Interview

« Les femmes représentent 40% de notre effectif global »

Miloud Chaâbi, Président fondateur de Ynna Holding

Son groupe qui emploie près de 20.000 collaborateurs semble opter pour une féminisation de son Top management. Le Président fondateur de Ynna Holding a ses raisons.

Challenge. De la filiale tunisienne en passant par celle de l’immobilier «Chaâbi Lil Iskane» et du BTP «Travaux Maroc», jusqu’à la Direction Générale de Ynna Holding, vous avez porté des femmes à la tête de ces entreprises de votre Groupe. Pourquoi ? 

Miloud Chaâbi. Tout simplement parce qu’elles le méritent. Elles ont bataillé dur, et certaines dans des domaines pas forcément « féminins », ont fait preuve de détermination et se sont illustrées pour arriver là où elles sont aujourd’hui.

 C. L’année dernière également, vous avez nommé Sarah Kerroumi au poste de Secrétaire Générale de Ynna Holding, le n°2 de votre groupe. Qu’attendez-vous aujourd’hui de cette féminisation de votre Top management ?

M.C. Ce n’est pas seulement une féminisation, les chiffres le prouvent, les entreprises qui comptent plus de 30% de femmes au sein de leur comité de direction affichent des performances nettement meilleures que les autres. Non que les femmes soient de meilleurs managers que les hommes, ou que leur style de leadership soit différent et plus adapté, l’objectif n’est pas de les favoriser, mais de sélectionner la personne la plus qualifiée pour le poste. Et, il ne faut pas le nier, les femmes peuvent apporter à nos entreprises leurs parcours individuels, leur niveau de formation et les compétences que nous recherchons. Trouver les meilleures compétences est un enjeu stratégique.

C. Quel est alors l’apport des femmes au sein de votre groupe ?

M.C. Sans tomber dans une logique de justification de la présence des femmes dans l’entreprise, leur apport a un impact sur l’ambiance au travail et le style de management. La collaboration « femmes/hommes », comme dans la vie de tous les jours, suscite l’innovation, et mène à la performance…humaine.

 C. Ynna Holding aujourd’hui, c’est 20 000 collaborateurs. Quel est le pourcentage de femmes parmi ce personnel qui ne cesse de croître ? Considérez-vous votre groupe parmi ceux qui comptent un pourcentage des femmes le plus élevé des entreprises du Royaume ? 

M.C. Effectivement, Ynna Holding compte 20.000 collaborateurs et aussi collaboratrices. Le pourcentage des femmes varie selon les corps de métier. Dans certains secteurs, comme l’hôtellerie ou la grande distribution, nous atteignons une parité équitable autour de 45%, quand on sait que les femmes représentent 51% de la population marocaine. Le taux varie selon les secteurs d’activité, mais en moyenne, les femmes représentent 40% de l’effectif global. Le Haut commissariat au plan (HCP) affichait dans son rapport de 2011, un taux d’activité féminin de 25%, je pense que oui, Ynna Holding compte un pourcentage de femmes parmi les plus élevés des entreprises au Maroc et à l’international.  

 C. Jusqu’où comptez-vous aller de votre politique de nominations de femmes à des postes hautement décisionnels au sein de Ynna Holding et de ses filiales ? 

M.C. Nous devons notre réussite au dévouement et à l’implication de nos collaboratrices et collaborateurs, et nous continuerons à nous fier à nos valeurs, et à encourager la compétence. Comme vous le savez, Ynna en berbère signifie « maman ». Cette appellation n’est pas fortuite, le rôle de la femme a toujours été prépondérant dans la vie quotidienne et active. Ce que vous appelez politique de nomination, nous le vivons comme une réalité qui s’est imposée de façon naturelle. De nombreuses femmes font le succès de notre Groupe, à travers le Maroc, mais également à l’international, et sont nommées depuis de longues années, ont gravi les échelons à force de travail et de sérieux : directrices d’hôtels, ressources humaines, marketing, qualité, communication….elles sont partout. 

C. Une de vos filiales, notamment Aïn Soltane, associe souvent son image aux femmes d’exception, comme c’est le cas avec l’alpiniste Bouchra Baibanou dans sa quête des 7 plus hauts sommets du monde et de Samira Bennani, membre de la WMC « Women In Motorsport Commission » au sein de la Fédération Internationale Automobile FIA. En mettant en avant ces femmes rayonnantes, faut-il seulement y voir des visées commerciales et marketing ? 

M.C. On peut dire qu’on fait d’une pierre deux coups. Nous accompagnons ces femmes dans leurs expériences et dans la réalisation de leurs rêves, nous partageons leurs valeurs. Elles mettent leur énergie et leur talent au service de leur passion et de leur engagement et grâce à leur remarquable parcours, elles contribuent à faire évoluer les mentalités. L’association de Aïn Soltane, porte haut les valeurs partagées par ces femmes, mais aussi par des hommes comme Mehdi Bennani, Hicham Lahlou…

C. D’après votre expérience, comment définiriez-vous le management des femmes comparativement à celui des hommes ? 

M.C. Il n’y a justement pas de différence ou de regard à apporter sinon, nous tombons dans les stéréotypes. Nous sommes une entreprise apprenante. Nous essayons de nous adapter continuellement à notre environnement, de progresser en élevant les compétences des individus mais aussi en augmentant la compétence collective des équipes. Et à ne pas être dans un modèle qualifiant en engageant les efforts uniquement sur l’augmentation des compétences individuelles. 

C. En tant que père et patron, que pensez-vous de la parité ? 

M.C. La parité est ou n’est pas. Elle ne concerne pas seulement un pourcentage, elle concerne des droits, des acquis, et une neutralité initiale. En tant que patron, la compétence prime sur l’objectif de la parité… La vraie parité chez nous, c’est que « A compétence égale, salaire égal », que ce soit femme ou homme, junior ou Sénior… Les valeurs du travail et du mérite sont primordiales, en témoigne mon parcours personnel. En tant que père, les mêmes valeurs s’appliquent.

C. Le Maroc a connu des avancées en matière de droits de la femme, quelles sont aujourd’hui, selon vous, les prochaines étapes à franchir ? 

M.C. Avec toutes les réformes initiées par le Maroc, la reconnaissance par la Constitution de la diversité et la pluralité de l’identité marocaine et le rôle de la société civile, la promotion des droits des femmes pose un grand défi dans la réalité, notamment au niveau de la mise en œuvre des dispositions de la nouvelle Constitution, de la consolidation de la représentativité des femmes au niveau politique et économique. Au niveau de l’entreprise, l’équité de la parité repose sur des mesures concrètes. 

C-En ce 8 mars 2014, journée internationale de la femme, que diriez-vous à toutes ces femmes qui travaillent au sein d’Ynna Holding et au reste du pays ? 

M.C. Je suis fier de mes collaboratrices, de toutes ces mères qui bousculent les codes et participent activement à l’éducation des générations futures…et à ma femme. Pour résumer votre question, je vous dirais qu’à la maison, on l’appelle «La Présidente du Président ». 

C. Avez-vous prévu un geste symbolique à leur égard ? 

M.C. Je sais, de loin, que les filiales organisent chacune à son niveau des actions pour les collaboratrices, mais aussi pour nos partenaires. Ceci dit, on n’a pas besoin d’un jour pour célébrer la femme, on la célèbre tous les jours, en atteignant cette parité pas seulement dans les pourcentages, mais surtout dans les conditions de travail et les avantages sociaux. 

 
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