Energie

Le Maroc, nouvelle puissance nucléaire avec l’aide d’Israël ?

Dans un long éditorial, publié par Israël Valley, Daniel Rouach, expert en transferts de technologie (du militaire au civil) et vice-président de la Chambre de commerce Israël-Maroc, estime que si la France ne souhaite pas vraiment coopérer dans ce domaine, craignant la réaction d’Alger, le Maroc  pourrait devenir une nouvelle puissance nucléaire avec l’aide d’Israël. Les détails.

En matière de nucléaire civil appliqué à l’énergie, le Maroc semble chercher les expertises là elles se trouvent. La dernière en date est l’accord de coopération entre Rabat et Moscou dans le domaine approuvé par la Russie et dont l’arrêté promulguant cette décision a été signé mercredi 13 octobre par le Premier ministre russe Mikhail Michoustine. Un partenariat qui n’est pas sans susciter de nombreux commentaires sur les ambitions du Royaume qui pourrait également développer ce secteur davantage avec l’aide d’Israël. Le Maroc deviendra-t-il une «nouvelle puissance nucléaire» avec l’aide d’Israël ?

Daniel Rouach, expert en transferts de technologie (du militaire au civil), vice-président de la Chambre de commerce Israël-Maroc, a tenté de répondre à cette question à travers un long éditorial qu’il a publié sur le site portail de la Silicon Valley israélienne et de la Chambre de commerce Israël-France.

Selon l’éditorialiste et expert en transferts de technologie, depuis qu’il est Vice-président de la Chambre de Commerce Israël-Maroc à Tel-Aviv et actif dans les relations binationales, il a pu constater que « certaines questions ne doivent jamais être posées. Surtout lorsque l’on sait que les Algériens scrutent avec attention tout ce qui est écrit sur le Maroc et sa défense ».  « Le domaine de coopération nucléaire est ultra-sensible. On n’en parle donc presque pas! Depuis quelques semaines ce mot « nucléaire » (civil) est enfin prononcé sans équivoque par des acteurs de la relation binationale », a-t-il précisé à l’entame de son éditorial.

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En effet, pour Daniel Rouach, natif de Meknès, également Président de la Chambre de Commerce et d’Industrie Israël-France, une question (qui est rarement posée en public) est en train d’émerger dans les milieux israélo-marocains de la coopération bilatérale. Le Maroc va-t-il devenir une puissance nucléaire avec l’aide d’Israël ? Si Shimon Peres, ancien Premier ministre israélien, était vivant il est certain que sous sa bannière la réponse aurait été positive, poursuit-il.

« Dans une optique de renforcer sa souveraineté énergétique et de réduire les coûts et les émissions de carbone, le Maroc a décidé depuis quelques années de diversifier ses ressources énergétiques en envisageant de construire des réacteurs nucléaires afin d’accélérer la transition vers une économie verte. Le tout premier Centre National de Formation en Sciences et Technologies Nucléaires a été ouvert en 2021 au Maroc, dans le prolongement du Centre National de l’Energie, des Sciences et des Technologies Nucléaires (CNESTEN) à Maamora », a ajouté l’expert en transferts de technologie, citant une source marocaine.  Et il se pourrait bien que le Maroc se tourne vers Israël pour bénéficier de son expérience en matière de nucléaire civil. En se disant « prêt » à partager sa technologie nucléaire, Israël entend renforcer davantage les différents accords de coopération signés avec les pays arabes depuis qu’ils ont décidé de rétablir leurs relations dans le sillage des accords d’Abraham, rappelle l’éditorialiste.

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Citant le directeur général de la Commission israélienne de l’énergie atomique, Moshe Edri, dans son argumentaire, ce responsable israélien a déclaré dans un « discours très récent » en marge de la 66e conférence générale de l’Agence internationale de l’énergie à Vienne : «Nous espérons que le nouvel esprit dans notre région, tel qu’indiqué dans les accords d’Abraham, représentera une voie à suivre pour un dialogue direct et significatif au sein de notre région, y compris dans les forums nucléaires».  Israël «pourrait partager des aspects de sa technologie et de ses connaissances nucléaires» avec les pays signataires des Accords d’Abraham, a précisé le directeur général de la Commission israélienne de l’énergie atomique. 

