Sport

Le chancelant édifice du sport national

Qui se rappelle encore du Colonel Abdelwahed Bensaid·?
Ce fringant officier des FAR, décédé il y a quelques années, exerçait, outre ses activités professionnelles aux bases aériennes de Meknès et Kénitra, comme dirigeant sportif.
Il était président de la Ligue du Nord Est de football, président de la Commission des arbitres au sein de la FRMF, fédération où il était longtemps membre fédéral du temps des Belmejdoub, Semlali et consorts. Il a quitté la «fédé», quand, au lendemain du match Maroc-Algérie de décembre 79, perdu sur le score de 1 à 5, la FRMF a été dissoute.
Deux années plus tard, Semlali, devenu ministre de la Jeunesse et des Sports, a voulu recomposer le bureau fédéral de la FRMF tel qu’il l’avait vécu et au sein duquel il avait travaillé. Le colonel Abdewahed Bensaid a refusé catégoriquement de revenir aux affaires sportives.

Une avance qui s’effrite
Il· s’en était expliqué ainsi·: «La gestion du football telle qu’on l’a pratiquée jusque là ne peut plus rien donner. Cela fait dix ans qu’après la Coupe du Monde 70 où on avait représenté l’Afrique, on est en train de ramer. On a été le premier pays d’Afrique à aller en Coupe du Monde parce qu’on bénéficiait· de structures administratives (fédération) et immobilières (terrains et stades) hérités du protectorat. On dépassait les autres pays, surtout ceux d’Afrique noire. Mais ils sont en train de nous rattraper, voire de nous dépasser. Si on ne change pas notre mentalité de soi-disant amateurs bénévoles mais profiteurs du système, on ne s’en sortira jamais. Je n’aurai rien à faire dans un bureau fédéral qui n’est pas prêt à entrer dans une profonde réflexion pour faire son autocritique».

Rêves envolés
On est au bout d’une route. Il faut envisager autre chose et y penser sérieusement avec des politiciens et des sociologues au lieu de laisser les choses aller d’elles-mêmes au gré du vent et des résultats. Effectivement, le regretté Bensaïd ne s’impliquait plus dans le foot· et passait ce qui lui restait de vie à parfaire son tennis et à jouer au golf. Il a été très heureux sur les links de Dar Es Salem à Rabat avant que la maladie et la mort ne le terrassent. Tout comme Mekouar, le réputé président du Wydad, ils étaient nombreux, à l’image de Bensaid à rêver d’un sport vraiment pensé et élaboré. Beaucoup sont morts sans voir leur rêve aboutir.
En 2012, force est de constater que la situation générale du sport n’a pas évolué.
Situation qu’un expert, comme le professeur Aziz Daouda, a expliqué en une formule lapidaire «la démocratie a tué le sport».
Aziz Daouda, qui occupait de hautes fonctions au ministère de la Jeunesse et Sports et qui fut le DTN que l’on sait en athlétisme, illustre son idée par cet excès de permissivité qui génère une irresponsabilité coupable.
Les Assemblées Générales, que ce soient celles des fédérations ou des clubs,· répète souvent Aziz Daouda, sont ouvertes à tous. Et, hélas ce n’est pas le plus compétent qui est élu mais celui qui sait le mieux utiliser toutes les ficelles de la magouille (achats de voix, campagne de presse abusive et mensonges, accointances avec toutes sortes de lobbys).
Ainsi, on a vu et on voit encore des personnalités distinguées réussir en tout dans leur vie, sauf en sport.
Pire encore, à peine s’en approchent-ils, que le magma des médiocres provoque une levée de boucliers qui fait reculer les plus hardis.
Après les assises du sport où la lettre magistrale de SM le Roi Mohammed VI traçait le miroir exact du sport national, il y a eu une certaine vigilance de la part des autorités responsables et les intrus se sont fait moins présents. Mais les mauvaises habitudes sont comme le naturel, on peut les chasser mais elles reviennent au galop selon le dicton.
Comment ne pas se considérer en président d’une fédération sportive, lorsqu’on sait que cela vous procure notoriété et confort matériel. Ce sont les subventions d’Etat qui financent le· sport, notre super dirigeant se retrouve du jour au lendemain, une fois élu, nourri logé et transporté. Surtout qu’avec un peu de chance, il peut être ennobli en faisant son entrée au sein du Comité Olympique et devenir ainsi parmi les privilégiés des tribunes officielles et le chouchou des sponsors internationaux.
Si encore son action était utile au pays dont il est originaire et avec les deniers duquel il se pavane, on n’y verrait point un quelconque inconvénient, mais les fédérations dépensent les millions (qui ne leur appartiennent pas) et estiment souvent qu’elles ne disposent d’aucun moyen pour travailler et progresser. Que ne laissent-ils alors leur place à ceux qui peuvent prévoir et organiser les programmes de développement et même en trouver le financement·?
Le sport serait-il la chasse gardée d’une certaine catégorie d’arnaqueurs qui se parent de la respectabilité d’hommes œuvrant pour le développement de la Jeunesse·?
Ah la jeunesse, un beau vocable mobilisateur alors que personne de ces fameux «hommes en place» ne se préoccupe de la formation de la dite jeunesse.
Les sous sont consacrés aux élites, le haut de la pyramide, pour profiter de la médiatisation, car hélas la presse elle-même ne consacre que peu de place aux catégories des jeunes.
En tennis par exemple, on passe son temps à se lamenter sur la retraite des «Mousquetaires» Arrazi, El Aynaoui, Alami, au lieu de parler des jeunes qui arrivent et qui ont besoin de soutien, un soutien que la SNRT que dirige Mr Fayçal Laaraichi apporte sans compter. Elu à la tête de la FRMT, cet homme pragmatique et professionnel y a amené compétence et rigueur. Seriez vous étonnés d’apprendre qu’à la veille de l’ Assemblée générale certains se démènent pour prendre sa place·?
Vivement que ce cirque cesse. Le sport n’en a que trop souffert.

 
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