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Maroc Telecom : Que valent les six filiales d’Etisalat ?

Abdeslam Ahizoune, Président du Directoire de Maroc Telecom.

Atlantique Telecom, également connue sous la marque Moov est présente dans 6 pays, au Bénin, en Côte d’Ivoire, au Gabon, au Niger, en République Centre-africaine et au Togo. Pratiquement partout, elle occupe une position de challenger dans des marchés relativement difficiles. C’est une position qui convient bien à Maroc Telecom qui a réussi à faire de ses filiales africaines des machines à cash en quelques années. L’expérience pourrait se répéter.

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’était presque prévisible. On se doutait que l’accord conclu en novembre dernier par la compagnie émiratie Etisalat avec Vivendi allait avoir des retombées rapides sur la présence du groupe en Afrique. Ce n’est donc pas une surprise de savoir que six filiales du groupe allaient passer entre les mains de Maroc Telecom.

Ainsi, la société Atlantique Telecom à laquelle appartiennent les filiales d’Etisalat au Bénin, en Côte d’Ivoire, au Gabon, au Niger, en Centrafrique et au Togo allait revenir dans le portefeuille de Maroc Telecom. Pour Etisalat, cela ne devra pas théoriquement changer grand chose, dans la mesure où il garde le contrôle indirectement à travers Maroc Telecom. Lequel opérateur devrait lui, revenir à hauteur de 53% de son capital. Et de toute manière, le prix fixé a été tel qu’il ne devrait pas léser l’actionnaire majoritaire. Mais, pour les autres qui détiennent des intérêts minoritaires, la question se pose naturellement de savoir ce que valent réellement ces filiales africaines d’Etisalat. Bien entendu, n’étant pas coté en bourse, ces entreprises ne sont pas tenues de communiquer leurs résultats. Et dans les comptes d’Etisalat, il n’existe que très peu d’informations financières sur ces opérateurs, y compris dans les comptes d’Etisalat. En effet, étant de taille relativement modeste en comparaison à ce que pèse Maroc Telecom actuellement, ces filiales ne sont pas traitées de manière individuelle dans les comptes d’Etisalat. Et leur part dans la consolidation du groupe reste peu significative.

A titre d’exemple, on peut s’intéresser à la filiale ivoirienne qui est l’entité la plus importante de ces six entreprises. Car, faut-il le rappeler, Atlantique Telecom avait été créée en Côte d’ivoire par les mêmes fondateurs que la Banque Atlantique, aujourd’hui achetée par le groupe Banque populaire. C’est par la suite, en 2008, qu’elle a été rachetée par Etisalat, qui par cette opération, a mis le pied dans 6 pays simultanément. Cependant, dans aucun de ces pays, Atlantique n’occupe une place de leaders. En Côte d’Ivoire, Atlantique Telecom qui exploite ses licences télécoms sous le nom Moov, contrôle à fin 2013 quelque 15,2% de parts de marché, selon l’Agence de régulation des télécoms de Côte d’Ivoire (ARTCI). Elle arrive en troisième position derrière de sérieux concurrents qui s’accrochent jalousement à leur position de leader. Il s’agit notamment d’Orange avec 43,8% de parts de marché et de MTN qui contrôle 36,6% de parts de marché. En termes de chiffre d’affaires mobile, selon l’ARTCI, Atlantique Telecom a engrangé un revenu annuel de 113 milliards de FCFA en 2013, soit à peu près 1,9 milliard de dirhams. il convient de rappeler que le chiffre d’affaires global du secteur en 2013, a été de 742 milliards de FCFA, soit quelque 12,4 milliards de dirhams. Cela laisse donc une excellente marge de progression à la désormais filiale de Maroc Telecom.

Grâce à la puissance financière de son actionnaire de référence, le groupe Atlantique Telecom envisage d’améliorer ses parts de marché. Et Nagi Abboud, directeur général d’Atlantique Telecom, envisage même de devenir deuxième opérateur de téléphonie mobile en Côte d’Ivoire où, il occupe la troisième position.

