Portrait

Le new age businessman


On le prendrait pour un dandy moderne, le dilettante casablancais par excellence. Mais le parcours de Hassan Lahlou est néanmoins à l’image de l’évolution du Maroc, émaillé de hauts et de bas. C’est en fait, une réelle quête de vérité et d’amélioration personnelle.


N
ul n’aurait cru que le new-ager marocain existait. Ce type d’hommes qui allient la spiritualité, au développement personnel et à la modernité. Sans tomber pour autant dans l’ésotérisme de bas étage. En somme,  le prototype du musulman, ouvert d’esprit, du XXIe siècle, dont la croyance s’allie à la quête de sens, sans se fermer aux nouvelles sciences de par le monde.  Hassan Lahlou est né en 1969, à Casablanca. Deuxième d’une fratrie de trois, son père industriel et sa mère médecin. Mais le père est également actif dans ’associatif, et fait partie  des dirigeants du célèbre club de football casablancais, le Wydad Athlétic Club (WAC), qui financent les équipements de leur équipe sur leurs propres deniers. Il deviendra d’ailleurs président du WAC lorsque Hassan  est âgé d’un an: “A l’époque, nous recevions les grands noms du football à la maison. J’ai grandi au milieu de champions, mais aussi en  contact des gestionnaires du club,” évoquet- il.
Tout naturellement, Hassan pratique avec les enfants du club, mais, il n’a pas de prédispositions particulières pour le sport.  Mais l’enfant est à l’époque asthmatique, et doit passer des séjours fréquents à Marrakech, pour se rétablir. Il logeait, dit-il, à la Mamounia, à une époque où le palace était  encore à un prix abordable. Quoique sa santé s’améliore, sa mère, pédiatre, décide de se spécialiser en allergologie. A cette fin, la famille doit déménager à Paris, où la mère  entreprend sa spécialité. Une occasion pour le jeune Hassan de vivre dans la ville des lumières, deux années durant. 

Une enfance Marrakchie et internationale  

Lorsque la famille revient au Maroc, le climat casablancais est toujours source d’ennuis de santé pour le jeune Hassan. Son père, alors co-actionnaire dans une usine de la ville ocre, décide d’installer sa famille dans la cité impériale. Hassan a sept ans, et il est scolarisé à l’école Renoir, dans le système français: “A l’époque, Marrakech était une toute petite ville, où il  n’y avait, en tout et pour tout, que deux feux rouges dans toute la cité. Mais c’était un bel environnement pour grandir”, se remémore- t-il. Son père partage son temps en  aller-retour entre Casablanca et Marrakech. Hassan, lui, vit une enfance simple. Il joue, certes, encore au football, mais pratique également la natation et s’initie au ski, dans la station de l’Oukaïmeden. Sa santé s’améliore, mais pas suffisamment, ce qui pousse son père à l’envoyer en  Suisse, à Villars sur Ollon. Nous sommes  en 1982, et il est interne dans la célèbre institution Beau Soleil. Il règne, dans le collège, une austérité tout à fait protestante.

 Les jeunes vivent loin de tout, et doivent se concentrer sur leurs études.  “Il y avait 54 nationalités différentes dans l’école. On y côtoyait les enfants de fortunés libanais et iraniens exilés, au moment de la révolution islamique dans la république chiite, et pendant la guerre civile au pays du cèdre. Pendant les journaux télévisés, mes camarades me montraient leurs maisons bombardées ou incendiées. Ils étaient certes fortunés, mais ils n’avaient plus de pays,” analyse-t-il, soulagé d’être marocain. Ses parents le rejoignent, durant les vacances scolaires et l’emmènent en voyage. En leur  compagnie, il fera sa première Omra à 15 ans. Il poursuit ses études sans accrocs. L’école est cependant très à cheval sur les activités sportives. Il pratique donc le  hockey, le ski et l’athlétisme. Le grand air lui fait du bien, et sa santé s’améliore. Mais bientôt, il quitte la Suisse pour le versant français des Alpes.

