Portrait

Le passionné du moteur

Sous ses airs de bon père de famille, se cache un technicien hors normes. Sa carrière, atypique, l’a mené de poste de direction en poste de direction, jusqu’à siéger au conseil de direction de Renault et prendre la tête de Renault Maroc.

On ne présente plus Renault, la marque automobile qui a fait les beaux jours de l’industrie française. On ne présente pas non plus ses usines, ses modèles, ni le lien historique de la marque au losange avec le Maroc et les marocains. On ne compte plus nos compatriotes qui  s’étaient expatriés pour travailler sur ses chaînes de montage, et par là même, se construire une vie meilleure. L’actuel patron de l’enseigne française au Maroc, quant à lui, a opté pour la fidélité à la marque. Il est donc resté, toute sa carrière durant, dans le giron de l’entreprise, et a appris à connaître la “maison” dans toutes ses spécificités et ses recoins. Dans le style, Jacques Prost est un homme d’entreprise. Il ose le complet et la cravate sobre des hommes venus de la technique. Dans son approche, il garde le pragmatisme des scientifiques. Trait de caractère qui trouve son origine dans sa propre famille.
Il est né en 1953, à Lyon. Troisième d’une fratrie de quatre enfants dont le père était officier de l’armée de terre. Ce sont les années troubles de la guerre d’Indochine. Son père est appelé à exercer dans différentes régions du monde et passe peu de temps avec les siens. “La première fois que j’ai vu mon père, je lui ai dit; Bonjour Monsieur,” se remémore-t-il. Il a trois ans lorsque son père est muté au Maroc. La famille emménage à Fès, où elle passera quelques années heureuses. Son père se plait dans ce pays et adopte la population locale. Le Maroc “nous a pris dans ses bras”, précise t-il affectueusement. Mais la Guerre d’Algérie éclate, et la famille doit regagner la métropole, pendant que M. Prost père est envoyé dans ce pays secoué par les affrontements. “C’était une époque plus difficile pour les épouses que pour les enfants. On ne se rendait pas réellement compte de ce qui se passait et vivions dans l’insouciance. Les épouses de militaires, elles, vivaient constamment avec la crainte de ne pas voir leur mari revenir”, analyse-t-il. Mais son père survivra à la guerre. Il est affecté en Allemagne à son retour. Le jeune Jacques est alors interne à Fribourg dans la République Fédérale Allemande, encore scindée en deux par le mur de Berlin. C’est l’époque de la Guerre Froide. Mais là encore, il ne se rend pas compte du contexte. “Lorsque “Mai 68” a éclaté en France, j’étais interne au Lycée. On imaginait ce qui se passait, mais concrètement, nous étions loin des évènements,” explique-t-il. A 18 ans, il retournera à Paris pour passer un bac C, sciences mathématiques, au prestigieux Lycée Stanislas.

Un intérêt pour la technique
Déjà, ses passions d’enfant guideront ses choix. Il s’intéresse aux sports mécaniques, et spécialement automobiles. Ses intérêts gravitent autour des moteurs. C’est donc, tout naturellement, qu’il opte pour les sciences, et plus particulièrement pour la mécanique, à l’Université Paris VI. La maitrise en poche, il poursuit son cursus à l’Ecole Nationale Supérieure des Pétroles et des Moteurs. Cette spécialisation l’orientera vers l’industrie automobile. Il intègre donc la Régie Renault, dès sa sortie d’école. C’est là, où il fera toute sa carrière. Nous sommes en 1978, et il fait ses débuts comme ingénieur à la direction des études “moteurs et essais”. “Je passe six années dans cette direction, à différents postes, mais toujours en rapport avec les moteurs”, explique-t-il. Dans l’intervalle, il se marie en 1979. Les années 1980, 1981 et 1983 verront la naissance de ses trois enfants. Sur le plan professionnel, une première opportunité se présente à lui: l’écologie devient un thème d’actualité. Renault prend les devants pour s’adapter aux marchés avec un souci pour l’environnement. Pendant un an, il s’attache à dépoluer des moteurs, que la marque au losange avait lancés sur le marché étasunien, au profit du marché allemand. “Cela a été, pour moi, l’occasion de m’ouvrir au monde de l’automobile, et également de me faire connaître. L’année d’après, je suis affecté à Dieppe, en tant que responsable de bureau d’études”, raconte-t-il. Pendant cinq années, il participe au développement de la voiture sportive de Renault, l’Alpine. A mi-chemin entre la Porsche et les voitures de grande série, ce sera l’un des modèles mythiques qui captera un public de passionnés, mais limité à des amateurs. Il reste sur des projets liés aux moteurs, et s’occupe plus spécialement, des boîtes à vitesses, de trains avant et arrière, et de compteurs. Nouveau saut de carrière: il revient à la direction Renault comme responsable de projet pour la première Laguna. Il passera cinq années, en charge de la conception de la voiture. “C’était dans la suite logique de ma précédente affectation. Seulement, je m’occupais d’un véhicule de grande série, et non plus d’un véhicule de niche,” tempère-t-il.
Puis, Jacques Prost revient à ses premières amours, et prend la direction mécanique de l’ensemble des essais. Il gère alors 1000 personnes, mais toujours pour les prototypes de moteurs et leurs boîtes à vitesse. “C’est à ce moment que j’ai eu une rupture de carrière. J’ai été placé à la tête de la principale usine mécanique de Renault, à Cléon, mais encore pour les moteurs et les boîtes à vitesse”, explique-t-il. Il supervise également la fabrication de nombreux produits pour la marque au losange. Dans cette nouvelle affectation, il a 5000 personnes sous ses ordres.

