apparition de méga cités plusieurs fois millionnaires, met les gouvernements locaux en face de nombreux défis: chômage, crise du logement, transport déficient et allongement du temps des trajets, pollution et aggravation des problèmes de santé, surconsommation énergétique. C’est à ces défis fortement liés les uns aux autres que les collectivités territoriales, doivent apporter des réponses dans un contexte marqué par les crises financières avec leur lot de restrictions budgétaires, la multiplication des acteurs publics et privés, la complexité et la technicité croissante des problèmes urbains, la mauvaise circulation de l’information et la déficience des mécanisme classiques de coordination. C’est dans ce contexte que le recours aux Nouvelles technologies de l’Information (NTIC) vient au secours de la gestion classique pour assurer une gouvernance plus performante en optimisant les coûts et en maximisant les résultats. Dès lors, rendre les villes intelligentes, cela contribuerait à les rendre plus efficientes sur le plan économique, et en même temps plus durables, en diminuant l’impact environnemental, mais, également, à reconfigurer les modes d’accès aux services urbains, aux transports, à la gestion des déchets, à la construction et au confort thermique des bâtiments et surtout à la gestion de l’énergie. La ville intelligente serait ainsi plus en mesure de résoudre les problèmes sociaux, culturels et environnementaux à travers une approche systémique qui allie bonne gouvernance et gestion efficiente des ressources naturelles afin de répondre aux besoins des différents usagers : collectivités territoriales, établissement et entreprises publics, opérateurs économiques privés, sociétés civiles et citoyens. C’est ainsi que le concept de smart cities est apparu. Dans cette perspective, le numérique permettrait à la fois d’assurer une meilleure information sur l’emploi, les services urbains comme le transport, l’éducation et la santé, une haute performance énergétique des infrastructures et offrirait même un avantage concurrentiel pour l’implantation des entreprises. En offrant des services publics personnalisés, la « ville intelligente » répondrait même mieux que les modes classiques de gouvernance, à l’impératif de cohésion sociale et de participation citoyenne. 

Quelle est la consistance réelle de ce débat ? Le Maroc est-il prêt à s’engager dans l’ère de la gestion numérique ? Celui-ci peut-il offrir une chance pour faire le saut qualitatif qui permet de dépasser l’archaïsme de nos administrations locales et améliorer les services rendus aux citoyens?

Les caractéristiques de la ville intelligente

En schématisant, on peut dire que les villes intelligentes peuvent être classées d’après six critères principaux, liés à la compétitivité régionale, à l’économie des transports et des technologies de l’information et de la communication, aux ressources naturelles, aux capitaux humains et sociaux, à la qualité de vie et à la participation des citoyens à la vie démocratique de la ville. Selon les promoteurs de ce concept, la ville intelligente doit répondre aux six exigences suivantes: une économie intelligente, une mobilité intelligente, un environnement intelligent, un mode de vie intelligent, une administration intelligente, et citoyens intelligents.

Pour devenir intelligentes, les villes actuelles devront donc développer de nouveaux services performants dans les domaines stratégiques suivants :

• Transport et mobilité intelligente : l’un des défis consiste à intégrer différents modes de transport – rail, automobile, cycle et marche à pied – en un seul système qui est à la fois efficace, facilement accessible, abordable, sûr et écologique. Cette intégration permet une empreinte environnementale réduite, optimise l’utilisation de l’espace urbain et offre aux citadins une gamme variée de solutions de mobilité répondant à l’ensemble de leurs besoins. Par ailleurs, la ville de demain devra mettre en place les dernières technologies de transport en commun et de mobilité électrique ;

• Environnement durable : les villes devront agir dans deux domaines principaux : les déchets et l’énergie. Concernant les déchets, les villes auront pour mission de réduire, voire d’éviter, leur production de déchets et de mettre en place des systèmes efficaces de récupération et de valorisation des déchets (procédé par lequel on transforme un déchet matériel ou un produit inutile en un nouveau matériau ou produit de qualité ou d’utilité supérieure). Dans le domaine de l’énergie, les villes devront renforcer leur action en matière d’efficacité énergétique (développement de l’éclairage public à faible consommation) et devront mettre en place des systèmes de production locale d’énergie (panneaux solaires sur les toits des édifices, production d’électricité à partir des déchets, etc.) ;

• Urbanisation responsable et habitat intelligent : la valeur élevée de l’immobilier dans les centres villes combinée à la disponibilité limitée des terres rendent l’urbanisation actuelle complexe. En effet, le modèle de l’étalement urbain – coûteux en espace, en équipements publics, en énergie – qui primait jusqu’ici n’est plus possible. Il faut réinventer des formes urbaines qui, à la fois, respectent une intimité indispensable, assurent un ensoleillement suffisant, permettent des évolutions et favorisent le « vivre-ensemble ». Les bâtiments devront, également, être plus intelligents afin de faciliter et d’améliorer la gestion de l’énergie, voire de réduire les consommations. 

Les NTIC et l’assistance à la prise des décisions efficaces

Selon les promoteurs du concept Smart Cities, les nouvelles technologies de l’information et de la communication seront au cœur de la ville intelligente de demain. Le développement des NTIC permettra une meilleure gestion urbaine grâce à l’obtention et à l’analyse d’informations clés (fonctionnement des installations de production d’électricité renouvelable, état en temps réel des réseaux de distribution publics, surveillance du trafic routier, mesure des niveaux de pollution, etc.) au travers d’un système d’exploitation urbain et d’une nouvelle infrastructure de gestion des connaissances. En effet, en assurant une bonne gestion de la multiplicité d’informations, ces systèmes facilitent la prise de décision aux collectivités territoriales et permettent ainsi, d’une part, d’améliorer les services existants et, d’autre part, de rendre de nouveaux services à la collectivité (éclairage public intelligent, vidéosurveillance, gestion des péages urbains, stationnement intelligent, alertes civiles, gestion intelligente des déchets, etc.) et aux usagers (réduction des consommations d’énergie et d’eau, traitement des déchets, facilitation des déplacements urbains, sécurité, etc.). 

