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“Les dossiers de crédit ne sont plus rejetés comme avant”

 Même si le problème ne se pose plus avec acuité grâce aux mesures de garanties prises par l’Etat ces dernières années, il n’en demeure pas moins que les PME rencontrent encore des difficultés au niveau de l’accès au financement. Hassan Belatik, directeur Marketing Entreprise et Pilotage de BMCE Bank, décrypte les zones d’ombre à éviter pour faire aboutir son dossier de crédit auprès des banques. Propos recueillis par Roland Amoussou

Challenge. L’accès au financement constitue toujours la bête noire des PME. Quelles sont les démarches qu’on demande aujourd’hui à un patron de PME pour obtenir un crédit ?

Hassan Belatik. L’accès au financement ne constitue plus aujourd’hui le problème majeur des PME à mon avis. Je pense que la problématique du financement ne se pose plus avec acuité comme par le passé. Et il y a plusieurs raisons qui peuvent expliquer cela. Toutefois, cela ne veut pas dire que ce problème n’existe pas. Le fait qu’aujourd’hui, les banques soient conscientes qu’elles ne peuvent accroître leur rentabilité qu’en s’adressant et en élargissant le spectre de leur intervention de sorte à ne plus se focaliser sur les grands groupes, est important. Donc, les banques n’ont pas le choix. Aujourd’hui, elles ont pleinement compris qu’elles doivent diversifier leurs sources de rentabilité en allant de plus en plus vers les PME. C’est une volonté claire des banques de s’adresser à cette clientèle, parce que c’est une obligation pour nous sur un plan stratégique. Le deuxième point, c’est le rôle de l’Etat qui a atténué l’intensité de la problématique de l’accès au financement des PME. L’intervention de la Caisse Centrale de Garantie(CCG) joue un rôle important parce que le fait de disposer d’un moyen de garantie étatique permet à la banque d’être beaucoup plus souple. Je prends en considération notamment, des mesures comme la garantie Crédit Express pour tout crédit inférieur à un million de DH. Aujourd’hui, on a plus de facilité à accorder ce genre de crédit. Le fait aussi d’avoir clairement défini ce que c’est qu’une PME facilite également les choses, parce qu’on avait ce problème par le passé. Quand on parlait de PME, chaque banque avait sa définition à sa guise. 

C. Si un patron de PME veut s’adresser à une banque pour contracter un crédit aujourd’hui, quelles sont les procédures auxquelles il doit se soumettre ?

H.B. Il faut savoir que quand on s’adresse à une entreprise, il n’y a pas d’élément standard à demander. C’est d’ailleurs pourquoi tous les dossiers de crédit sont précédés par une visite qu’on effectue au niveau de l’entreprise, et une entrevue avec le patron de l’entreprise ou le directeur financier. Et donc sur la base de cet entretien, il y a un certain nombre de demandes que la banque fait. Il y a un minimum syndical qui est demandé. Aujourd’hui, je ne peux pas accorder de crédit si je n’ai pas, par exemple, les deux ou derniers bilans de la PME. C’est une exigence réglementaire. Quand il s’agit d’une entreprise en création, alors là, il faut forcément le business plan, ou des projections sur les années à venir sur l’évolution de l’activité. Parmi le minimum de documents exigés figure aussi le registre de commerce, pour s’assurer que l’entreprise à laquelle la banque est en train de donner de crédit existe réellement. Le reste, c’est en fonction de la catégorie de crédit demandé. Un crédit de promotion immobilière, par exemple, est un peu plus compliqué en termes de documents à fournir ( les différentes autorisations, le permis de construire etc). Toutefois, malheureusement dans un certain nombre de structures bancaires d’agence, qui ne sont pas suffisamment outillées, les gens continuent de raisonner en standard, c’est-à-dire, quelle que soit l’entreprise, on demande un maximum de documents pour, après, se charger du tri. Le minimum que moi je demande, c’est le bilan, le registre de commerce et le statut de l’entreprise pour savoir qui est habilité à faire quoi dans l’entreprise. Cela, parce que je dois savoir si celui qui fait la demande de crédit est bien habilité à le faire. Il y a aussi d’autres informations que je peux demander et qui vont me permettre de mieux apprécier le risque quel que soit le client. Je peux, par exemple, demander la liste de ses clients et de ses fournisseurs. Et il y a aussi la question des garanties, c’est-à-dire ce que l’entreprise est prête à mettre en place pour couvrir le risque que je prends avec elle. Donc généralement, on est sur ce minima qui est la documentation comptable et juridique( bilan, registre de commerce et autres). 