Développeur de voitures
Mais le parcours ne s’arrête pas là. Sa mission accomplie, il est bombardé directeur du projet Clio 3. Il restera à ce poste cinq années, pendant lesquelles, il fructifiera son expérience des voitures de grandes séries. C’est là l’une des phases qui le préparera à la direction des programmes des petites voitures. Il passe à la gestion, et supervise les modèles Clio, Twingo et Modus. Six années durant, il sera alors le directeur de l’ingénierie mécanique de Renault. Dans ce cadre là, il supervise la conception des moteurs et des boîtes à vitesse du groupe et participe au “down sizing”, la conception de moteur plus petit qui développe plus de puissance. Ce sont alors 5000 collaborateurs éparpillés à travers le monde, entre la Roumanie, le Brésil, la Corée du Sud, l’Espagne et l’Inde, qu’il doit superviser. La consécration interviendra en 2008, quand il est nommé membre du comité de direction de Renault, présidé par Carlos Goshn. La suite logique sera sa nomination, en 2012, à la tête de Renault Maroc, en tant que Directeur Général. Belle carrière pour un cadre, “pur produit  maison”.

 

BIO EXPRESS

1953 : naissance à Lyon
1972 : Bac C au Lycée Stanislas (Paris)
1978 : Diplôme de l’Ecole Nationale Supérieure de Pétrole et de Mécanique. Entrée à Renault
1985 : responsable bureau d’étude pour l’Alpine
1990 : directeur de projet Laguna 1
1994 : directeur de l’Ingénierie mécanique
1997 : Directeur d’Usine à Cléon
2002 : directeur de projet Clio 3
2007 : directeur de l’Ingénierie  mécanique   
2012 : DG Renault Maroc

 

L’ENTREPRISE

Renault est le leader du marché automobile, et est implanté commercialement au Maroc depuis 1928. En 2011, le Groupe Renault détient 37% du marché avec ses deux marques Dacia (n°1 sur le marché) et Renault (n°2 sur le marché). Le groupe possède le plus important réseau automobile au Maroc avec un réseau commercial de 64 sites. Renault dispose également d’un site de production à Casablanca, la Somaca (filiale détenue à 80% par Renault). En 2011, elle a commercialisé 19 145 véhicules pour la marque Renault, et 22 356 véhicules pour Dacia sur 112.165 ventes au total. En février 2012, l’Alliance Renault-Nissan a inauguré son usine de Tanger Med qui a une capacité de production de 400.000 véhicules par an.

 

LA FACE CACHÉE

La nature?
Je suis un passionné des plantes et de la nature. C’est là l’une des raisons de mon attachement au Maroc et à sa flore. Je suis revenu à de nombreuses reprises, comme touriste à Marrakech, Agadir et Essaouira. J’ai également été un grand collectionneur de bonzaïs par le passé.
Les voyages?
On allait surtout chercher le soleil. Nous nous rendions au Maroc, en Martinique, dans les îles Canaries, mais toujours dans un objectif de décontraction. Autrement, j’ai visité l’Europe. Par mon travail, je me rendais deux fois par trimestre au Japon, et une fois par an au Brésil et en Inde.
Les vacances?
J’ai une maison dans le golf du Morbihan. Là je fais du bateau, de la pêche et du ski nautique. Avec mes enfants, on pratique tout ce qui a trait aux sports de mer.
Le théâtre?
J’aime le théâtre de boulevard, pour m’aérer un peu. Autrement, j’aime voir des pièces d’acteurs célèbres. C’est plus un loisir qu’une activité intellectuelle.

 
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