Interview

“Le festival est à l’image du Maroc, un pays ouvert sur le monde”

La directrice du Festival international du film de Marrakech, Melita Toscan Du Plantier, revient sur cette édition 2015, nous explique comment le festival est devenu un incontournable dans le monde du septième art et insiste sur le message de paix et de tolérance que transmet le FIFM depuis sa naissance.

Le Festival du film de Marrakech, c’est déjà quinze ans. Comment a-t-il évolué et quelle place occupe-t-il aujourd’hui sur la carte du septième art mondial?
Le Festival du film de Marrakech a évolué assez rapidement et reçoit des personnalités importantes du cinéma depuis le tout début. Il est reconnu et respecté dans le milieu du cinéma international. Le festival n’a fait qu’ évoluer aussi bien du point de vue de l’organisation et la logistique, que par la qualité des films et du nombre de grandes personnalités du cinéma internationnal qui viennent chaque année. Certains de nos invités des premières éditions trouvent le festival aujourd’hui “très professionnel et organisé” comparé au charme des premiers avec ses projections au palais Badii. Vous savez, il a sa place parmi les plus grands festivals du monde. Le Festival essaie de confirmer sa vocation de découverte de nouveaux talents et de formation des jeunes élites du cinéma Marocain, grâce aux master class ouvertes à tout le monde.

Parlez-nous de cette édition 2015, qu’est-ce qui fait sa particularité par rapport aux années précédentes?
Chaque année est différente par ses personnalités et sa sélection de films. Nous avons un très beau Jury présidé par Françis Ford Coppola, de beaux hommages, avec Bill Muray, comédien et réalisateur américain qui vient à Marrakech pour un hommage qui salue une figure originale du cinéma américain et c’est la première fois qu’il accepte un hommage de toute sa carrière. Nous avons Willem Dafoe, comédien américain qui nous arrive avec une carrière riche de plus de 80 films dont le célèbre «La dernière tentation du Christ» tourné dans les décors sublimes du sud marocain. Nous avons aussi Le cinéaste coréen Park Chan-Wook, réalisateur, scénariste et producteur, auteur d’une œuvre riche, singulière et reconnue internationalement, déjà Grand Prix à Cannes. Il y a également la star indienne Madhuri Dixit, comédienne et danseuse, récompensée et célébrée dans son pays. C’est une des plus grandes stars de Bollywood et elle a tourné plusieurs films avec Shahrukh Khan dont Devdas que nous allons projeter place Jemaâ El Fnaa en sa présence. Il y a évidemment, le Maroc, représenté par le directeur photo, Kamal Derkaoui, issu d’une famille de cinéma que l’on connaît tous.

Il y a aussi les leçons de cinéma ?
Malgré leur nom, les master class sont des cours de cinéma, plutôt que des leçons, donnés par des auteurs confirmés aux styles différents, illustrant les facettes du cinéma. Cette année, nous avons la chance d’avoir parmi nous un trio de grands cinéastes, chacun avec un univers très particulier. Nous avons Abass Kiarostami, à qui l’on doit des oeuvres sublimes, comme “Le goût de la cerise” (Palme d’or à Cannes), “Le vent nous emportera”, “Close-Up” ou encore “Ten”. Il y a aussi le cinéaste coréen Park Chan-Wook et le réalisateur allemand d’origine turque, Fatih Akin auteur de Head On, Ours d’or à Berlin et De l’autre coté, prix du scénario à Cannes.

Peu de festivals peuvent se targuer d’avoir un nom comme Francis Ford Coppola comme président de Jury, comment faites-vous pour avoir chaque année, un immense calibre pour donner son essence au Festival?
Par mes relations et ma force de conviction indéfectible. Je suis passionnée par mon travail et par ce Festival et j’arrive à transmettre mon amour du Maroc

Quelles sont selon vous, les retombées de Festival du film de Marrakech sur le cinéma et l’industrie cinématographique au Maroc?
Le Festival sert aussi de vitrine pour le cinéma marocain. Montrer la production de l’année à la presse internationale, aux professionnels et permettre aux professionnels marocains de rencontrer des producteurs Français ou étrangers qui pourraient les co-produire. Marrakech devient une plate-forme de rencontres et d’échanges. Cela permet aux professionnels du cinéma de voir ce qui se fait au Maroc, de se rendre compte de ce que les réalisateurs marocains sont capables.

Quel message peut transmettre le Festival du film de Marrakech, à un moment de l’histoire où les clivages se font de plus en plus forts et où le Monde arabe est stigmatisé à cause des dérives radicales?
Le festival est à l’image du Maroc. Un pays ouvert sur le monde qui prône un Islam modéré et ouvert. Le Festival reçoit des personnes de plus de 30 nationalités et de toutes religions qui viennent parler de culture et échanger. C’est le plus beau message que peut transmettre le Festival dans une période très difficile et douloureuse, où certaines personnes ne cherchent qu’a créer le désordre, le chaos et la division entre les populations. Nous devons rester debout, ensemble et défendre les valeurs universelles à travers l’échange et la culture.

Pouvez-vous nous parler, en votre qualité de directrice du FIFM, de votre rapport avec SAR le Prince Moulay Rachid?
La Fondation du Festival existe depuis 2002 et SAR le Prince Moulay Rachid est le Président. Nous travaillons étroitement avec lui. Il est très impliqué toute l’année à tous les niveaux. C’est un plaisir, car il est à l’écoute. C’est un homme cultivé, et c’est enrichissant de l’écouter parler de son pays, de son histoire et de ses valeurs.

Parlez-nous de son action en faveur de la promotion de la culture et du cinéma à travers le FIFM?
C’est Son Altesse Royale qui a eu l’idée de la section Cinécoles pour aider à découvrir les talents marocains de demain. Il est aussi conscient de l’importance de la variété de l’offre cinématographique, et c’est pour cela que le Festival permet au public marocain de découvrir des films qu’il n’aurait pas l’occasion de voir autrement.
Il connait bien le cinéma International et le cinéma Marocain et nous pousse sans cesse à faire en sorte que les professionnels marocains rencontrent les professionnels étrangers. Il est aussi très attentif à ce que le cinéma marocain soit mis en valeur au sein du Festival, tout en respectant les choix du directeur artistique.

Parlez-nous de l’homme, passionné d’arts et de cinéma?
Son Altesse Royale aime l’art en général que ce soit la peinture, la sculpture, la photo ou le cinéma. Si je peux me permettre, je peux dire qu’il a beaucoup de goût! Il connait bien les artistes marocains.

Quels sont les grands moments qui vous ont marqué lors des rencontres à l’occasion du FIFM entre les grands noms du septième art et SAR?
Les personnalités qui viennent au Festival ont toujours très envie de rencontrer SAR le Prince Moulay Rachid. Lors du diner Royal, ils peuvent discuter avec lui et lui posent souvent des questions sur son pays. Ils l’écoutent avec attention et c’est toujours de très jolis moments. Ce fut le cas par exemple pour Martin Scorsese, Shah Rukh Khan, Emir Kusturica, Amitabh Bachchan, Sigourney Weaver, Susan Sarandon, Isabelle Huppert, Jessica Chastain et beaucoup d’autres. SAR a également décoré certaines personnalités du septième art mondial du Ouissam Alaouite, comme ce fut le cas pour Shah Rukh Khan en 2012.

 
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