C. Pour une PME qui arrive à fournir ces documents, quelles sont ses chances de décrocher un crédit ?

H.B. Il faut savoir que ce n’est pas parce qu’une entreprise a fourni les documents exigés que cela veut dire que sa demande de crédit est acceptée. Les papiers représentent juste un support pour apprécier la situation de l’entreprise. Après examen de dossier, une banque peut être amenée à refuser une demande de crédit. Par exemple, si lors de l’examen du dossier, je constate que la structure est très endettée et que je trouve que l’entreprise est faiblement capitalisée, cela peut représenter un motif de refus. Aujourd’hui, je ne peux pas être en face d’une demande de crédit de 20 millions de DH alors qu’au niveau de la capitalisation, l’entreprise, en capitalisation, est au minima légal de 100000 DH. Cela veut simplement dire que c’est la banque qui devient le vrai actionnaire de cette entreprise. Dans la banque, nous partons sur une vision de partage de risque, la banque n’a pas vocation à remplacer l’actionnaire ou les actionnaires de l’entreprise. Aujourd’hui, les dossiers de crédit ne sont plus rejetés comme auparavant. Par exemple, une PME qui vient demander du crédit alors qu’elle a un souci avec le fisc, et bien la formule est simple: on lui dit que le dossier sera accepté à condition qu’elle aille régler ce problème d’abord. Cela ne nous fait pas tellement plaisir de refuser un dossier, tout simplement parce que refuser un dossier est une charge, car il y a eu des personnes qui ont travaillé sur ce dossier depuis son dépôt à l’agence, jusqu’au processus final. La marge de crédit représente tellement dans le bilan d’une banque qu’on a de choix que de donner de crédit. A la BMCE Bank, le taux de refus de dossier de crédit ne doit pas dépasser les 5%. Cependant, je peux refuser un dossier en expliquant à mon client que c’est dans son intérêt, dans le cas où je constate que ses projections d’investissement ne tiennent pas la route. 

C. En dépit des garanties accordées, les PME continuent de se plaindre quant à l’accès au financement. Qu’est-ce qui explique la réticence des banques ?

H.B. A mon avis, la responsabilité à ce niveau est partagée. Dans un premier temps, le principal problème se trouve au niveau de la communication. Aujourd’hui, quand on fait le tour des PME, on se rend compte que très peu d’entre elles sont au courant de ce que peut offrir la CCG. Les patrons de ces structures ne sont pas forcément informés de tout ce qui peut leur permettre d’avoir facilement accès au crédit. En deuxième lieu, il y a aussi un problème de transparence. On est souvent en face d’entreprises dont les états financiers ne reflètent pas leur niveau d’activité réelle. Il faut aussi qu’au niveau des banques, qu’on fasse en sorte que le client puisse parler d’une manière transparente de ses problèmes. Il y a aussi un problème de structure. Certaines PME sont faiblement structurées, c’est-à-dire que vous avez le chef d’entreprise qui est en même temps le trésorier, en même temps le directeur des ressources humaines etc. 

C. Chez BMCE Bank, combien de PME comptez-vous financer cette année ?

H.B. Moi, quand j’entends certaines banques annoncer qu’elles vont financer un tel nombre de projets par an, ça me fait juste rire, parce que c’est un effet d’annonce. Nous, nous avons une stratégie claire pour servir les clients. Bien sûr, nous respectons la stratégie des autres banques qui adoptent ce créneau. Aujourd’hui, la BMCE Bank, entre 2010 et 2013, a doublé son portefeuille PME, grâce à une stratégie mise en place en 2010 sur 3 ans que nous avons appelée Pack PME. Et nous continuons à développer cette stratégie parce que l’avenir de la banque et aussi du pays passe par le développement de la PME. Ce qui est plus important pour nous, ce n’est pas seulement de donner du crédit au client, mais aussi un accompagnement. Nous avons instauré ce qu’on appelle le Club PME. C’est un concept de formation et d’échange, en partenariat avec les universités marocaines, pour sensibiliser nos clients sur tout ce qui se fait au niveau de la banque. Nous sommes aujourd’hui à plus de 150 entreprises formées. Nous faisons aussi des formations sur les autres instruments de financement, car, en général un patron de PME pense directement à la banque dès qu’il a un souci de financement, alors qu’il y a d’autres modes de financement, comme le leasing qui peuvent également l’aider.  

 
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