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L’argent et les élections… de 2015

La Loi de Finances 2015 a prévu des dépenses électorales. L’évaluation de leur montant n’a pas été individualisée dans les 2% du budget que représentent les dépenses imprévues. Il s’agit d’un montant voté de 3 milliards de DH qui permettra de couvrir certaines opérations d’apurement des arriérés, des dépenses exceptionnelles et surtout la prise en charge des dépenses relatives aux échéances électorales. par Driss Al Andaloussi

2015, sera une année pleine sur le plan politique. Les textes du nouveau dispositif de la gouvernance territoriale sont passés par la Première chambre, par une combinaison alliant  l’unanimité pour les régions à la majorité des voix mêlées à l’abstention de l’opposition. Dans tous les cas, le contribuable marocain verra une partie de ses ressources publiques  couvrir les dépenses électorales. A supposer que ces dépenses représenteraient un tiers de l’enveloppe des 3 milliards de DH, les élections pourraient coûter l’équivalent des coûts du recensement général de la population, qui a eu lieu l’été dernier. L’argent public est donc essentiel à la politique et à la vie des partis. Il doit par conséquent, obéir aux règles qui gouvernent la gestion des deniers publics. La Cour des comptes a exposé dans son avant dernier rapport, les dysfonctionnements qui ont entaché l’utilisation de l’argent confié aux partis.

Oui, tout le monde fustige  «l’achat des voix»

Les acteurs politiques se présentant aux élections font l’unanimité autour du rôle de l’argent dans la dénaturation de la démocratie. Les achats de voix, sont les termes généralement utilisés pour dénoncer l’autre. Nous avons assisté à l’invalidation de plusieurs élections par le Conseil constitutionnel ces dernières années et notamment, de certaines élections au titre de la présente législative. Le motif « argent » est rarement mentionné dans les griefs retenus par les juges de cette honorable institution. La dépense opérée par les partis politiques, fait intervenir la contribution citoyenne à travers l’impôt. Le citoyen marocain est ainsi « obligé » de financer les partis, même s’il les considère comme de mauvais relais de l’opinion publique ou  de simples boutiques électorales . Ce sont les fonds publics qui permettent à nos partis de rester debout financièrement. Les dispositions de l’article 47 de la  loi organique n° 29-11 relative aux partis politiques, considèrent «toute utilisation» du financement public a, par ces entités, des «fins autres que celles pour lesquelles il a été alloué….comme un détournement de deniers publics » relevant du pénal.

L’argent est le nerf de la «guerre» électorale

Le chiffre de ce financement couvre, en partie et selon l’audience des partis, les frais de fonctionnement, de l’organisation des congrès et des campagnes électorales. C’est au niveau de la Loi de finances que les représentants de la nation votent les montants à affecter à leurs partis. La générosité ne peut être boudée par ceux qui considèrent que le nerf de la guerre «politique » est pacifique, bien sûr, et dont les charges des  meetings et du  personnel permanent doivent être financièrement couvertes. La générosité publique est plus sûre que la recherche de la générosité auprès du public. Les cotisations sont de plus en plus légères dans la balance des comptes et partant, sans réel impact sur la trésorerie partisane. Les limites imposées par la loi à ceux qui peuvent injecter des dons dans les caisses des partis sont  de 300.000 DH annuellement.  Au-delà de cette limite,  la comptabilité pourrait être rejetée par la Cour des comptes. Il y a bien sûr, des personnes qui sont prêtes à faire don de montants très importants  à leur parti ou au parti auquel ils ont décidé d’adhérer avant les échéances électorales. Ces personnes sont appelées des  «notables» et ne veulent qu’assurer le ticket d’entrée dans l’arène de la confrontation. Tous les partis peuvent lister ceux qui appartiennent à cette catégorie et qui ont renforcé l’assise  géographique de leurs concurrents. Chez l’autre, il y a «le notable», le «généreux financier» et chez «nous», ce ne sont que des militants et des hommes qui se sont construits dans la dignité et la probité. Les militants sont encore présents et les plus futés d’entre eux,  assurent leurs arrières. D’autres croient « sincèrement » au salut par les bonnes pratiques politiques et certains savent et connaissent les vrais enjeux et les intérêts des groupes de pression qu’ils représentent et qui dépassent le clivage des partis. Le jeu est ainsi fait et la faiblesse de certaines structures partisanes se voit à travers la qualité intellectuelle de ceux qui paient pour poser une question orale, tout en offrant des images à l’extérieur qui font de certains parlementaires des acteurs de la désolation intensivement médiatisée. Et pendant ce temps-là, certains continuent de refuser un niveau de formation élevé comme exigence préalable à toute candidature.

Le repas électoral…  La zerda entre l’hospitalité et la corruption

Les discussions qui ont eu lieu dernièrement au sujet du rôle des repas dans l’appréciation du déroulement des campagnes,  ne présagent  d’aucune perspective positive pour une concurrence noble entre les candidats. La notion de « Zerda» électorale en tant que moyen d’infléchir la décision de ceux qui apprécient  les performances des maitres cuisiniers, est encore une notion à définir. Le sandwich électoral pour les militants ne semble pas emporter l’unanimité des partis. Le montant fixé comme plafond des dépenses du candidat à la représentation nationale (350.000 DH) n’est pas non plus suffisant pour animer les « bonnes volontés » et faire pencher les équilibres des forces d’une façon sûre. Un budget prévisionnel réaliste situerait le montant à plus d’un million de DH  et le volet ressources ne pourrait provenir des seuls supports budgétaires et partisans. Les faux frais entraineraient de fausses factures et beaucoup de paiements en cash. Les limites fixées par la loi organique sur les partis (article 40) en matière de paiement par chèque au-delà d’un montant de 10.000 DH, sont généralement dépassées. Les fractionnements seront toujours possibles et un meeting pourrait compter sur le bénévolat «rémunéré» et sur les capacités des militants à assurer la sonorisation et  à organiser les aires de rassemblement. Les vérificateurs de la Cour des comptes  seraient  dans l’incapacité d’aller dans le détail des comptes. Le vrai travail de contrôle doit se faire lors du déroulement des campagnes électorales pour estimer leurs vrais coûts.

Les dépenses électorales sont difficilement comptabilisables

Dans tous les cas, une campagne électorale est toujours une occasion pour opérer des redistributions et pour alléger le matelas du cash qui dort dans les valises ou qui réapparait après un enterrement dans les jardins de certaines villas. Le cash introduit des relations de «confiance» et sa non traçabilité rassure les dubitatifs et les novices de la politique. Une fois dans l’enceinte des lieux de la décision politique, il serait permis de refaire les comptes et de combler les déficits de caisse.
Entre-temps, le fisc perd, le citoyen se perd et la crédibilité de l’opération démocratique s’amenuise. La Cour des comptes a fait beaucoup d’appels dans son rapport consacré à l’audit des finances des partis politiques et estime que son appel sera bien entendu par ceux qui appellent nuit et jour à la transparence des marchés publics, du marché des actions et des opérations fiscales et douanières. Tous les partis ne sont pas habités par l’esprit de la mauvaise gestion, mais la majorité doit entendre l’appel de la loi. 

 
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