Politique

Maghreb : l’Europe devrait cesser de se penser comme une forteresse

Pendant longtemps, l’Europe s’est d’abord pensée comme «centre du monde». Au cours des dernières décennies, elle se pense comme «forteresse ». L’histoire est cette grande école qui nous apprend qu’aucune civilisation humaine n’est éternelle.

L’Institut Montaigne vient de publier une «note», au mois de mai, sous le titre «La stabilité du Maghreb, un impératif pour l’Europe» (1). Cette note, rédigée par Hakim El Karoui, senior fellow de l’Institut Montaigne, est basée surtout sur l’observation des mutations récentes des rapports internationaux des trois pays du Maghreb: le Maroc, l’Algérie et la Tunisie. Le devenir du «petit Maghreb» formé des trois Etats, impacte nécessairement l’évolution de l’Union Européenne (UE). Autrefois, pour l’Europe, le «monde» était limité presque à la «Mare Nostrum» (Mer Méditerranée en latin). Aujourd’hui, c’est plutôt dans le spatial que s’affrontent les grandes puissances. Habituée à dominer, actuellement irrémédiablement en recul, l’Europe cherche aujourd’hui à se protéger, tout en conservant ses intérêts dans le monde. Pour l’auteur de la note, la relance européenne ne doit surtout pas oublier «l’étranger proche», concept stratégique utilisé par la Russie post soviétique pour désigner les Etats de l’ex URSS devenus indépendants.

Lire aussi | Le renseignement militaire espagnol avait alerté Pedro Sanchez que le Sahara est un «casus belli» pour le Maroc [Rapport]

Mais le Maghreb ne devrait pas continuer à être perçu comme un simple «pré carré européen». Au cours de la décennie 2010-2020, un changement politique profond semble être amorcé en Tunisie et au Maroc, contrairement à l’Algérie qui, malgré sa guerre civile, demeure régie par un régime militaire rigide, survivant grâce à la rente pétrolière dont une importante quotepart est destinée à l’armement. La crise de 2020 a accentué les fragilités des économies du Maghreb. Comment sortir de cette crise conjoncturelle tout en entamant des changements structurels ? Tel est le principal défi partagé par les trois pays. L’Europe sera-t-elle indifférente, opposée ou au contraire active et favorable à ce défi ? L’auteur lie le destin de l’Europe à celui des trois pays du Maghreb central. Les connexions entre nord et sud de la Méditerranée sont très fortes.

Lire aussi | Le saoudien Amiantit prend le contrôle d’Amitech Maroc

Le Maghreb est de plus en plus, à l’instar de l’Afrique dont il fait partie, un terrain de compétition entre les grandes puissances que sont les Etats Unis d’Amérique, la Russie et la Chine. Hakim El Karoui met surtout l’accent sur l’instrument financier pour appuyer les pays du Maghreb dans leur sortie de la crise. Pour lui, le «risque maghrébin» est en même temps un «risque européen», compte tenu de «l’imbrication des peuples et des économies». En cas de déstabilisation de l’un des pays du Maghreb, les réactions en chaîne seront quasi-automatiques : «émigration, risque islamique, intervention d’autres puissances», à cause du vide ou du silence de l’Europe.

Aussi, celle-ci devrait être plus attentive à la situation de son «étranger proche» et trouver des solutions qui ne sont pas seulement financières, pour contribuer à la stabilité de ces pays. Il s’agit du bien-être des populations et plus seulement du soutien traditionnel aux régimes politiques en place, gardiens des intérêts néocoloniaux. L’aide externe est complémentaire au potentiel interne de chaque formation sociale dans sa propre dynamique de développement. L’UE devrait ainsi apprendre et accepter de traiter en vrais partenaires égaux ses voisins du Sud.

1) Institut Montaigne. «La stabilité du Maghreb, un impératif pour l’Europe». Note. Mai 2021

Le Maghreb une réalité dynamique et complexe

Le Maghreb est souvent vu, à partir de l’Europe, sous le prisme de l’immigration, de l’islamisme, et donc du risque terroriste. C’est là un trio infernal qui nourrit les thèses des tendances d’extrême droite en Europe. En fait, ce prisme est d’abord une source de préjugés. La chute du Mur de Berlin, en 1989, a fait basculer l’Europe occidentale vers l’Europe Orientale, sans pour autant déclencher une profonde et irréversible libéralisation des pays de l’ex-bloc de l’Est. Actuellement, avec le retrait récent du Royaume Uni (Brexit), l’UE s’est retrouvée affaiblie et minée de l’intérieur par les tendances politiques d’extrême droite qui ont le vent en poupe, en fait un peu partout dans le monde, y compris dans de grands pays du sud, faisant partie de ce qu’on appelait juste hier, les BRICS : Inde et Brésil, sans oublier l’Amérique de Trump, vécue comme un cauchemar dans le monde. L’intensification des flux migratoires et des flux de réfugiés a renforcé ces tendances politiques d’extrême droite et a alimenté leur argumentaire. Pourtant l’Europe est, de toute évidence, condamnée sur le plan démographique. Les deux seuls remèdes au vieillissement de sa population ne peuvent être que les progrès des nouvelles technologies et l’acceptation de flux migratoires régulés et progressivement intégrés.

 
Article précédent

Le Fonds d'investissement de la région de l'oriental poursuit ses investissements

Article suivant

Tourisme : la France autorise les voyages à destination du Maroc