La bonne gouvernance, pilier fondamental de la ville durable

La ville intelligente serait d’abord une ville mieux gérée grâce aux NTIC. Cependant, l’utilisation des NTIC ne crée pas en soi une ville intelligente. Ces technologies doivent être déployées en complément d’une stratégie plus globale pour la ville consistant à bâtir une cité répondant aux besoins des citoyens sur le long terme. Il s’agit d’un véritable objectif stratégique de planification, à la fois pour les architectes et urbanistes, mais aussi et surtout pour les collectivités territoriales : les technologies devront être associées à des choix judicieux en matière de gouvernance territoriale. Cette gouvernance reposera sur une utilisation judicieuse des informations recueillies. À ce titre, certaines questions se posent. Jusqu’à quel niveau d’information aller ? À quel coût ? Qui sera en charge de la collecte et de l’analyse de toutes ces informations ? C’est la raison pour laquelle cette gouvernance renouvelée appelle une plus grande transparence et une plus grande ouverture envers les citoyens-acteurs qui participent pleinement au développement urbain. Il s’agit de mettre le citoyen au cœur du processus de planification et, donc, de créer d’autres liens démocratiques entre les gouvernants et les citoyens. 

Le citoyen, acteur central de la ville intelligente

Ainsi, la ville doit être construite en fonction des préoccupations des habitants dans tous les domaines (forte demande sociale pour une meilleure santé, des modes de déplacement efficaces et durables, plus de nature en ville, des circuits courts pour l’alimentation, une plus grande proximité entre les lieux de travail, de loisirs et d’habitation, une moindre vulnérabilité aux crises économiques mondiales et la création d’emplois locaux et durables). La ville intelligente est alors celle qui se reconstruit autour des besoins de ses habitants qui ne sont plus considérés comme des consommateurs des services, mais comme des partenaires et des parties prenantes de son développement. Cette place nouvelle leur est accordée grâce à la démocratisation des moyens d’information permettant plus de participation. La ville intelligente se définit, donc, comme celle qui lie le développement urbain au développement humain. 

Les difficultés pour faire émerger une ville intelligente Une multiplicité d’acteurs

Dans la mise en œuvre des Smart cities, de nombreux acteurs interagissent. Outre les acteurs traditionnels des villes (institutionnels, architectes et urbanistes, fournisseurs de services, opérateurs des réseaux de transport, gestionnaires des réseaux d’énergie, etc.), de nouveaux acteurs apparaissent et prennent une place importante dans la construction de la ville intelligente de demain, les spécialistes des NTIC par exemple. La ville est, donc le lieu de l’intégration d’acteurs et de systèmes multiples et interdépendants. C’est un procédé où les interactions et les échanges d’informations entre les systèmes et entre les acteurs sont fondamentaux. (Voir graph)

Dans les villes intelligentes, il faudra, donc, repenser la gouvernance et les modes de fonctionnement afin d’améliorer la coopération de tous les acteurs de la ville mais, également, leur coopération avec les autres organisations – institutions locales, régionales et nationales. En outre, avec le renforcement des politiques européennes dans le domaine du développement durable (mobilité, habitat, énergie, etc.), l’articulation avec l’échelon européen sera, également, fondamentale. Par ailleurs, il s’agira pour les gouvernants de savoir organiser la cohabitation entre les politiques publiques et les initiatives privées : les gouvernants devront choisir entre l’incitation et la réglementation. La mise en place de partenariats public/privé permettra de doter les villes d’infrastructures, d’installations communautaires et de services connexes dont elles pourraient ne pas être en mesure d’assumer le coût à elles seules grâce à des solutions novatrices en matière de conception, de construction, de financement, d’exploitation et d’entretien des installations publiques. Cette capacité à assurer une gouvernance transversale, permettant une collaboration de l’ensemble des services, sera un atout majeur pour rendre les villes plus prospères, plus attractives et plus intelligentes 

L’enchevêtrement des compétences

La multiplication croissante des acteurs qui interviennent dans la gouvernance urbaine apparaît a priori comme un frein au développement des villes intelligentes. Souvent, ces acteurs ont des compétences qui se chevauchent et se croisent de bien des façons. Ils ont un fonctionnement sectoriel et obéissent à des tutelles verticales, ce qui complique le travail de coordination. Or, le développement d’un projet de ville intelligente transversal requiert intégration stratégique et mutualisation des infrastructures entre les différents services, qu’il s’agisse de l’électricité, des déchets ou de l’eau, de l’assainissement, de la santé ou du transport. Cela ne peut aboutir que si on arrive grâce aux NTIC à mutualiser l’information sur les besoins, à interconnecter les services et préparer des réponses communes aux demandes des différents usagers. Dans ce contexte, le concept de villes intelligentes, bouleverse les modes classiques de gestion des collectivités territoriales. C’est pourquoi certains auteurs parlent de la nouvelle révolution urbaine pour désigner les villes qui ont réussi le développement des réseaux intelligents pour promouvoir une nouvelle économie de la gestion des systèmes de transport, d’énergies, de distribution de l’eau , pour assurer l’amélioration de la qualité des services. 

 
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