Les chroniques de Jamal BerraouiPolitique

Le bourbier Libyen

Le sommet de Berlin n’est pas la fin du conflit, il a besoin d’une résolution contraignante du Conseil de Sécurité, peu envisageable, les intérêts l’emportent sur le désir de paix. 

L’accord de Skhirat, durement arraché, a été enjambé par le sommet de Berlin, qui n’a même pas invité le Maroc. Pourtant ,c’est le seul accord référence entre les factions libyennes. Ghassan Salamé, a convaincu les puissances présentes qu’il y avait un processus politique onusien et qu’il fallait le soutenir en appelant les belligérants à s’y inscrire. Le représentant du Secrétaire général de l’ONU a enterré l’accord de Skhirat, alors qu’il n’a jamais réalisé le moindre pas en avant, ni éviter l’attaque contre Tripoli.

Le sommet de Berlin a un côté surréaliste. Des bailleurs de fonds des deux camps, des pays qui participent militairement au conflit, appellent au respect de «l’embargo sur les armes» décidé par l’ONU il y a deux ans. Que la Russie, la Turquie, l’Egypte et les Emirats signent ce texte, le vide de toute substance réelle.

Des intérêts égoïstes

Les puissances telles que la France et l’Italie, jouent un jeu trouble. Macron a déclaré « il faut être réaliste. Haftar contrôle 80 % du territoire libyen ». Rome est encore plus claire: l’important, c’est d’assurer le contrôle des ports. Chaque capitale défend ses intérêts égoïstes et fait évoluer ses positions en fonction de la situation sur le terrain. Celle-ci a évolué parce que la Turquie est intervenue avant la chute de Tripoli. En contrepartie, un accord a été signé pour les ressources pétrolières en Méditerranée. Réaction immédiate de la Grèce et de Chypre, qui étaient éloignés du dossier jusqu’alors. C’est donc l’internationalisation du conflit qui s’étend, chacun pour des raisons propres. Les Emirats et l’Egypte sont dans un projet politique contre les factions islamistes, la Russie voit dans ce dossier le moyen de poser pied en Afrique du Nord. Les autres ont peur de l’émigration, mais ont un œil sur les contrats de reconstruction à venir. Washington a déjà installé une antenne de la CIA à Benghazi, visant le renseignement au Sahel.

Le drame du peuple Libyen c’est qu’il se trouve au centre de ces convoitises aussi diverses, l’empêchant de trouver une voie propre vers la stabilité. Sa structure tribale facilite toutes les manipulations. L’absence d’une élite disposant d’un minimum de culture politique, totalement décimée par Kadhafi, handicape la recherche de solution.

Muni de son accord-appel surréaliste, Ghassan Salamé veut le conforter pour qu’il prenne la forme d’une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU. Les intérêts des super puissances sont si divergents que cette option est très problématique. Si elle a lieu, elle risque de rester lettre morte parce que les deux camps n’y ont aucun intérêt.

Ceux qui réclament une force d’interposition n’ont pas plus de chances de réussite. Calmer le front des hostilités ne reconstruit pas les Etats et fait perdurer le chaos. Bernard Henri Levy en convaincant Sarkozy de faire tomber le régime de Kadhafi a provoqué un bordel systémique. Il fructifie sa fortune pendant que les Libyens manquent de tout. C’est la leçon de l’histoire.

 
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