Portrait

Manager international, consultant, «homme de goût»

A 44 ans, ce manager a déjà fait le «grand chelem» de l’hôtellerie avec une seule entreprise. De cadre commercial à DG d’hôtel, Karim Fehry Fassi a progressé dans sa carrière depuis Casablanca aux Emirats Arabes Unis, avant de poser ses valises à Marrakech. Par Noréddine El Abbassi

Classicisme et sobriété. C’est ce qui caractérise le mieux Karim Fehry Fassy. Fils de haut fonctionnaire, il fait partie d’une noblesse de robe, qui a émergé dans le Maroc du siècle dernier. Son style? Plutôt «British», hérité de son père, réputé déjà à l’époque pour être une référence du style. « Mon père était très connu pour son style très raffiné dans ses manières. Pour lui, l’heure c’est l’heure. Avant l’heure, c’est pas l’heure, après l’heure, ce n’est plus l’heure. Il était strict, sans manquer d’une gentillesse très naturelle. Je réalise que j’ai eu de la chance de l’avoir eu comme père», confie-t-il, avec une nostalgie affectueuse, envers son père, décédé depuis.
Cette figure du père, il la retrouve également en la personne de son grand frère, qui prête une attention toute particulière à ses activités: «En dépit d’une très grande taille, j’étais plutôt timide. Ce qui a poussé mon grand frère à me prendre la main et à me faire profiter de ses nombreuses fréquentations», se remémore-t-il, citant ci et là son aîné. On l’imagine volontiers en jean levi’s 501, chaussures «College» et blouson assorti. Un enfant, probablement trop sage, à la maturité précoce, favorisé justement par la proximité d’une fratrie bien vaillante, et elle, ouverte sur l’environnement extérieur.
Karim verra le jour à Casablanca, alors que la famille était basée à Bruxelles. Il aura trois ans, quand la famille regagne le bercail et s’installe à Rabat, où il passera son enfance. Karim est scolarisé dans le privé pour le primaire, à l’école Jeanne d’Arc. Ensuite, ce sera le collège Takaddoum, puis le lycée Dar Essalam. «Mon père insistait pour que je maîtrise l’arabe. Mon frère et ma soeur étaient très «francophones». Dans la famille nous étions certes, ouverts, modernistes, mais néanmoins très attachés à notre identité arabe», précise-t-il.

Le choix du tourisme

Le sport constituait pour le jeune Karim l’un des rares loisirs et des plus partagés du Maroc pré-internet. «Ce n’était pas du tout comme de nos jours. On jouait énormément au foot, et au tennis, pour les plus nantis. Moi, j’étais inscrit au Club Hilton où j’avais nombre d’amis et autres cousins et cousines, que je retrouvais avec le plus grand plaisir. Pendant les vacances, le séjour à Meknès était une obligation, puisque les grands parents aussi bien paternels que maternels, y résidaient. Mais pour notre grand plaisir, nous allions aussi au bord de la Grande Bleue, plus précisément, à Cabo Negro. Egalement, et parfois on traversait le Détroit», expose-t-il.
La scolarité de Karim se déroule sans accrocs, passant de classe en classe, sans difficulté aucune. A cette époque, plus que maintenant, on mise fortement sur les études. Il était impératif de briller dans les matières scientifiques. C’était la priorité aux mathématiques et à la physique, les matières littéraires étant reléguées au second plan. Karim obtient son baccalauréat en 1991 et s’envole pour New York.
Là, il mûrit son projet d’études: «je n’étais pas comme les autres élèves, pour lesquels tout était tracé d’avance. Les fils de médecins faisaient médecine, et ceux, de parents juristes choisissaient le droit. Quant à moi, j’ai fait mes premières armes dans le monde du travail comme «brooker» en matières premières, entre Stamford, dans le Connecticut, et le World Trade Center de New York. C’est par hasard et au fil de discussions anodines, que j’ai découvert mon intérêt pour le tourisme,» révèle-t-il. Son premier choix se porte sur Cornell. Mais devant un coût de vie fort élevé pour ses moyens, il préfère rentrer au Maroc. «On parlait déjà de 30 000 dollars l’année en frais d’inscription. Le parcours classique est de travailler «au noir» et de faire un cursus en 8 années, au lieu des 4, quand on se consacre exclusivement aux études. Moi, j’ai préféré faire l’Institut supérieur international de tourisme de Tanger, ISITT.
Nous sommes alors en 1992 lorsque Karim commence sa formation en tourisme et hôtellerie. Pendant son cursus, il fait 6 mois de césure, qu’il passe en Afrique du Sud, dans le célèbre Palace of the Lost City, un hôtel du magnat Sol Kerzner, propriétaire des hôtels One & Only. L’occasion d’accumuler une précieuse expérience internationale. «Je continue à le dire quand il s’agit de recruter quelqu’un: les diplômes n’ont pas d’importance dans ce métier. Il faut du savoir faire, du savoir être, et du bon sens. It’s not rocket science ! Ce ne sont pas des sciences avancées, mais des relations humaines et un bon contact qui priment», pointe-t-il. Il sort fraîchement émoulu de l’école en 1996 et débute dans le commercial au Sheraton. «C’était une grande école de l’hôtellerie. J’y suis resté un an et demi avant de rejoindre le Méridien. A l’époque, poursuivre ses études par un MBA était un marqueur social. Mais moi, je savais que je devais accumuler de l’expérience», analyse-t-il.

