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Londres, à la conquête de la Finance Islamique

Londres a abrité, à partir du 29 Octobre 2013 la 9ème édition du World Islamic Economic Forum (WIEF) avec comme thème de cette rencontre «un monde en changement, de nouvelles relations». Fait majeur en Europe: c’est la première fois qu’un pays non musulman a pris cette initiative en accueillant le WIEF ; 1800 personnalités du monde entier y étaient conviées et le Maroc a été représenté par son Chef de gouvernement, M. Benkirane accompagné d’une importante délégation d’hommes d’affaires et de banquiers.

E

n fait, depuis plusieurs années, la Grande Bretagne a déployé d’énormes initiatives pour attirer des fonds du Moyen-Orient et de l’Asie. Elle veut ainsi concurrencer Dubaï et Kuala Lumpur, en Malaisie, deux plateformes qui constituent le cœur névralgique de cette industrie. C’est que l’enjeu est de taille. Lorsqu’on sait, comme l’a signalé M. Cameron, Premier ministre Britannique, dans son discours inaugural que « les investissements islamiques, au niveau mondial, devraient atteindre 1300 milliards de livres sterling en 2014, nous devons nous assurer qu’une part de ces investissements, s’effectue en Grande Bretagne », l’on comprend l’intérêt et les convoitises des institutions financières occidentales pour ce marché en particulier, en face d’un secteur financier conventionnel en crise et une finance islamique qui connait des taux de croissance annuelle de 10 à 30%. Pour le seul cas de l’Angleterre, ce secteur croît, aujourd’hui de 50% de plus que celui des banques classiques. En plus, plus de 20 banques offrent à la communauté musulmane installée en G.B. des services bancaires et financiers compatibles avec les prescriptions de la Chariâa, services qui empêchent l’implication dans des investissements spéculatifs, la perception d’intérêt ou des placements dans des secteurs considérés « haram » (illicites). En plus, pour favoriser ce marché, M. Cameron a annoncé la création d’un indice islamique à la bourse de Londres avec le lancement des premières obligations islamiques (sukuks), pour un montant de 200 millions de livres. Cet indice concernera les entreprises se conformant aux principes d’investissement islamiques, ce qui signifie que ces sukuks seront adossés à des actifs où c’est l’apport en capital qui est rémunéré et ce, pour contourner la règle de l’intérêt.

Abdelilah Benkirane, Chef du gouvernement, faisant son discours au World Islamic Economic Forum (WIEF).

Naissance institutionnelle de la Finance Islamique 

C’est l’organisation de la Conférence Islamique (OCI) à travers sa principale structure financière : la Banque Islamique de Développement, qui sont à l’origine du lancement de ce système très centralisé, depuis ses débuts au niveau des pays du Golf. La première banque islamique a vu le jour, en 1975, à Dubaï. En 2001, l’OCI a décidé de l’installation à Bahreïn du siège de l’Islamic International Financial Market (IIFM). Ce Sultanat abrite également le siège de l’Accounting and Auditing Organisation for Islamic Financial Institutions (AAOIFI), association privée à laquelle adhèrent la plupart des banques islamiques du monde. Sa principale vocation est de déterminer les règles de fixation des ratios de solvabilité des institutions financières opérant dans cette industrie. Concomitamment, la Malaisie se positionnait pour prendre le leadership. En Juin 2002, c’est ce pays qui créa, pour la première fois un nouveau produit « Ijara Sukuk » qui était la première obligation souveraine islamique internationale et avait également la caractéristique d’être échangeable sur le marché secondaire. Depuis, la Malaisie est devenue pionnière dans le domaine de l’économie «chariâa compatible ». C’est elle qui a accueilli l’édition inaugurale du WIEF qui a eu lieu à Kuala Lumpur en 2005. Les bureaux de l’International Islamic Liquidity Management Corporation, une institution créée en 2010 pour développer des instruments financiers de court terme et accroître les investissements islamiques, sont également basés en Malaisie. Mais surtout, la Malaisie a été choisie en 2002 pour héberger le siège de l’Islamic Financial Services Board qui est l’organisme international officiel de supervision des organismes financiers islamiques.

Et le Maroc ?

Si le PJD a fait de la création de banques islamiques l’une de ses priorités, au niveau financier, puisque, M. Nizar Baraka, ex. Ministre de l’Economie et des Finances, avait annoncé, pour octobre 2013 les premières autorisations de ce genre d’institutions au Maroc, à ce jour, le texte de loi les concernant n’a pas encore vu le jour et c’est ce cadre législatif et réglementaire spécifique qu’il faudrait instituer pour développer la finance islamique, surtout que nous sommes en face d’un marché porteur. En témoignent les résultats de l’étude entreprise, en Juin 2012 par le cabinet Français IFAAS (Islamic Finance Advisory and Assurance) pour les banques de l’intérêt de la population marocaine pour les produits financiers islamiques. Résultat: 94% de Marocains sont favorables à l’idée d’épargner leurs avoirs dans les banques islamiques. 

Abdelfettah ALAMI

 
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