Société

La reconquista immobilière marocaine est en marche en Espagne

Pour sortir le pays de la crise économique qu’il traverse, l’Espagne où l’on compte plus d’un million d’offres de biens vacants avec des prix toujours en chute libre, a décidé d’offrir aux étrangers un permis de résidence ou de séjour en contrepartie d’un achat immobilier.

En achetant un bien immobilier de plus de 1 600 000 dirhams en Espagne, les Marocains peuvent faire d’une pierre deux coups. Devenir propriétaire en Europe et disposer d’un titre de séjour légal. Voyage au cœur d’un rêve qui devient, grâce à la crise économique mondiale, une réalité.

L’annonce a fait l’effet d’une bombe dans les salons casablancais et r’batis.  Le secrétaire d’Etat espagnol au Commerce, Jaime Garcia-Legaz vient de s’inviter dans beaucoup de domiciles aisés marocains en annonçant que l’Espagne était prête, dès le mois de mars 2013, à accorder un titre de séjour aux étrangers qui se porteraient acquéreurs d’un bien immobilier en Espagne dont la valeur serait équivalente au moins à 160 mille euros. Une somme qui équivaut à environ 1 770 000 dirhams et que beaucoup de ménages marocains peuvent débourser sans se plaindre, notamment s’il y a une carte de séjour européenne, et les avantages y afférents, en perspective.
Cependant, les marocains n’ont pas attendu la déclaration aiguicheuse du responsable espagnol, et qui visait initialement les ressortissants russes et chinois, pour s’intéresser à l’immobilier espagnol. Il y a deux années déjà que José.R, courtier dans une agence immobilière à Fuenjirola, enfourche sa Vespa et écume les villes et les villages de la Costa del Sol à la recherche de clients potentiels. « Les touristes marocains sont nombreux ici. Depuis quelques temps, ils ne veulent plus seulement louer des appartements pour passer leurs vacances, mais s’intéressent aux offres de ventes », affirme José.R. En effet, le Semsar andalou qui parle un français parfait, connait toutes les gammes de séduction. « Venez vous en rendre compte par vous-même. Depuis deux ans, j’ai vendu aux Marocains une dizaine d’appartements rien que dans la bourgade de Manilva », fanfaronne-t-il. Manilva, un village andalou qui se situe à 40 kilomètres du port d’Algésiras, est devenu la Mecque des acheteurs marocains. Le village qui bénéficie d’une belle plage méditerranéenne, d’une marina et  deux superbes golfs a connu aux débuts de cette décennie une frénésie de constructions. Les résidences ont émergé tout le long de la côte. Plusieurs supermarchés ont vu également le jour. Un paradis pour les touristes, notamment ceux en provenance de Grande-Bretagne et d’Allemagne.

Afflux des Marocains
Les Marocains se sont manifestés à partir de  2009. Abdellatif. L, propriétaire d’une entreprise à Meknès, ne s’intéressait pas particulièrement à la carte de séjour espagnole. Agé d’une cinquantaine d’années, il a vu ses deux fils quitter le Maroc pour poursuivre leurs études à Barcelone et à Madrid. Il a jeté alors son dévolu sur Manilva. Après des recherches infructueuses sur internet, il a rencontré José.R qui l’a convaincu d’acheter un appartement aux résidences « Fuente de la Duchessa », éloigné de deux kilomètres de la plage. L’appartement d’une superficie de 108 M/2 lui a coûté 60 mille euros, tous frais compris. « Je me suis présenté chez la banque Banesto, qui avait un stock d’appartements neufs invendus, qui m’a proposé de contacter l’agence où travaille José.R », avoue Abdellatif.L. L’entrepreneur marocain n’a pas hésité un seul moment. Il lui fallait un NIE-Numero de identidad de extranjeros-afin de pouvoir jouir d’un compte bancaire espagnol. Une procédure qui n’a pris que 48 heures au bout desquelles il a obtenu le précieux sésame auprès du commissariat d’Estepona.

Une filière bien rodée
Le cas de l’homme d’affaires n’est pas isolé. Plusieurs Marocains-surtout qui appartiennent à des professions libérales- affluent vers le Sud de l’Espagne afin d’acquérir des biens immobiliers. La crise qui frappe le secteur immobilier espagnol de plein fouet a eu un  impact jusqu’au Maroc. Les banques espagnoles se sont retrouvées avec des immeubles entiers invendus. Ils se sont tournés, tout d’abord, vers les clients venus de la Russie, de l’Allemagne et de la Grande-Bretagne, mais à leur grande surprise, la demande est venue du Sud de la Méditerranée. Les Marocains et les Algériens sont de plus en plus nombreux à manifester leur intérêt. Si en France ou en Belgique, les banques exigent de connaître l’origine des fonds déposés, en Espagne les banques sont peu regardantes à cet égard. Du coup, à Fnideq et Nador, plusieurs « contrebandiers » se sont reconvertis momentanément en blanchisseurs d’argent en provenance du Royaume. « Vous pouvez vous présenter dans certaines villes du nord du Maroc et demander à disposer de 100 mille euros en contrepartie d’une valeur équivalente en dirhams, moyennant une commission, et vous serez rapidement servi », explique un commerçant de la ville de Fnideq. Selon plusieurs témoins, la demande sur les devises au marché noir a flambé depuis l’annonce faite par le secrétaire d’Etat espagnol au Commerce. Plusieurs familles qui envoient leurs progénitures étudier en Espagne ou en Europe pourraient joindre l’utile à l’agréable. Acheter un bien immobilier en Europe et disposer d’un titre de résidence pour toute la famille qui donne accès aux allocations familiales, au système de santé publique et les dispense d’un visa Schengen.Face à cette situation, l’Office des changes n’a pas hésité à répliquer. Un communiqué de l’office est venu rappeler à l’ordre quiconque serait tenté d’acheter une maison en Espagne. Au Maroc, il est formellement interdit aux personnes physiques d’acquérir des biens immobiliers en dehors du Royaume. Une réalité juridique ignorée depuis plusieurs années par les Marocains et qui, aujourd’hui, se trouve mise à mal encore plus par la crise économique que traverse notre voisin du nord.  

 

 

L’Office des Changes rappelle les Marocains à l’ordre

Deux jours après la déclaration du ministre espagnol, promettant aux futurs étrangers acheteurs de biens immobiliers en Espagne de pouvoir bénéficier d’un titre de résidence, l’Office des changes a publié un communiqué rappelant que l’acquisition de biens immobiliers à l’étranger par des personnes physiques marocaines ayant leur résidence habituelle (fiscale) au Maroc, demeure soumise à l’accord préalable de l’Office des Changes. Il a également souligné que l’acquisition par des résidents de biens immobiliers à l’étranger, sans l’accord préalable de l’Office des changes et, partant, leur financement par des moyens illégaux, constitue une infraction à la réglementation des changes réprimée en vertu du dahir du 30 août 1949. Un acheteur averti en vaut deux.

 
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