Business

La SONASID et la Samir chamboulent leur modèle de distribution

Ayant subi une forte baisse de leur rentabilité et menacés par des clients qui ont des allures de concurrents, les deux géants ont décidé de s’attaquer à la distribution. La Sonasid a décidé de vendre aux petits et moyens distributeurs et la Samir investit dans ses propres stations services.

«

Investisseurs, ne négligez jamais la distribution !». Tel semble être le message que lancent tour à tour deux géants de l’industrie marocaine, pour ne pas dire les deux plus grandes, tous secteurs confondus. Il s’agit en l’occurrence, d’une part, du raffineur Samir qui brasse 55 milliards de dirhams de chiffre d’affaires consolidé. Et d’autre part, il y a le sidérurgiste, Sonasid qui engrange en 2012 quelque 4,7 milliards de dirhams de revenu. En effet, quelques mois après que la Samir a décidé de créer son propre réseau de station service, voilà que la Sonasid annonce également avoir pris le parti de s’attaquer à ce maillon faible dans sa chaine de création de valeur.

Du côté de la Sonasid, on a pris un gros risque en décidant de vendre directement aux petits et moyens distributeurs et du coup, de concurrencer les gros distributeurs qui étaient les seuls à avoir accès à la Sonasid. D’abord, il a fallu adapter la logistique pour que la société puisse vendre non plus des camions d’acier, mais seulement des fardeaux. Pour ce faire, les quantités sont plus faibles, mais il fallait également les plier en cas de besoin. Ensuite, le vrai challenge a été de convaincre les gros distributeurs que c’était l’unique manière de pouvoir réguler le marché. Et selon Ayoub Azami, DG de la Sonasid, «ces derniers ont adhéré à la nouvelle politique». En effet, l’objectif de vendre directement aux petits distributeurs n’était pas de concurrencer les distributeurs historiques, notamment en ce qui concerne les prix. C’est parce que ces derniers imposaient pratiquement leur loi à la Sonasid qui n’avait plus aucune maîtrise sur le jeu concurrentiel. D’ailleurs, «on doute que les distributeurs eux-mêmes, avaient la maitrise des prix», s’interroge cet analyste d’une société de bourse. En effet, le marché de la sidérurgie a vu arriver beaucoup d’acteurs notamment industriels, lesquels font appel aux mêmes distributeurs que la Sonasid, puisqu’aucun contrat d’exclusivité n’existe. Les relations sont devenues très complexes. Puisque chaque distributeur doit désormais avoir un œil sur la concurrence des autres distributeurs tout en mettant la pression aux industriels afin d’obtenir les meilleurs tarifs. Et quand, avec la crise les espagnols se sont invités dans ce jeu, c’est devenu inextricable. Les prix ont commencé à valser, entrainant avec eux les marges de la Sonasid. Vu sa position de leader, la Sonasid était la seule qui pouvait réellement agir à ce niveau, du moins. C’est pourquoi «nous avons estimé bon de prendre le taureau par les cornes». 

Une histoire de rentabilité

Du côté de la Samir, les stations services devraient bientôt voir le jour. «Le conseil d’administration vient de décider d’une augmentation de capital de 150 millions de dirhams pour le compte de notre filiale distribution, la SDCC», affirme le management du raffineur. Et cette somme est entièrement destinée à financer un premier réseau d’une trentaine de stations services. L’objectif est clair : la Samir ne veut plus compter sur le seul réseau des autres acteurs qui sont à la fois clients et concurrents. En effet, les importations de carburants et combustibles n’ont cessé d’augmenter ces dernières années et ce sont justement des acteurs qui étaient uniquement distributeurs qui se sont lancés dans l’importation. Si la Samir approvisionnait seule le marché local, aujourd’hui les importations représentent jusqu’à 43% des 11 millions de tonnes consommées chaque année. Comme le cas de la Sonasid, il n’y a pas que dans la distribution qu’il a fallu agir. La logistique aussi profite de quelques améliorations. «La société a été amenée à renforcer son influence logistique à travers l’accès aux nouvelles installations d’entreposage et le démarrage de son investissement stratégique dans sa filiale logistique TSPP», expliquent, en substance, les analystes de BMCE Capital Bourse.

Complexe industriel de la Samir.

Il faut dire que même si ces deux entreprises n’ont rien de commun, leur évolution récente montre qu’il y a beaucoup de points communs, notamment dans les changements qu’a connus leur secteur respectif. D’abord, elles étaient toutes les deux en situation de monopole, l’une dans les produits pétroliers et l’autre dans l’acier destiné à la construction. Mais l’ouverture à la concurrence est venue mettre en péril leur situation jadis si confortable, au point que dans leurs résultats financiers respectifs, les analystes ne s’y retrouvent plus. Par exemple, quand la Samir a rendu publiques ses réalisations 2012, les analystes d’une grande société de bourse de la place n’ont pas manqué d’afficher une pointe de déception en diffusant sur leur site internet une note intitulée «la grande désillusion».

La rentabilité de la Sonasid a été sérieusement entamée, au point d’alterner les années déficitaires avec les exercices bénéficiaires. L’année 2012, aura vu le retour à un déficit de 97 millions de dirhams, contre un bénéfice de 111 millions de dirhams en 2011. Ce déficit est la conséquence d’une baisse de 11% du chiffre d’affaires à 4,7 milliards de dirhams. En effet, pour maintenir ses parts de marché la Sonasid a été obligée de baisser ses prix et de suivre une cadence imposée par un contexte relativement difficile, marqué notamment par l’intensification de la concurrence et l’impact du dumping étranger. Néanmoins, «la société a su améliorer sa situation bilantielle en allégeant le poids de sa dette et en maintenant un très bon niveau de trésorerie», rassure Ayoub Azami, son directeur général. Cette bonne situation financière est une chance que n’a pas eue la Samir. Son niveau d’endettement explose en augmentant de 51%, atteignant 20 milliards de dirhams à fin 2012. C’est une situation carrément intenable, d’autant que la restructuration de sa dette tarde. Il est vrai que son haut du bilan a été légèrement réaménagé, mais beaucoup reste à faire. Et à ce rythme, on se demande si la société sera en mesure de redresser la barre à temps. 

 
Article précédent

Un taxi à Casablanca

Article suivant

#420