Interview

«Le financement bancaire n’est pas adapté aux startups»

Le phénomène des startups au Maroc prend de l’ampleur depuis quelques années. Face à cette dynamique, l’Etat n’arrive toujours pas à trouver la bonne formule. A défaut, plusieurs associations à but non lucratif ont pris cependant la relève. Les initiatives dans ce sens se sont multipliées et la startup marocaine arrive à s’affirmer au niveau mondial malgré un environnement national encore mal structuré. Naoufal Chama, président de StartUp Maroc, la plus grande communauté de startups & mentors marocains, analyse le secteur de ces jeunes entreprises à fort potentiel de croissance. propos recueillis Par REDA BENSAOUD

Challenge : Comment expliquez-vous la montée des startups au Maroc? Simple concept ou véritable dynamique?
Naoufal Chama : La réponse à cette question, me ramène à 2010/2011. C’est à cette date-là que nous avons commencé à organiser les premières startups weekend. La question à l’époque, était : c’est quoi une startup? C’est quoi un business model ? Il faut savoir qu’à ce moment, ce mot était vraiment nouveau pour la communauté marocaine. Grâce à nos efforts et à ceux d’autres organisations, l’écosystème a été éduqué. D’autres ONG, Officiels ont rejoint le mouvement et ont commencé à parler à tort ou à raison, du phénomène startup.
La profonde transformation de l’écosystème a eu lieu à cause ou grâce au Global Entreuprenership Summit (GES) de Marrakech. Le mot startup est devenu un mot tendance, les marques et les entreprises se l’arrachent à coûts d’initiatives, plus, publicitaires qu’impactantes pour les entrepreneurs. Je salue cependant le travail de certaines organisations dans leurs vrais apports à l’écosystème.

Peut-on avoir une idée sur le nombre de startups qui existent au Maroc? Répartition par secteur, profils des dirigeants….?
Tout d’abord, dans le jargon américain, une startup est une future entreprise globale en recherche d’un business model fiable et repliable. Partant de ce principe, et d’après mes statistiques sur l’écosystème et les startups qui y sont identifiées, nous sommes plus ou moins à 200 structures. Plus de 80% opèrent dans le secteur IT et 10% dans le service à la personne. Les dirigeants sont des jeunes de moins de 30 ans ayant une petite expérience en salariat et une grande envie d’être autonomes.

De facto, pourquoi une prédominance du secteur IT?
Développer une application mobile ou une entreprise internet est plus à la portée des jeunes sans fonds d’investissement pour les accompagner. Se lancer dans une aventure industrielle ou en recherche et développement, demande plus de fonds, alors qu’un PC et une connexion internet sont à la portée de la quasi-totalité des nouveaux entrepreneurs.

Chez StratUp Maroc, quel est le processus d’incubation ?
StartUp Maroc est une ONG qui accompagne les startups dans leurs progression de l’idée au concept puis au produit et au marché avec une exposition à la presse nationale et internationale, ainsi que des fonds d’investissement qui adressent la région comme Falcons 500, Oasis 500.
Startup Maroc, fait rare dans l’écosystème, ne retient pas des parts des startups accompagnées.

En matière de financement, les banques sont-elles prêtes pour financer l’ensemble des projets?
C’est une très bonne question. Les banques financent les entreprises quand elles arrivent à évaluer et maitriser le risque or, une startup c’est une combinaison alarmante de risques divers et variés. Donc clairement, le financement bancaire n’est pas adapté à ce genre de structure. Pour les startups, il est nécessaire d’avoir des business Angels / Des seed funs et des fonds qui comprennent la problématique de la startup. Actuellement, on entend parler d’incitative ou de fonds, mais pour moi c’est de la poudre aux yeux. Ils veulent investir dans les startups avec la même logique des banques, que nous savons, ne marchera pas. Peut-être le salut viendra des fonds étrangers ou des plateformes de crowdfunding.

Dans ce sens, que propose StartUp Maroc?
StartUp Maroc, n’est pas une structure de financement, bien qu’elle ait offert plus de 1/2 million de dirhams aux différents participants. Notre vocation est de les présenter à des vrais fonds qui s’adressent à la région et au Maroc en particulier.

L’Etat marocain intervient-il dans le développement de ce genre d’initiative?
Je vais répondre à cette question en plusieurs points :
– Le fonds MNF, Intilak (CMI) et Tatwir (CMI), sont les seuls moyens de financements. Les deux derniers ont été suspendus il y’a un moment déjà.
– Pour l’accompagnement, les incubateurs liés à des administrations sont terriblement vides et manquent de savoir-faire.
– La législation traite la startup et l’investissement dans les startups comme si elle traitait une entreprise normale.
– Et j’aimerai terminer sur ce point : dans le mouvement startup on ne cesse de célébrer l’échec, le droit à l’échec et nous avons une loi qui empêcherait un entrepreneur en cas de faillite, de devenir gérant dans une autre structure pour un laps de temps.

Des success stories marocaines notamment chez StartUp Maroc?
Pour ne parler que d’un seul programme: Startup Maroc Championship a rassemblé 60 startups retenues dans un accompagnement avec 60 mentors. Des startups championnes ont été accompagnées : avec Get In The Ring en Colombie avec LIK où le Maroc s’est classé top 1 mondial, avec Evaptainers dans Future Agro Challenge où le Maroc s’est classé top 2 mondial, avec Socitall dans StartUp Open où le Maroc s’est classé top 6 mondial . D’autres startups ont été exposées dans la Silicon Valley dans le cadre de Clean Tech Open, à Copenhagen dans le cadre de créative busines Cup et bientôt au Ghana dans le cadre de StartUp Cup et dans la Louisiane, USA dans le cadre de MVP Cup. Certaines startups ont reçu des prix financiers en plus de leurs prises en charge.

Son actu
La Startup marocaine Lik a remporté en Colombie, mercredi 16 mars, la finale du «Get In The Ring», un concours qui oppose les startups à travers le monde, pour récompenser les meilleures. Ce prix international vient s’ajouter au Level Up Morocco, ainsi qu’au prix de meilleur jeune entrepreneur d’Afrique au Forum Afrique Développement, récemment remis aux mains des cofondateurs de Lik, Omar Kadiri et Yassine Faddani pour leur idée innovante.

Son parcours
C’est un mordu du code, Finaliste ACM pour le MENA et Finaliste ImagineCUP monde, il lance dans la foulée JNJD et Code Initiative pour promouvoir l’esprit de compétition entre développeurs. Après son passage à Thales Air defense, il occupe le poste de Directeur de Projet et puis Directeur R&D puis DG au sein de Digimind Maroc. A l’instar des challenges qu’il a réalisés, il a ramené Startup Weekend au Maroc, Get In The Ring, Creative business Cup, Future Agro Challenge, Startup Cup…

 
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