Interview

« La situation financière de Maghreb Steel n’est pas désespérée »

La société qui a failli se retrouver en cessation de paiement tente, tant bien que mal, de se redresser. Ses responsables communiquent sur l’état de l’entreprise.

Challenge. Depuis que la société a frôlé la cessation de paiement, quelle est la situation financière de Maghreb Steel? Qu’en est-il de son endettement avec les banques? A combien s’élève-t-il ? Les modes de restructuration de la dette?

Othman Benmlih. La situation financière de Maghreb-Steel est aujourd’hui tendue, mais pas désespérée… L’endettement est important et il se répartit sur 6 banques, regroupées autour d’un consortium, et dont les plus gros contributeurs sont Atijjariwafa Bank et la Banque Centrale Populaire. Un protocole a été signé début août pour faire le point sur la situation, maintenant que l’investissement est bouclé. Il consiste essentiellement à donner de la part des actionnaires des garanties aux bailleurs de fonds sur le remboursement de la dette, et de la part des banques de la visibilité financière à l’entreprise pour qu’elle puisse maintenir son activité malgré une conjoncture particulièrement difficile.

C. Jusqu’où les banques sont-elles prêtes à vous soutenir ?

O.B. Elles nous soutiendront tant qu’elles y trouveront un intérêt partagé. Le protocole signé concerne trois volets : la restructuration des crédits de fonctionnement, la révision des principales caractéristiques du CLT et le détail des engagements de Maghreb-Steel et de ses actionnaires 


C.
Les 100 MDH du fonds de promotion d’investissement ont-ils été débloqués ? 

O.B. C’est de l’histoire d’ancienne… Il s’agissait tout au début et dans le cadre de la convention d’investissement d’une participation de l’Etat à l’infrastructure hors site. 

C. Pour beaucoup, le plan de sauvetage concocté il y a quelques mois ne permettra pas à Maghreb Steel de se relever. Qu’en pensez-vous ?

O.B. La balle est aujourd’hui dans le camp de nos responsables politiques ! Les actionnaires ont fait d’importants sacrifices en augmentant le capital de 900 millions à 2,4 milliards de dirhams et en donnant des garanties aux banques. De leur côté, celles-ci ont joué leur rôle en maintenant leur soutien à l’entreprise. Mais l’avenir de Maghreb Steel reste menacé tant que des mesures rapides et efficaces ne sont pas prises pour juguler le flot des importations en provenance d’Europe. Il faut savoir que les importations de tôle galvanisée et de laminé à froid ont augmenté respectivement de 225 % et 238 % entre 2011 et 2012 ! 

C. Le dumping est-il vraiment le seul facteur de la crise du groupe ? Maghreb Steel n’a-t-elle pas initialement surdimensionné ses investissements ?

O.B. Le timing de l’investissement était inadéquat, mais c’était difficilement prévisible…La crise qui a fortement impacté les industries dans le monde, et notamment le secteur de la sidérurgie, est arrivée au pire moment alors que les investissements avaient déjà été lancés. Les sidérurgistes européens se sont mis à baisser leurs prix jusqu’à pratiquer un dumping aujourd’hui avéré par l’enquête du Ministère de l’Industrie. 

Ce n’est pas par hasard si l’un des pays les plus fortement touchés : l’Espagne, est celui d’où les importations ont le plus flambé (28.6 milliers de tonnes de tôle laminée à froid en 2012 contre seulement 6.280 en 2010 !). Un investissement audacieux certes, mais qui n’importe où ailleurs dans le monde, aurait certainement fait l’objet d’un soutien plus important des pouvoirs publics.

 C. Les conclusions de l’enquête du ministère du Commerce extérieur sur le dumping n’ont pas encore été dévoilées. Que risque-t-il de se passer pour Maghreb Steel si l’enquête ne révèle pas ce genre de pratique ? Et dans le cas contraire ?

O.B. Nous savons d’ores et déjà que la phase d’investigation de l’enquête est terminée et qu’elle confirme des pratiques de dumping. Si pour une raison inconcevable cela ne devait pas mener à des actions concrètes telles que cela a déjà été fait pour d’autres industries, l’entreprise n’aura pas d’autre choix que de réduire d’avantage ses effectifs et d’alterner des périodes d’activité et d’arrêt en attendant un retournement de conjoncture en Europe…

C. Quels sont les projets de Maghreb Steel pour les mois à venir ?

O.B. Aujourd’hui que l’investissement est bouclé, l’entreprise est focalisée sur l’amélioration et la rationalisation de sa production. Comme les mois de juillet et août ont été mauvais en termes de ventes et que les mesures de protection douanière ne sont toujours pas là, Maghreb Steel est condamnée à réduire ses coûts pour limiter ses pertes. Elle a dû se résoudre à d’importantes réductions d’effectifs (350 licenciements en août) et elle doit se préparer sans doute à d’autres sacrifices… Parallèlement, elle se bat toujours pour convaincre le Gouvernement de prendre des mesures pour la sauvegarde de cette industrie naissante et nécessaire à l’économie de notre pays. 

 
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