Portrait

Manager industriel, «restructurateur» d’entreprise

On l’imaginerait plus en Mousquetaire à la cour de Louis XIV que dans un atelier. Après une carrière dans l’industrie, ce fils d’ingénieur et d’une baronne Allemande accompagne les entreprises dans leur « accélération industrielle » annoncée par My Hafid Elalamy. Par  Noréddine El Abbassi

Rencontrer Salim Rabbani, c’est faire la rencontre d’un homme «entre deux mondes». Avec l’apparence d’un Chevalier Teutonique, il est sportif, musclé et s’exprime dans un dialecte régional affirmé d’un pur natif du pays. Cette double culture, Salim la tient de ses parents. Son père est l’un des premiers Ingénieurs, natifs de Fkih Ben Saleh. Il est vrai qu’il était orphelin, mais fils de Cadi et fera partie de ces élèves «élus» qui fréquenteront l’ Ecole des fils de notables et qui deviendra le premier lycée marocain de Casablanca. La mère de Salim, Gotelinde, est une baronne allemande dont le parcours est marqué par l’histoire. Déjà son grand père, un homme de loi et farouche opposant à Adolf Hitler, finira sa vie handicapé suite à un passage dans les camps de concentration. Tandis que son baron de père, lui, sera envoyé mourir sur le front russe. Autant Salim est pudique à l’évocation de l’histoire de sa famille, autant il est à l’aise quand il s’agit de parler de l’Allemagne nazie et de sa responsabilité: «Hitler était dangereux. Ce que mon arrière grand père avait bien compris et j’approuve son comportement. C’est à cause de ce dictateur que les allemands ont mangé des patates durant 10 ans pendant et après la Guerre», affirme-t-il, la voix grave et rocailleuse. Mais dans son récit, une impression de puissance enfouie.
Le jeune Salim verra le jour à Casablanca, plus précisément dans le quartier de la Cité de l’Air. C’est là qu’il grandira avec son frère ainé. «Nous étions dans une zone frontière entre Hay Hassani et le CIL. D’un côté, les classes populaires, de l’autre, l’enclave bourgeoise et européanisée», se remémore-t-il. Mixité encore une fois. Mixité sociale et pourtant atypique, dans le système de la Mission française où il est scolarisé. «Il y avait des groupes, un peu comme ce qu’il y a aujourd’hui. Il y avait les français, les marocains, et les enfants de couples mixtes. Moi, je fréquentais surtout les boursiers marocains. Ces derniers «formaient» un club fermé, mais lorsqu’on donne un ballon de foot à un gars, on sait s’il «en est» ou pas !», confie-t-il, le sourire en coin.

Une jeunesse marocaine

Mais à l’époque, c’est également les années de plomb, et il est interdit aux jeunes de parler de politique. «On savait bien que dans nos groupes d’amis, certains faisaient des rapports quotidiens. Mais avec le temps, c’est devenu un jeu. On vivait certes tranquillement, mais n’empêche que nos parents avaient une crainte qu’ils dissimulaient: que l’on disparaisse», dévoile-t-il, à propos de cette période.
Mais Salim est un enfant actif, qui vit pleinement au milieu d’une camaraderie soudée, dans un quartier, somme toute préservé, de par sa position. Il découvre sa passion à l’âge de 14 ans. «Nous allions sur les récifs de la plage. Un jour, pas loin de nous, un européen accompagné de son fils, pêchent des poissons à profusion, dont ils remplissent des cabas. Mon frère et moi sommes tellement impressionnés, que rapidement nous nous équipons en masques, tubas et harpons et nous nous mettons à la pêche sous marine. Nous entrainons d’autres camarades et au bout de quelques temps, nous étions toute une bande de jeunes à aller pêcher», raconte-t-il, comme s’il vivait encore cette situation .
Pourtant Salim est calme et limpide, comme une mer tranquille, avant la pollution, lorsqu’il raconte cette enfance casablancaise. Il ne faut que peu de temps pour que Salim commence à voyager plus loin, dans des endroits, pour l’époque, inaccessibles. C’est à plusieurs reprises, qu’il arpentera le Maroc, pour camper sur des plages lointaines, faire de la plongée sous marine et se repaître de poisson frais, pêché le jour même.
Mais il faut préparer l’avenir et réussir la case études secondaires d’abord. Cela se passera sans aléas et le baccalauréat scientifique , en 1990, est pratiquement une simple formalité pour Salim. Ses goûts le portent vers les sciences, et tout naturellement, il opte pour la carrière d’ingénieur. Comme son père. Il s’envole donc pour la France, pour la ville universitaire de Grenoble, au pied des Alpes. Là, c’est la liberté: «certes, il y avait plus de liberté de parler, mais je ne faisais jamais référence à mes origines mixtes de germano-marocain, mais plutôt à mes racines Marocaine et populaire. Le milieu étudiant grenoblois était très actif, riche d’une histoire militante. Je fréquentais donc et naturellement, les cercles de discussions, notamment tiers mondistes, à l’époque au devant de la scène», explique-t-il.