De Casa à Dubaï, d’Abu Dhabi à Marrakech

Le Méridien sera une expérience, riche en challenges. Karim travaille au service commercial à Casablanca, et successivement à l’ouverture des hôtels Le Méridien, à la Tour Hassan, des Mérinides de Fès, du Berbère Palace de Ouarzazate et du N’fis de Marrakech. 1999 sera l’année de naissance du premier de ses trois enfants, fruit de sa rencontre avec son épouse, sur les bancs de l’ISITT. Karim gravit les échelons et devient Directeur Régional des ventes du Méridien en 1998. Et portera une deuxième casquette en 2000 quand il est bombardé Directeur Adjoint Ventes & Marketing et Commercial du Royal Mansour de Casablanca.
Le tournant s’opère en 2002, lorsqu’il s’envole pour Dubaï avec le groupe. La famille trouve ses marques dans un environnement multiculturel, et Karim passera trois années au Meridien Mina Seyahi Beach Resort & Marina en tant que Directeur des Ventes Corporate au milieu de 50 nationalités. «Je disais que nous étions à l’ONU, en quelque sorte… Mais en matière d’expérience, les Marocains sont les maîtres hôtes dans notre hospitalité et notre manière de recevoir. Ce qui nous manque c’est la notion du service », pointe-t-il, avec de la fierté dans la voix. Il passera ensuite à Abu Dhabi pour trois autres années afin d’ouvrir Emirates Palace en tant que Directeur Marketing. Les Emirats Arabes Unis sont déjà une sorte de «Miami», avant de prendre des airs de «Las Vegas» de la région. Ce sera Karim qui lancera le package du voyage le plus cher de l’histoire, vendu a 1 million de dollars, et qui créera le «buzz».
Mais lorsqu’il aspire à rentrer au Maroc, la vie lui offre un «pont en or» et il sera le premier employé recruté en tant que directeur adjoint au Royal Mansour de Marrakech. Il participe à la pré-ouverture, à l’ouverture puis au lancement du fameux Palace. Cette expérience sera cinq années de bonheur. Mais dès 2013, Karim lance une entreprise de Conseil en Hôtellerie. Il sera également DG du Delano. Lorsque cette dernière quitte le Maroc, il découvre la gestion des Ryads. «A ce moment, tout le monde voulait un riad ou lancer un riad. J’ai trouvé cela très enrichissant comme expérience, différente du modèle d’hôtellerie classique», analyse-t-il. Après une mission de consultant, Karim est recruté comme DG de l’hôtel Selman à Marrakech en mars 2015. Une référence en matière de SPA et de raffinement. «La famille Bennani Smires y a imprimé une réelle touche de «grande maison», tant par la classe inhérente au lieu, qu’aux écuries qui abritent des purs sang arabes. C’est réellement une adresse du grand luxe», conclut Karim Fehry Fassi. Au final, l’expérience assure une bonne carrière. Et l’on sait que l’on ne peut rien opposer à l’expérience…

BIO EXPRESS

1971 : naissance à Casablanca
1991 : Bac Scientifique au Lycée Dar Salam (Rabat) Débuts comme brooker à New York
1996 : licence de l’Institut Supérieur de Tourisme de Tanger entrée au service commercial du Sheraton
1998 : débuts au groupe Le Méridien
2002 : départ pour Dubaï Mina Seyahi Beach Resort & Marina
2008 : Directeur Commercial & Marketing auprès du DG du Royal Mansour
2013 : fonde Quest Maroc consultant  
2015 : DG du Selman Marrakech

 
Article précédent

Uber passe la barre du milliard de course

Article suivant

Salaires/retraites des ministres et parlementaires