Portrait

Manager photographe

Il aurait préféré embrasser la carrière de photographe, mais le destin en aura décidé autrement. Thierry Durand est un de ces hommes de terrain qui arriveront à des postes de Direction par le mérite. Entré dans le monde du transport, il a commencé dans le social, avant d’intégrer le service public. 

Casa Tram est une de ces entreprises stratégiques dans la nouvelle vision de Casablanca, dirigée par  un professionnel des transports, qui a fait toute sa carrière dans le domaine. Thierry Durand sera passé par tous les postes, graduellement, avant d’intégrer les plus hautes fonctions dans la profession. Lorsqu’on pense au DG de Casa Tram, on s’attend à rencontrer un énième « crack » qui aurait usé les bancs d’une grande école parisienne, pour être bombardé à la tête de Casa Tram au bout de quelques années passées au siège de la maison mère. Thierry Durand ne cadre pas avec ce préjugé de l’expatrié au Maroc. D’abord par son parcours. Il a fait ses classes à l’école de la vie, en commençant au bas de l’échelle, à une époque où il était encore possible d’en grimper les marches successives. Ce parcours est comme un rappel que rien n’est gagné d’avance dans la vie, et que cette dernière offre souvent des opportunités pour ceux et celles qui auront  la pertinence  de les saisir et qui ne manquent pas de se présenter un moment ou un autre. Y arriver en restant  dans la même voie est un autre défi. Lorsque Thierry est entré dans les transports en commun, c’était aussi par passion,  rappelle -t-il.  Engagé d’abord comme chauffeur, il arrivera à la  direction générale de la filiale casablancaise, trente quatre années plus tard. 

Il est né en 1955, à Nantes, dans une famille ouvrière. C’est la période où la France est déjà sortie de l’après-guerre, avec à sa tête René Coty, un président de la république paisible, dans un pays qui a déjà les pieds dans les trente glorieuses. « C’est l’époque, où personne ne se posait vraiment la question de l’emploi. Les usines tournaient à plein régime, et le mot « crise » était inconnu », se remémore Thierry. La France est alors un pays relativement conservateur, qui digère les réformes sociales de l’après-guerre, et pas encore touché par la vague de libéralisme qui viendrait balayer son fonctionnement traditionnel. Les écoliers portent la blouse, les congés payés ont introduit un changement dans le mode de vie du citoyen moyen. En somme, petit à petit, on rentre de plain-pied dans la société de consommation. Thierry grandit dans une famille tout ce qu’il y a de plus classique pour l’époque. Il va à l’école, où les élèves utilisent les plumiers, et la télévision n’est pas encore présente dans tous les foyers. La lecture est un loisir et on exprime sa « propre créativité » par le dessin. A ce moment, et tout naturellement, Thierry vit son enfance principalement entre l’école et la vie de famille autour desquelles tout s’organise. Les vacances, on fait du camping à la campagne, et l’on rejoint la famille venue du monde agricole. 

Les débuts dans l’associatif 

Quand arrive 1968, Thierry a 13 ans. Le mois de mai apporte avec lui des évènements qui changent les mœurs et chamboulent la vie politique Française. « Cela nous est passé par-dessus la tête. Certes, nous savions que les oncles dans les autres usines étaient en grève, mais cela ne nous touchait pas. Nous n’allions pas à l’école parce que les enseignants étaient également en grève, et on entendait parler des manifestations à Nantes, nous qui étions en banlieue, et à Paris », explique-t-il . Lorsque les cours reprennent, rien ne semble avoir changé, et pourtant, la France a amorcé un virage qui lui donnera le visage qu’elle a aujourd’hui. Thierry reprend ses cours, et arrive jusqu’au Bac. A ce moment, il se destine aux métiers des eaux et forêts, mais il prendra son temps. Il se passionne pour la photo également, et développe les pellicules de la famille alors qu’il n’a pas d’appareil. Il commence à prendre en charge  une association, « La clé sur la porte », d’après le nom du roman éponyme de Marie Cardinal. C’est alors qu’il sera réellement confronté à ce que la société française a produit dans sa marge : « c’était une sorte de foyer qui s’occupait aussi bien des toxicomanes que des personnes avec des soucis psychologiques. Lorsqu’on travaille pour une association de premier plan telle que celle-ci, on attire l’attention des acteurs socio-culturels », explique-t-il. C’est pendant cette période qu’il rencontre celle qui deviendra sa femme et qu’il épouse en 1978. Il décide de reprendre ses études et de postuler pour  un emploi. Ce seront les transports en commun où il entre comme chauffeur. Il passera par tous les postes, depuis le planning, le contrôle, la formation et même comme encadrant et chef de centre. Dans l’intervalle, il se sera marié et a obtenu un DEUG en psychologie, mais sa carrière sera dorénavant dans les transports : « je suis entré dans les transports parce que ça m’intéressait. L’entreprise dans laquelle j’ai commencé était très structurée, et lorsqu’on y met du professionnalisme, ça se passe très bien. » Le mariage lui apporte aussi une certaine stabilité, et sa femme le pousse de l’avant. Dès lors, sa carrière prendra un coup d’accélérateur. 

Débuts dans le tram

Nous sommes en 1983, et Nantes s’équipe de la première ligne de tramway moderne  de France. Très tôt impliqué dans le projet, Thierry sera en charge de l’exploitation du centre de la 2ème ligne  en 1990. Il gère le centre d’exploitation qui compte entre 200 et 300 personnes, et plus d’un millier sur l’ensemble du réseau. Il continue d’accumuler les compétences et en 1996, cherche à continuer à grimper les échelons. Il doit alors changer de ville, et il sera muté à Montpellier sur le point de mettre en place un nouveau tram, ce sera le 1er  Citadis, le précurseur les tramways modernes. Il y passera six années : « je suis passé par tous les métiers par lesquels il est possible de passer. Pendant la coupe du Monde de football de 1998, il a fallu organiser le transport des spectateurs puisque six matchs se déroulaient dans la ville. » Il prend du galon, et de responsable d’exploitation il devient directeur d’exploitation. Il remplit une mission à Porto, au Portugal, qui met en place son propre tramway. A ce moment, il apprend qu’il est pressenti pour prendre des fonctions sur le tram d’Orléans. Ce poste se réalisera, et il y reste deux années avant de repartir sur un projet à Clermont-Ferrand. Il y reste deux années comme directeur d’exploitation, avant qu’on lui propose à nouveau la direction de production à Montpellier : « Je me suis dit que j’avais fait une boucle pour revenir chez moi. Montpellier était alors devenu mon second chez moi où j’avais ma maison. » Explique-t-il. Il arrive au moment du démarrage de la troisième ligne de la ville, habillée par Christian Lacroix. Mais le répit ne durera pas longtemps. A peine un an et demi plus tard, le groupe obtient la gestion pour 30 années du tram de Reims. Nous sommes en 2009, et il reste dans la région de Champagne jusqu’en 2012, quand ses collègues lui apprennent que le tram de Casablanca recherche son Directeur des Opérations. Il rejoint l’entreprise en décembre  2012 comme directeur d’exploitation et de la maintenance. Mais dès 2013, Thierry obtient la direction générale du tramway de Casablanca. « Ce type de parcours est rare. Nous sommes très peu à avoir eu ce type de carrière. mais je pense que pendant tout ce temps, j’ai eu ma bonne étoile qui m’a accompagné et je suis fier de pouvoir Diriger CASA TRAM. Au final, j’ai été au bon endroit au bon moment à chaque étape de ma vie », analyse-t-il. C’est peut-être ça le self made man à la française. 

 
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