Les chroniques de Jamal Berraoui

Le poison de « la vérité alternative »

Hannah Arendt écrivait il y a plus de 50 ans « Quand les faits sont contestés la liberté d’expression devient futile ». Pour qu’il y ait un débat démocratique, il faut un consensus autour des faits établis.

Ce que nous avons vécu avec la présidentielle américaine, où le noyau dur des Trumpistes continue à contester l’élection alors même que 60 procédures ont été rejetées par la justice américaine pourtant réputée indépendante et ce, aussi par des juges nommés par Donald Trump, n’est pas un événement isolé aussi colossal soit-il.

Le complotisme a réussi à fabriquer le concept de vérité alternative. Ce concept signifie que la vérité, même prouvée scientifiquement comme pour le port du masque ou la distanciation, judiciairement comme pour les élections, n’est pas la vérité, qu’il en existe une autre occultée par les élites, le système, la presse et depuis peu les réseaux sociaux. La vérité alternative c’est la négation de tout débat. Pour ses tenants, la vérité c’est ce qu’ils croient, point barre. Il n’y a pas pire fanatisme. Facile de manipuler ces gens qui n’ont plus aucun esprit critique. Le complotisme a fait œuvre utile en faveur du fascisme. Les institutions américaines ont tenu cette fois, mais rien ne permet de prédire qu’un nouveau coup de boutoir est exclu.

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Le drame, c’est que ce poison est déjà présent dans plusieurs démocraties occidentales. Ce que l’on a considéré comme un mouvement antisystème, qui peut trouver sa justification dans le déclassement d’une partie de la population par la mondialisation, est supplanté par le refus de toute rationalité, le rejet de tout consensus autour de faits avérés. Ce schisme est un drame parce que ces fanatiques sont irrécupérables, qu’ils s’autoalimentent par des théories du complot, souvent risibles pour les gens normaux.

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Les réseaux sociaux ont joué un rôle important dans la propagation de ce virus. Ils ont laissé prospérer des discours haineux, des fables comme la pédophilie généralisée de l’establishment et des appels à la sédition. Ils se sont réveillés le 6 janvier après l’attaque du Capitole. Un peu tard, parce que le ver est déjà dans le fruit.

 
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