Le chantier de la réforme judiciaire a besoin d’être relancé

Enclenché en mai 2012 avec l’installation de la Haute Instance Nationale du Dialogue National sur la Réforme du Système Judiciaire, le chantier de la réforme de la justice est à peine à ses débuts. Après cinq longues années, ses fruits ne sont pas encore perceptibles. Pendant toute cette période, le citoyen a été abreuvé de discours bien concoctés sur l’avènement d’une ère où tous les maux de la Justice ne seront que de vieux cauchemars. Malgré le scepticisme alimenté par une longue période de « non justice », beaucoup de citoyens y compris des juristes et des professionnels du droit, ont été emportés par un sentiment d’optimisme en croyant que cette fois-ci sera la bonne.

En effet, de nombreux facteurs plaidaient en faveur de l’optimisme et contre le fatalisme. Il y a d’abord le timing, le chantier est lancé quelques mois après l’entrée en vigueur de la nouvelle constitution qui fait de la justice un pouvoir indépendant de l’exécutif et du parlement. La démarche était aussi originale dans le sens que la phase de conception n’a pas été confiée au seul département technique, mais à une commission nationale où siègent les représentants de tous les secteurs. Le résultat n’était pas décevant. Loin de là, une charte sous forme d’une feuille de route a été adoptée. Tous les aspects y figuraient. Sa mise en œuvre a été confiée au ministère de la Justice qui a vu son travail facilité, car il lui suffit de suivre les recommandations de la Commission nationale.

En ligne avec les dispositions de la nouvelle constitution et les recommandations de la Commission nationale, de nombreux projets de textes de loi ont été préparés par le gouvernement et adoptés par le Parlement. Parmi eux, deux lois organiques dont une concerne le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire et l’autre porte le nouveau statut de la magistrature. Avec ces deux textes, la justice marocaine se prépare à entamer une phase de rupture en passant du statut de tutelle à celui de l’indépendance. Le Conseil Supérieur du pouvoir judiciaire qui remplacera le Conseil supérieur de la magistrature est appelé à prendre les commandes de la justice qui sont jusqu’à présent, du ressort d’une autorité politique en la personne du ministre de la Justice. Ce dernier perd la présidence du Conseil et en même temps, il perd ce qui fait son pouvoir, à savoir le Parquet qui passe sous la coupe du Procureur Général près la Cour de Cassation.

En outre, deux projets de loi ordinaire, ont été présentés au Parlement. Il s’agit du projet de loi sur la réorganisation judiciaire et le projet d’amendement du code pénal. Leurs apports sont multiples en termes d’indépendance de la Justice, de l’amélioration du climat des affaires, de la protection des droits des citoyens et du renforcement des droits des justiciables.

Ce qu’on peut retenir, c’est que beaucoup de travail a été fourni mais sans résultat sur le terrain jusqu’à présent. Ceci, tout simplement parce que les textes adoptés, notamment les deux lois organiques ne sont pas encore mises en œuvre. En l’absence d’une réelle volonté politique, le risque de les voir « oubliées » dans des tiroirs n’est pas mince, ce qui aura pour conséquence de réduire à néant les apports de la Constitution de 2011 dans le domaine de la Justice. C’est un gros chantier qui attend le prochain gouvernement dont la réussite passe avant tout par la mise en œuvre de la réforme de la Justice.

 
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