Les études à l’international  

Il intègre l’école Sainte Croix des Neiges, dans le bien nommé village Abondance et peut descendre en car à Thonon les Bains, rejoindre la civilisation. L’école est moins  austère, il s’y épanouit et y restera jusqu’au baccalauréat. Après quoi, il s’envole pour les Etats-Unis, et s’installe à San Diego en Californie, en 1987. Il y mène une vie studieuse,  et côtoie d’autres étudiants étrangers. Les vacances, il dépense ses économies en voyages dans le pays, sur le continent et dans les caraïbes. Il étudie la Gestion, le marketing et  la communication, sachant qu’à la fin de ses études, il devra rejoindre le giron familiale et s’atteler à la gestion des affaires familiales. Il profite donc de cet épisode américain  pour développer des relations d’affaires, nouer des contacts, et profiter d’un système ordonné et honnête, qu’il apprécie. “Nous pouvions sortir en laissant la porte ouverte. Les gens avaient une certaine naïveté dans leurs rapports aux autres qui était rassurante,” explique-t-il.

 Retour au pays

Les études terminées, il rentre au Maroc en 1990, et doit, avant toute chose, se familiariser avec le monde des affaires marocain. Il commence par un stage à la BMCE, au cours duquel il passe par les différents services, et s’initie aux arcanes du business: “C’est à ce moment que j’ai appris tout ce qu’on ignore à la sortie de l’école. Pour moi, le chèque impayé n’existait même pas ! Cette expérience m’a ouvert les yeux sur les pratiques en vigueur au Maroc,” se remémore-t-il, presque désolé de la situation de l’époque et appréciant les  changements actuels. Il intègre les affaires familiales, dans une usine de sacs de minoterie “J’ai été le premier à habiller les sacs aux couleurs de l’entreprise. J’aurais dû  breveter le procédé, ce à quoi je n’ai pas pensé à l’époque,” se remémore-t-il. Arrive 1993, et les frontières avec l’Algérie sont ouvertes, et l’activité commerciale est florissante pour les industries  locales. Mais cet état de grâce ne durera pas longtemps, et rapidement les entreprises doivent faire face à la crise: “a l’époque, certains de nos concurrents  informels vendaient à notre prix de production. Mais c’était facile, puisqu’ils ne payaient ni charges sociales, ni impôts”, regrette-t-il. 

C’est déjà le début de la fin pour beaucoup d’entreprises. Hassan est chargé du recouvrement et des inspections des livraisons et de la qualité des produits de l’entreprise. Parallèlement, et régulièrement, il retourne  aux USA pour se ressourcer, revoir ses amis. En 1994, pendant la Coupe du Monde de Football, il suit l’équipe nationale aux USA. Mais il ne rentre pas tout de suite après. Il  décide de rester dans le pays pour étudier la production audiovisuelle, en formation continue chez Avid Production. Dès son retour, il fera un stage à 2M pour reproduire les  schémas appris aux USA. Mais rapidement, il réalise que les capitaux qu’il faut mobiliser dépassent ses moyens. Il retourne donc dans l’entreprise familiale, où il reste jusqu’en  1997. La crise perdure cependant, et lassé des difficultés de l’entreprise, il déménage pour Los Angeles. Là, il entreprend un cycle d’études d’affaires dans les pays en voie de développement. Après quoi, et à son retour au pays, il réintègre les affaires familiales. Il décrochera même une commande d’un million d’unités de sacs plastiques. Pour cette  opération, son père et un associé montent une entreprise de toutes pièces. Mais ce n’est qu’un répit, puisque la crise persiste. 

Entrée dans les affaires 

En 1998 le marché immobilier prospère,  et le terrain de leur usine à Aïn Sebaa est convoité. Les offres sont alléchantes, et après de nombreuses tractations, la famille finit par se décider à concrétiser la vente. Il faut  alors liquider l’entreprise, et c’est Hassan qui sera en charge de régler tous les détails. L’opération prendra du temps, qu’il exploitera à construire un premier immeuble à Derb Omar à Casablanca. En 2000, il crée le premier dépôt-vente de Casablanca, à Mers Sultan. Mais l’aventure n’ira pas plus loin. Hassan se lance à temps plein dans la promotion immobilière. Pour ce second coup, il  achète un terrain à Marrakech qu’il valorise. Ce sera également l’année de son mariage, et celle de ses débuts dans le conseil en immobilier. Arrive 2009, le développement  personnel devient à la mode, et ce centre d’intérêt prend plus de place dans la vie de Hassan. Il se forme même en programmation  neuro linguistique. Puis, en 2012, il se relance dans les affaires avec “African Business Dévelopment”, une entreprise de conseil en développement d’affaires à Casablanca.  En parallèle, il importe un nouveau concept anti-âge, le micro-courant pour rajeunir le visage. Le secret de toute réussite est dans la diversification. ■

 
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