Mais pour Daniel Rouach, si le Maroc choisit Israël pour le transfert de technologie, c’est aussi parce que son partenaire historique, la France, hésite à le faire à cause de la perception en Algérie. 

Le vice-président de la Chambre de commerce Israël-Maroc, citant un expert israélien, souligne ainsi dans son éditorial que « Les Français, champions du nucléaire, ne souhaitent pas vraiment coopérer dans ce domaine(…), craignant la réaction d’Alger et surtout ils ne veulent pas de prolifération nucléaire ».

Pourtant, la France, pour elle-même a décidé de développer le nucléaire, et dans le monde 55 réacteurs sont en construction. Selon l’ONU, 32 pays dans le monde exploitent 443 réacteurs nucléaires pour produire de l’électricité, parmi eux 13 en sont dépendant à hauteur d’un quart de leur mix énergétique, et pour d’autres, elle représente la moitié de leur consommation en électricité.

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Pour rappel, le 24 octobre 2007, le président français de l’époque  Nicolas Sarkozy a donné le coup d’envoi à Marrakech d’une coopération nucléaire civile avec le Maroc, au terme d’une visite d’Etat marquée par l’annonce de 3 milliards d’euros de contrats commerciaux divers.  Au cours de son déplacement, il avait également indiqué que la France et le Maroc vont signer d’ici « quelques semaines » un « accord-cadre » sur une coopération en matière de nucléaire civil. A l’époque également, selon l’AFP qui citait une source, proche du président français, « dès la semaine prochaine », des représentants des deux chefs d’Etat commenceront à négocier cet accord-cadre. Les discussions devaient porter sur le nombre et la localisation des futures centrales et la possibilité qu’elles servent à la production d’électricité et à la désalinisation de l’eau de mer.  Contrairement à l’Algérie, le Maroc n’a pas de réserves de gaz ni de pétrole mais possède des phosphates, lesquels renferment de l’uranium.  La veille, le chef de l’Etat français avait annoncé que les deux pays allaient « lancer un nouveau grand chantier, celui de l’énergie nucléaire civile ». Pour sa part, le groupe nucléaire français Areva avait indiqué avoir des « échanges préliminaires » avec le Maroc sur le nucléaire civil. Il existe « des échanges préliminaires sur l’introduction de l’option nucléaire dans le mix énergétique marocain », avait affirmé un porte-parole d’Areva, interrogé par l’AFP.  Par ailleurs, Areva et l’OCP prévoyaient de « lancer en commun une étude de faisabilité pour un site industriel de production d’uranium » à partir des phosphates, qui contiendraient près de 6 millions de tonnes de ce minerai. 

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Il faut dire que ces dernières années, l’intérêt du Maroc pour le nucléaire procède d’une démarche d’exploitation de l’énergie nucléaire à des fins civiles et pacifiques. Le Royaume tend vers la diversification des ressources énergétiques et essaie d’apporter des solutions durables pour assoir les fondements d’une économie verte.  La ministre de la Transition énergétique et du Développement durable, Leïla Benali, avait fait savoir devant le Parlement que son département étudie depuis 2015, les possibilités d’exploitation de cette énergie pour la production d’électricité, soulignant qu’un rapport seront présenté dans les prochains jours, concernant la mise en œuvre des recommandations de l’étude.  Le pays selon la ministre «a accumulé une base importante de connaissances et d’expériences dans le cadre des préparatifs nécessaires pour prendre une décision éclairée concernant la production d’électricité à partir de l’énergie nucléaire». Rappelons qu’en 2016, l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a autorisé le Maroc à lancer son programme nucléaire pacifique, affirmant que le pays répond à toutes les conditions nécessaires et dispose de l’expérience, des ressources humaines et de la compétence scientifique en la matière.

 
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