Covid-19

Le pain ou la maladie: l’étendue du dilemme marocain

Depuis mars 2020, on assiste à une série de mesures de gestion de la pandémie du COVID-19. Le  » Stop’ and « Go » a prouvé son efficacité en ce qui concerne la limitation de la propagation du virus sur une longue période. Mais est-ce toujours valable ?

Avec la crise sanitaire, l’industrie touristique a connu une chute très sévère, d’environ 65%, soit 2,2 milliards de touristes pour toutes les activités du domaine. Pour un secteur qui représente 7% du PIB et à 20% aux exportations de biens et services, la pandémie est un coup dur à encaisser. La fermeture des frontières a permis de contrer certaines complications graves de la situation pandémique mais peut-on toujours supporter le coût important de ces fermetures ? Ne serait-il pas temps de passer à une gestion endémique du COVID-19 ?

Des milliers d’entreprises ont fait faillite, 432 000 d’emplois perdus, près de 25% de la population touchée par l’insécurité alimentaire…L’incidence de la pauvreté s’est multipliée par près de 7 à l’échelle nationale, passant de 1,7% avant cette crise à 11,7% au temps du confinement, de 5 fois en milieu rural, passant respectivement de 3,9% à 19,8%, et de 14 fois en milieu urbain, respectivement de 0,5% à 7,1%. De même, le taux de vulnérabilité a plus que doublé, passant de 7,3% avant le confinement à 16,7% pendant le confinement. Par milieu de résidence, ces proportions sont respectivement de 4,5% et 14,6% en milieu urbain et de 11,9 % et 20,2% en milieu rural. Dans ces conditions, les inégalités sociales se sont détériorées et ont dépassé le seuil socialement tolérable (42%).

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Les mesures investies par le Maroc pour soutenir le secteur touristique sont louables, mais ces mesures concernent généralement les catégories d’acteurs suivantes : les établissements d’hébergement classés, les agences de voyages agréées par l’autorité gouvernementale en charge du tourisme, le transport touristique pour les personnes autorisées par l’autorité gouvernementale en charge du transport et les entreprises d’intérim ayant des contrats avec les employeurs des sous-secteurs du tourisme précités. Mais qu’en est-il des petites boutiques de souvenirs, de petits restaurants, du secteur de location de vacances ? Qu’en est-il des petits villages à l’image de ceux situés sur la baie de Taghazout et qui représentent un véritable hub touristique ? Qu’en est-il du petit moniteur de surf, du petit guide en montagne, du petit opérateur de location de mulets dans les circuits de randonnées ? A-t-on pensé à ces opérateurs majoritairement informels qui s’encrassent chaque jour dans la pauvreté jusqu’au surendettement pour subvenir à leurs moindres besoins vitaux ? Certains diront en encourageant la demande locale et le tourisme national. Oui, mais comment la demande locale peut-elle pallier l’hémorragie avec une perte massive d’emplois et une pauvreté grandissante ?

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En même temps, on ne peut pas se permettre de focaliser uniquement sur les dégâts économiques engendrés par la pandémie. Le Maroc a connu en l’espace de deux ans une avancée spectaculaire dans un ensemble de domaines. Une digitalisation forcée certes, mais qui a pris place avec une généralisation du télétravail qui doit encore faire l’objet d’un développement des mentalités en premier lieu et des infrastructures et moyens en deuxième lieu. Sans oublier la dynamique engagée par le lancement des marques de promotion nationales : Morocco Now pour les investissements étrangers et Morocco Tech pour soutenir le positionnement du Maroc en tant que Digital Nation. Maintenant, il est temps de consolider nos acquis durant ces deux ans, et d’avancer vers une gestion optimale de la pandémie qui va permettre de relancer l’économie tout en limitant l’impact sanitaire.

La gestion endémique a tout son intérêt, surtout si OMICRON est le variant majoritaire puisqu’il est scientifiquement moins dangereux, mais présente quand même des limitations. Les restrictions, les tests systématiques, le traçage, l’isolement des cas et le comptage  laisseront place à des conseils et des orientations avec un monitoring dans certains cas précis. Cela étant dit, le seul atout sur lequel on pourra compter est le civisme, puisque le port du masque ne sera plus obligatoire, le pass sanitaire non plus. L’Espagne et la Grande-Bretagne ont déjà pris le pari de se lancer dans une gestion endémique du COVID-19. On aura peut-être affaire à une période d’adaptation avec un pic de contamination, mais la situation a de fortes chances de se stabiliser par la suite.

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Si le Maroc devait passer à une gestion endémique, cela dépendra du civisme et du sens du devoir national des citoyens marocains. Ainsi on leur dit, monsieur le Marocain et madame la Marocaine, il y a un artiste qui n’a pas touché à sa guitare depuis deux ans, il y a un guide en montagne qui n’a plus les moyens d’envoyer ses enfants à l’école, il y a des familles qui veulent célébrer un évènement heureux, il y a des jeunes qui veulent retrouver leurs soirées au cinéma, notre scène culturelle est en manque de ses évènements, il y a des Marocains bloqués à l’étranger et qui ne peuvent retrouver leurs proches, il y a des familles mal nourries auxquelles le prix de la farine ou de l’huile donne lieu à des cauchemars sans fin. Concitoyens et concitoyennes, entre la maladie et le pain, aidez-nous à choisir le pain !

 
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