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Marché de l’art : L’urgence d’une réglementation

Au-delà de la passion, l’objet d’Art est devenu un investissement et un agrégat socio-économique d’où une situation trouble dans ce marché. La journée d’étude sur «Le Syndicat des artistes plasticiens marocains (SAPM) a ouvert une réflexion et mène un lobbying intense pour réglementer leur secteur.

L’explosion de la bulle spéculative a entrainé une chute libre du marché de l’art marocain. Toutes les professions veulent redresser la situation et demandent une réglementation du secteur. Il faudra dès lors passer par un changement rigoureux et une éthique forte afin de sauver le patrimoine national.

La bulle éclate
Après dix ans de spéculation sur les objets de valeur, notamment les tableaux de plasticiens marocains, le marché de l’art a besoin d’une réglementation juridique pour assainir le secteur. En effet, la loi qui est toujours en vigueur concernant la vente aux enchères volontaire est le dahir du 26 avril 1919. Cette loi datant de la période protectorale est devenue obsolète. Ce texte législatif constitue la réglementation spéciale des ventes publiques de tous biens de nature mobilière et non uniquement les objets d’art. Ceci fait un flou juridique qui nuit au secteur même si la production artistique reste de qualité.
Certains acteurs avancent le prétexte de la crise mondiale comme raison qui a fait chuter le marché. Ce qui n’est pas l’avis de tout le monde. D’aucuns affirment que la crise aurait touché le Maroc qui est un pays émergent et en échange permanent avec les pays fortement industrialisés. Néanmoins, le monde de l’art connait rarement les répercussions économiques comme la crise boursière. En fait, la flambée des prix des objets d’art serait survenue à cause d’une cotation erronée sur la valeur marchande des objets. « Les acquéreurs et les collectionneurs, ayant pris conscience de cette spéculation et ayant pris un recul quant à la valeur réelle des objets artistiques, se sont retenus et la bulle a explosé » précise Nadia Choukri, experte assermentée près des tribunaux du Maroc, historienne d’art spécialisée en art islamique. De même, intervenant à la journée d’étude, Claude Mollard, écrivain, fondateur de l’ingénierie culturelle en France, affirmait que « la perversion de l’objet d’art entraine la spéculation, surtout pour les ventes privées ». D’après les professionnels, les profanes qui sont dénués d’un amour pour l’art ne misent que sur le profit et la spéculation.
Pour réguler le secteur, les différents acteurs devront être ajustés à leurs rôles respectifs et mener leurs activités en toute déontologie.

Les acteurs au chevet de l’art
Les artistes plasticiens ont relancé le besoin de « réguler les activités du marché pour analyser les dysfonctionnements et dérives qui affectent leur profession » comme le note Abdellatif Zine, artiste plasticien et président du SAPM (Syndicat des Artistes Plasticiens Marocains).
Aussi, artistes, experts, maisons de vente, galeristes et intermédiaires devront-ils voir une loi qui délimite les prérogatives de chaque acteur. Pour professionnaliser le secteur, les réformes qu’apportera la loi doivent spécifier les métiers et reconnaître les intervenants. L’expertise des objets d’art est encore généralisée sous la classification des «beaux-arts» tandis que la spécialité est devenue une rigueur pour une authentification beaucoup plus poussée. Les maisons de vente et galeries devront suivre avec une transparence dans les transactions avec la présence des huissiers lors des ventes.
Pour organiser le secteur, deux modèles s’offrent aux acteurs et autorités concernées : l’un français et l’autre anglosaxon.
D’abord, pour le modèle français, les ventes doivent s’effectuer dans une maison de vente volontaire par un commissaire priseur. Ce dernier est un délégué ministériel qui répond de droit et qui fera appel à un expert pour la certification de l’objet d’art avant vente. Quant à l’auctioneer, équivalent du commissaire priseur, il n’est soumis à aucune autre règlementation que celle d’en exercer effectivement la fonction. Le modèle anglosaxon a une plus grande marge de manœuvre. « Il est une réussite pour un marché en gestation du moment que le marché français a montré ses limites en régressant jusqu’à la 4ème place mondiale», note Nadia Choukri.
Le secteur de l’art au Maroc devra adopter un modèle qui répond à ses besoins. Le cri de cœur lancé est de stopper l’hémorragie de la fuite des objets de valeur vers l’étranger. Le défi étant de faire du Maroc une place régionale pour l’art maghrébin.

100 MDH
C’est le poids annuel du marché de l’art au Maroc selon les professionnels.

PAR Serigne Cheikh DJITTE

 
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