Un tour par l’Allemagne et retour au Maroc

L’Allemagne, Salim ne la découvre qu’en 1992, lors d’un programme d’échange international, Erasmus. «Je connaissais certes le pays à travers les différents séjours de vacances passés là bas. Mais y vivre, est une autre paire de manches. Je ne me suis pas tout à fait fait au pays. La vérité est que même si j’en suis également originaire, je trouvais que tout cela manquait de «vie». Donc je suis rentré en France, après des études avec des gens, plus âgés que moi, des fois jusqu’à 10 ans de plus.», développe-t-il.
Mais, Salim désire revenir à sa passion première, la mer. Son choix se porte sur l’océanographie. Cependant, déjà ingénieur, on lui refuse cette inscription: «on m’a expliqué qu’on préférait donner la place à quelqu’un qui n’a pas de diplômes, plutôt qu’à un ingénieur qui a déjà un métier», explique-t-il.
Salim rentre alors au Maroc contre l’avis de tous en, 1995. «On pensait que les débouchés étaient limités. Erreur majeure, puisque après que de multiples tonneaux au Maroc avec son camping-car ont mis fin à son tour de l’Afrique, il commence à travailler comme responsable logistique dans l’automobile». On l’imagine aisément en pêcheur sur les routes, en rade sur une route de campagne et loin de tout. Quelle aventure!
Salim commence donc à travailler pour un équipementier, Cabelec qui deviendra VALEO. Au bout de quelques temps, il sera promu et chargé de démarrer un site industriel en Tchéquie. L’occasion par là même, d’assouvir son goût pour l’aventure sportive. Professionnellement, c’est également une aventure, puisque Salim «monte from scratch» une usine de 10 000 m2 qui emploie 1000 personnes. Nouvelle affectation. Entre 2000 et 2003, il se retrouve, en Espagne, bombardé manager logistique d’une division industrielle. Confronté à un problème de rentabilité, il propose avec un de ses collègues de colocaliser la production JIT synchrone au Maroc et pour ce faire, d’en transférer la majeure partie. Ce sera une première industrielle, du Juste A Temps à 2000 km de distance.

Manager international dans l’industrie

Nous sommes en 2003 lorsque Salim rentre enfin au Maroc. Là, le décollage de l’automobile est en pleine marche. On ne parle que de colocalisation et de stratégie de développement. Salim progresse avec Valéo, qui deviendra Leoni en 2008. A cette époque, il prend la direction d’un site de l’entreprise à Ain Sebaâ. Sur le plan familial, un garçon verra le jour en 2009 et sera rejoint par une soeur en 2012.
«Depuis ce moment, après avoir estimé que j’avais le «vécu» nécessaire pour fonder une entreprise, je me suis orienté vers la gestion. J’ai donc complété ma formation par un MBA», développe-t-il. Ensuite, ce seront les premières missions de redressement et de restructuration qui augurent déjà de sa prochaine orientation professionnelle: le conseil industriel et le management de transition. Ces «étapes fondatrices» l’amènent à devenir un réel «moteur d’excellence stratégique et opérationnelle» pour les entreprises; Son ambition? «Contribuer à l’émergence de champions industriels nationaux et Africains dans des secteurs de pointes.» De ce rêve et en partenariat avec InvestRH et Upwin, nait SOLIMAN Conseil & Management de Transition, un des premiers cabinets de ce type au Maroc. Une nouvelle aventure commence…

BIO EXPRESS

1972 : naissance à Casablanca
1990 : Bac C au Lycée Lyautey
1995 : ingénieur en mécanique de l’Université de Marseille
           entrée à Cabelec (Valeo) comme responsable logistique
2000 : monte une unité industrielle en Espagne
2003 : colocalise JIT Sychrone au Maroc
2008 : directeur du Site Leoni (Valeo) à Ain Sebaâ
2012 : fonde Soliman Conseil

 
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