PolitiquePolitique au Maroc

Le jeu trouble du PJD

Menaces de dissolution, accusations en tous genres, les Islamistes acculés par la crise économique, sont tentés par une crise politique. 

L

a majorité n’est plus, cela a commencé par l’Istiqlal qui, depuis l’élection de Hamid Chabat au poste de secrétaire général, ne rate aucune occasion de se différencier du PJD, en des termes souvent peu respectueux des obligations d’une alliance. Le MP et le PPS lui ont emboité le pas et manifestent ouvertement leurs critiques vis-à-vis du parti Islamiste, qui dirige la majorité, le fonctionnement de celle-ci.

Le PJD réagit en incluant ses alliés dans «les forces de résistance aux changements», les fameux crocodiles chers à Benkirane. Sommes-nous face à une crise institutionnelle ? Quand on veut être un observateur engagé, mais à la fois objectif et lucide, il faut éviter les raccourcis.

Le grand problème de ce gouvernement c’est son hétérogénéité. L’alliance est contre-nature. Le PJD est Islamiste, avec un référentiel transnational, le Mouvement Populaire est un parti conservateur issu de la réaction de l’arrière-pays contre les élites urbaines à l’indépendance, le PPS c’est l’ancien parti communiste stalinien converti à la social-démocratie, bien avant la chute du mur de Berlin, faut-il le préciser.

Cette hétérogénéité a explosé devant la crise économique. Là encore, il faut être honnête. Non, le gouvernement actuel n’a pas de responsabilité dans cette crise. Ce ne sont pas des mesures de l’exécutif qui l’on initiée, ni même approfondie. Mais l’on peut reprocher à la majorité et au PJD plusieurs choses : 

Abdelilah Benkirane, Chef du gouvernement, a la possibilité de dissoudre le parlement, après en avoir informé le Roi. Le PJD utilise cette arme comme une menace.

D’abord un programme électoral ambitieux qui ne tient aucun compte des réalités. Depuis 2009, et Challenge y a réservé plusieurs dossiers, il était clair que le Maroc entrait dans l’œil du cyclone.

Le gouvernement précédent, de manière irresponsable, a préféré nier cette réalité implacable. 

Le PJD a préféré utiliser cette négation pour promettre monts et vaux. Aftati par exemple, continue à clamer qu’il n’y a pas de crise.

Ensuite, l’absence de toute réactivité. Les chiffres étant là, implacables comme toujours, il fallait réagir par des mesures à court terme et des réformes structurelles. Le gouvernement est dans la parlotte, ajoutant au désarroi des opérateurs économiques.

Enfin, on peut reprocher à l’exécutif un autisme forcené. Il n’écoute ni les spécialistes, ni les professionnels, ni les institutions internationales. Dans quelques mois, toutes choses restant égales, c’est le FMI qui fixera sa feuille de route, comme c’est le cas pour l’Egypte. 

«Ils ne nous laissent pas travailler»

Le PJD a préféré la mauvaise foi. S’il y a problème dit-il, c’est parce que même les partis alliés font partie de la force de résistance et qu’ils freinent les réformes. C’est un mensonge !

Le PJD n’a proposé aucune réforme. Le Parlement n’a pas été saisi d’un seul projet, qu’il aurait révoqué. Le projet sur la Compensation n’a existé, officiellement, que dans les déclarations de Boulif. La production législative est la plus faible depuis que le Parlement existe. Même les lois organiques, pour appliquer la Constitution, ne sont toujours pas devant la représentation nationale.

Le ministère de l’Intérieur a annoncé officiellement, que les textes étaient prêts pour organiser les élections communales et que c’est Benkirane qui bloque.

N’ayant rien proposé, le PJD ne peut pas se targuer d’être combattu par des forces occultes, alors même qu’il n’a pas de politique, en dehors de la stigmatisation des autres.

La Constitution permet au Chef du gouvernement de dissoudre le Parlement, après en avoir informé le Roi. C’est donc un exercice possible. Le PJD utilise cette arme comme une menace en escomptant une victoire encore plus large. On peut en douter, mais même si c’était le cas, cela ne changerait rien, même majoritaire, l’incompétence reste l’incompétence.

Menacer de recourir à la rue est anti-démocratique et laisse planer des doutes sur les convictions réelles. C’est un jeu trouble déstabilisateur mais qui n’a aucun effet possible sur la crise. La seule issue, c’est un remaniement qui amènerait des compétences autour d’un programme gouvernemental réaliste. Si le PJD est au gouvernement, c’est qu’il ne fait peur à personne. Il lui faut le comprendre. 

 
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