Portrait

Le “pharmacien de guerre” devenu entrepreneur

C’est un bourlingueur qui a exploré le monde. Depuis son Maroc natal, il a terminé ses études à Paris pour revenir dans le monde des laboratoires pharmaceutiques. Entre pharmacien en zone de guerre, auditeur libre de psychologie et de marketing, il a su forger un “mental” d’entrepreneur.
Par  Noréddine El Abbassi

On ne va que là où la vie nous mène, et ce n’est pas le diplôme que l’on a décroché qui nous prédestine à une voie. Mohamed Karim El Fellah est l’un de ces pharmaciens qui n’ont exercé leur métier qu’en de rares occasions, et dans des missions bien spécifiques, à l’étranger, plus que dans une officine. A son contact, on a affaire à un homme au physique “local”, en chemise et jean, comme si le costume n’avait jamais été une option, malgré son entrée récente dans le monde des affaires. Dans sa manière de faire, c’est plus un “caméléon”, à l’aise dans toutes les situations et adaptable selon l’idée qu’un “marocain trouve son chemin dans tous les pays”.
Il est né en 1974, à Tétouan. “C’est un accident. Je suis né dans le Nord, au cours d’un voyage, et 48 heures plus tard, nous étions de retour à la maison”, explique-t-il dans un rire, presque surpris de ses remémorations. Karim est l’ainé des quatre fils d’un officier de l’armée et d’une cadre bancaire. Mais l’on a la culture de la discipline à la maison, ce n’est pourtant pas une caserne. “Mon père ne se mettait jamais en colère. Il était “carré”, mais il préférait la discussion et nous conseillait calmement. Il nous laissait faire notre chemin dans la vie, mais en cas de problème, on le trouvait à nos côtés sans que nous ayons remarqué qu’il nous suivait de loin”, dévoile-t-il dans une ouverture assez peu commune, comme ceux qui n’ont rien à cacher.

“Third culture kid” sur le tard

Dans son discours, il a une manière de faire qui se laisse emporter dans des chemins de traverse, des considérations sur la société dont il révèle une vision assez “conservatrice”. Karim est scolarisé dans l’école publique, au Lycée Hassan II. Ses loisirs tournent alors entre le sport et la lecture. Mais son choix se porte vers les études plus que le sport, et il passe ses classes sans problème. Pendant les vacances, la famille se réunit autour de sa tante, soeur jumelle de sa mère : “il nous est arrivé de les confondre. D’ailleurs, toutes les deux ont eu quatre fils,” remarque-t-il dans un éclat de rire franc. La vie est pleine de surprises remarque-t-il.
Son père sera affecté dans différentes ambassades du Royaume. Karim et ses frères le rejoignent à Madrid et à Las Palmas, pour deux années chacune. Puis après le Bac, en 1992, c’est à Moscou qu’il poursuit ses études de pharmacie. Il ne passe qu’une année et demi, pour apprendre le Russe, et au milieu de la seconde, il quitte la Fédération de Russie pour Paris. “Cela m’a appris beaucoup de choses. Déjà, on s’enrichit par les langues, puisque j’ai appris le Russe et l’Espagnol durant ma scolarité, mais aussi en matière de connaissance du monde”, analyse-t-il.

Débuts dans la vie professionnelle

Mais si Moscou, au lendemain de la chute du Bloc de l’Est est en pleine crise, Paris est loin d’être une “fête”. Karim doit devenir autonome très vite, et multiplie les emplois d’étudiants. Ce sera des jobs dans le BTP, ainsi que dans l’hôtellerie, comme veilleur de nuit. Là, c’est son multilinguisme qui l’aide à décrocher des petits boulots d’étudiants. Nous sommes en 1998 lorsque Karim décroche son diplôme de pharmacien. Il fait alors ses débuts comme assistant dans des officines, mais au détour d’une permanence de nuit, il est approché par l’association des Pharmaciens du Monde. L’appel de l’aventure se fait pressant, et il participe à différentes opérations humanitaires en Asie du Sud Est et en Afrique Subsaharienne. Ce sera une année et demi d’aventure, avant que les obligations familiales ne le rappellent à la “vie civile”.
Arrive 2004, et au moment où l’on propose à Karim d’obtenir la nationalité française, il rentre au Maroc. Là, il rejoint le laboratoire Novartis comme délégué médical. Il fait ses premières armes dans ce domaine, loin de son métier d’origine: “c’était un choix. Pendant mes années à Paris, je suivais les cours de marketing et de psychologie comme auditeur libre à l’Université Dauphine. Lorsque je suis entré dans la vie active, je poursuivis cet intérêt pour la gestion des produits”, explique-t-il tranchant, en ajoutant qu’il n’est rien de plus compliqué que de gérer l’humain.

Du marketing à l’entrepreunariat

Le virage s’opère en 2006, lorsque se présente à lui une aubaine au détour d’un congrès. “Je parlais espagnol, et je me suis retrouvé à discuter avec le directeur de Bayer. Nous avons discuté pendant plusieurs heures, et il m’a dit de venir le voir à son bureau le lendemain. Je pensais qu’il allait me proposer un poste de délégué médical, mais il m’a affecté au lancement de différents produits orientés vers la santé de la femme, en m’expliquant qu’il a remarqué mon intérêt pour ces questions,” commente-t-il, non sans une pointe d’humour. A ce moment, le programme de planning familial de l’Etat Marocain vient d’être lancé, et Bayer leur impose un objectif de 65 000 pilules. “C’était énorme. Nous proposions une pilule à 100 dirhams, en concurrence avec une autre subventionnée par l’Etat à 8, et avec pour seul argument qu’elle ne fait pas grossir,” explique-t-il. Karim relève tout de même le défi.
2011 sera l’année du changement pour une nouvelle entreprise. Cette fois, il s’agit d’intégrer des médicaments dans le processus de la dialyse. Karim doit faire face à des mésententes entre les différents laboratoires, et quitte l’entreprise. “Je voulais voir si tout ce que j’ai appris, en matière de savoir-faire, de connaissances personnelles et de compétences en marketing pouvait m’aider à lancer ma propre entreprise”, avance-t-il. A ce moment, il capitalise sur sa connaissance des produits de santé orientés vers la femme. Il lance alors plusieurs gammes de produits naturels. La recette commence déjà à prendre, et il a déjà des ambitions de développement: “par le passé, des laboratoires étrangers s’approvisionnaient en matières brutes pour faire toute la transformation chez eux, marketés sur Marrakech et les régions du Maroc. Le challenge était de proposer des produits de qualité égale, à des prix attractifs”, assène-t-il. Depuis, Karim multiplie les plateaux radiophoniques pour promouvoir sa marque. Après tout, le marketing c’est aussi beaucoup de promotion.

BIO EXPRESS

1974: naissance à Tétouan
1991: Bac au Lycée Hassan II de Rabat
1998: diplômé en Pharmacie
2004: délégué médical chez Novartis
2006: entrée chez Bayer dans le service marketing dédié à la santé de la femme
2011: entrée chez Fersinus
2014: lance Cosme Maroc

 
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