Au Gabon également, la configuration est la même, dans la mesure où Atlantique Telecom Gabon y occupe quelque 14% de parts de marché pour le dernier trimestre 2013, selon l’Autorité de régulation des télécommunications électroniques et des postes (ARCEP). La filiale d’Etisalat est ainsi devancée par Celtel Gabon (Aircel) qui contrôle 55% du chiffre d’affaires mobile du secteur. GT Mobile (Libertis) arrive en seconde position avec quelque 23% de parts de marché. Atlantique Gabon a réalisé un chiffre d’affaires mobile de 8,95 milliards de francs CFA sur les trois derniers mois 2013, soit près de 35 milliards de FCFA ou l’équivalent 510 millions de dirhams sur toute l’année 2013.

Toujours pour Nagi Abboud, «au Gabon le marché est très saturé avec 4 acteurs en compétition pour desservir une population de 1,4 million d’habitants». Il ajoute «qu’avec une telle féroce concurrence, les ingrédients de la réussite sont beaucoup plus compliqués. Toutefois, nous avons pu profiter d’un revenu confortant et d’un chiffre d’affaire du marché. Nous entamons actuellement des discussions avec le gouvernement sur les plans visant à améliorer nos réseaux afin de fournir des capacités 3G et des services sur le marché».

Au Togo, Atlantique Telecom représente pratiquement la moitié des abonnés, à fin 2012, d’après l’Agence de régulation des télécoms du Togo (ARTP), soit quelque 1,55 million de clients. Le marché n’est occupé que par deux opérateurs, ce qui permet à Atlantique Telecom d’avoir pratiquement la même notoriété que l’opérateur historique, Togo Cellulaire. En termes de chiffres d’affaires, néanmoins, Atlantique Telecom Togo a engrangé en 2012 quelque 50 milliards de Francs CFA, soit près de 850 millions de dirhams.

Pour le directeur général d’Atlantique, «au Togo, la concurrence n’est pas très intense. Récemment, nous sommes devenus les leaders du marché avec un portefeuille très sophistiqué de services à valeur ajoutée et un niveau élevé de la sympathie des consommateurs».

Néanmoins, selon Nagi Abboud, directeur général d’Atlantique Telecom, s’exprimant dans une interview récente, l’activité des filiales connaît une très forte croissance, dans la quasi-totalité des 6 filiales contrôlées par Etisalat. Selon lui, le taux de croissance annuel moyen des cinq dernières années, c’est-à-dire depuis l’acquisition par Etisalat est de l’ordre de 25%.

Enfin concernant la Centrafrique, Nagi Abboud explique c’est «l’un des marchés les plus difficiles en raison des conditions économiques». Quatre opérateurs sont en compétition sur ce marché et tous perdent de l’argent. Dans les prochaines années, «nous aspirons à sa consolidation, avec les différents acteurs émergents ou sortants», souligne-t-il. Ce n’est qu’après cela qu’il conviendra d’envisager un retour sur investissement.

C’est dire que le directeur d’Atlantique  Telecom livre une analyse assez claire de la situation. «Les marchés sur lesquels nous nous sommes aventurés étaient saturés. Notre objectif était d’être différents, par conséquent, nous avons commencé à mettre en œuvre de nouveaux services», explique-t-il.

Selon lui, le groupe a investi plus de 5 millions de dollars depuis l’acquisition d’Atlantique Telecom par Etisalat. Et d’après le rapport 2013 d’Etisalat, rien qu’en 2013, 1,4 million de dollars ont été investis afin d’acquérir des équipements permettant de réduire sensiblement les coûts.

De plus, la position de challenger dans laquelle se trouvent ces filiales convient bien à Maroc Telecom. Puisqu’il faut le rappeler, pratiquement partout où il est entré, c’est une position similaire qu’il y a occupée et pourtant quelques années plus tard, toutes les filiales sont devenues rentables. Les réalisations de l’ensemble des filiales le montrent de manière probante, puisqu’aujourd’hui c’est l’Afrique qui constitue le principal moteur de croissance. 

 
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