Portrait

Manager hôtelier passionné

Il est entré dans l’hôtellerie par hasard, mais s’est fait hôtelier par passion. Ce cadre financier a progressivement accumulé de l’expérience pour tenir, aujourd’hui, le navire amiral du groupe Accord à Marrakech.  

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’aucuns sont convaincus que c’est la vie qui distribue les cartes, et qu’il nous appartient de les jouer. Les opportunités qui se présentent à nous dépendent rarement  de nos choix. Mais les assumer est à coup sûr, une clé de succès. C’est un peu la fable du labyrinthe de Descartes: une fois dans un dédale, il faut choisir une seule et même direction jusqu’à en voir le bout. C’est une conclusion plausible que l’on peut tirer du parcours d’Ahmed Benkirane. Voilà quelqu’un qui, entré par hasard dans un secteur, ne cherchera pas à en  sortir, mais au contraire poursuivra dans la même branche. 

Il est né en 1971 à Rabat, dans une famille de sept enfants et dont il est l’ainé. Son père est à l’époque enseignant à l’Ecole Royale Forestière de Salé. Rabat est la capitale   politique administrative du pays, qui n’avait rien à voir avec celle qu’elle deviendra, quatre décades après. Elle offrait l’avantage d’une cité calme et aérée, loin du tumulte d’une ville industrieuse et plutôt orientée vers le savoir universitaire. L’environnement du jeune Ahmed est d’autant plus studieux que dès sa jeune enfance, la famille est logée et vit au sein du domaine verdoyant où est située l’Ecole Forestière: “c’était une école qui formait des techniciens en Eaux et Forêts, proche d’une petite forêt et de l’Ecole d’Ingénieurs affiliée. Cette dernière accueillait des jeunes bacheliers, venus des différentes régions du  Maroc, et la scolarité nécessitait trois années d’études. Sa particularité était son régime militaire,” explique-t-il, posément. L’école dépendait donc de l’armée, et tout naturellement, son père est un officier de l’institution. L’autre “particularité” était que, souvent dans ce type de familles de militaires, l’éducation est très stricte et les parents ont le souci d’inculquer à leur progéniture, une rigueur à toute épreuve. Mais Ahmed a la chance de côtoyer également, des élèves gardes forestiers, de conditions sociales différentes, et d’horizons divers. Ces derniers étaient certes plus âgés que le jeune Ahmed et ses camarades avaient l’avantage de proposer de fait, une vision plus mûre du monde. Même si dans un sens, tous vivaient en vase clos. Pendant les week-ends, tous les élèves profitent des infrastructures sportives de l’école. Tout comme ils peuvent assister les dimanches aux matchs inter-écoles qui les confrontent aux autres établissements dépendant du Ministère de l’Agriculture, dans d’autres villes du Royaume.

 

Un pur produit du système public 

Les vacances constituent pour Ahmed l’occasion de sortir de ce cadre, plutôt restreint et de découvrir d’autres horizons. Ce sont les colonies de vacances qui offrent cette opportunité. Nous sommes en 1980, et le jeune Ahmed, en profitera fera plusieurs fois, jusqu’en 1984. D’ailleurs, il a tellement apprécié cette activité, qu’il décidera de la continuer, passant de l’autre côté et devenant, lui-même, moniteur de colonies. 

Mais il a également une autre grande passion, le football, qu’il pratique dans le club phare de Rabat, le Fath. Quoi que, scolarisé dans les écoles du système public de Salé, il fait le déplacement quotidien de l’autre côté de Bouregreg et pendant la pause déjeuner, pour participer aux entraînements du club. C’était la grande  période du football des années 80, quand des stars du ballon rond déplaçaient les grandes foules, tels Khalid Labiad et Ben Aïssa. Mais ses parents sont également et surtout soucieux de ses performances académiques, et veillent à ce qu’il obtienne de bonnes notes à l’école. Mais en fait, il passe de classe en classe sans problème. Il est déjà fixé sur les études qu’il entend poursuivre. Ce sera  l’Economie. Ahmed quitte alors le Lycée Plateau pour Ibn Al Khattab, où il peut opter pour les Sciences Economiques. Il obtient son bac en 1990, et entame à l’Université Mohammed V , les études, celles qu’il avait programmées. Dès lors, il a plus de liberté, même s’il continue à vivre avec sa famille dans les parages de l’Ecole des Eaux et Forêts. Il se frotte au monde universitaire et apprécie le fruit de la rigueur de son éducation. Il réussit donc les différents examens sans problèmes. Il obtiendra sa licence en économétrie en 1995. Le premier stage professionnel se fera à Marrakech, à Dar Si Aïssa qui compte un complexe touristique et de vente d’objets d’artisanat. Il restera  avec le groupe qui se porte acquéreur d’un hôtel à Fès, le Manzah Zalagh. C’est dans cette entité qu’il fera carrière, d’abord comme responsable financier, puis comme responsable du développement financier. “J’ai beaucoup appris dans ces deux structures. D’une part, avec les professionnels qui géraient l’entreprise, d’autre part, en matière de connaissance des métiers du service et de l’hôtellerie”, analyse-t-il, reconnaissant. 

Hôtelier, de la finance à l’exploitation 

Peu de temps avant de se marier, au détour d’une rencontre avec un responsable du groupe Accord, il obtient un entretien d’embauche. L’offre qui devait déboucher sur un emploi à Fès, finira par une embauche au siège sociale du groupe à Casablanca. Ahmed fait ses débuts dans le service financier du groupe, et doit s’adapter au fonctionnement des firmes multinationales : “chassez le naturel, il revient au galop. Mon éducation m’avait formé à la rigueur, et même si c’était difficile, je me suis mis à niveau.” Il fait carrière au siège du groupe, en tant que cadre financier. L’année 2000 verra la naissance de son premier enfant, auquel s’adjoindront deux autres garçons, cinq années et dix années après. Ahmed Benkirane accompagne l’entreprise dans son développement et son repositionnement. Le siège sera d’abord déplacé à Rabat avant d’être ramené à Casablanca. Ahmed enchaîne les missions d’audit dans la quinzaine d’hôtels que comprend le groupe et en fin de compte se prend de passion pour le métier d’hôtelier. Tout naturellement, il postule pour la fonction de directeur financier dans un établissement. Son souhait se réalise en 2004, au Sofitel d’El Jadida. A cours de cette première expérience, il apprend les rudiments de l’exploitation, avant d’assumer, officieusement, la fonction de DGA. Il aspire à progresser, et il est appelé au siège, à mettre en place de nouveaux outils informatiques de gestion financière du groupe. Plusieurs propositions lui sont faites, mais sans suite. Il revient à la direction administrative et financière d’un hôtel, le Sofitel de Marrakech au moment où Hamid Bentahar prendra la direction des Sofitel du Sud. A ce moment, il occupe les fonctions de DAF pendant trois années au cours desquelles il perfectionne sa connaissance du métier. Arrive 2011, quand Ahmed Benkirane devient enfin directeur d’exploitation en charge de la finance et de l’hébergement. Il se prépare progressivement à prendre la direction de l’hôtel, à laquelle il est appelé en 2012. Tout arrive à point à qui sait attendre.  

 

 
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