Souveraineté des données : principale inquiétude des États

Maroc. Une armée patriote numérique s’impose

Souveraineté numérique, Souveraineté des données, Souveraineté des technologies de l’information et de la communication ou encore Capacité de l’État à agir dans le cyberespace, sont diverses terminologies, traitant du même sujet, lequel reste appréhendé selon différentes approches, à connotations juridique, politique et économique.

D’ailleurs, avec les innovations technologiques qui ont révolutionné le monde, les pays doivent, impérativement, redoubler de vigilance, pour une meilleure protection de leurs données et de celles de leurs citoyens. A la suite de l’affaire Snowden (2014), plusieurs États se sont évertués à l’effet de procéder à la création imminente d’Instances nationales, dédiées à la préservation de leurs souverainetés numériques.

Chérir le Cloud et/ou le datacenter, recourir à des systèmes d’information étrangers ou construire ses propres systèmes, concevoir une réglementation souple ou plutôt sévère sont quelques choix qui doivent être sagement, réfléchis par un pays, au risque, de retrouver ses informations les plus sensibles dérobées, de voir sa réputation entachée, de faire l’objet d’opérations d’espionnage ou encore d’être la cible d’une guerre informationnelle ou économique.

Lire aussi | La Société Générale construit un mega-centre d’offshoring à Casa-Anfa

Le Maroc, suite aux orientations éclairées de S.M. le Roi Mohammed VI, accorde, de plus en plus d’importance au numérique, à travers la transformation digitale accélérée de sa société et de son économie, pour endiguer toute sorte de dépravation et partant, moderniser l’Administration. Cette approche stratégique vient être réconfortée et appuyée, suite à la publication du récent Rapport de la Commission Spéciale sur le Modèle de Développement, qui avait souligné, de manière très significative, qu’« il s’agit de faire du Maroc une nation numérique, leader régional en la matière ».

Toutefois, ledit Rapport ne manque pas de suggérer quelques pistes d’amélioration, à l’exemple de l’adoption d’une stratégie de transformation numérique, conduite par une Délégation interministérielle qualifiée, d’une mise à niveau des infrastructures numériques de haut et très haut débit permettant de garantir un accès aux citoyens à ses services de base, du renforcement de l’arsenal légal et réglementaire, pour permettre d’instaurer une confiance numérique des utilisateurs et d’assurer la souveraineté numérique du Royaume, mais aussi du déploiement de la formation et de la recherche sur le numérique.

Sensibilisation et implication des citoyens
Une éducation aux enjeux de la souveraineté numérique devient extrêmement vitale, depuis l’école primaire, pour permettre aux futures générations une maîtrise optimale de ces outils. Sensibiliser et encourager les citoyens, de tous âges, pour une meilleure connaissance des technologies structurantes et surtout pour une plus profonde implication dans la construction d’industries numériques innovantes, permettraient d’assurer, pour le pays, une totale indépendance technologique.

Lire aussi | Mehdi Hijaouy : «Il serait fort opportun pour le Maroc d’élaborer et de mettre en œuvre une stratégie nationale d’E-Réputation»

Pour cela, il incombe, pour tout État et Gouvernement, d’instaurer et/ou d’affiner ses stratégies, en matière du numérique, afin d’y inscrire, ingénieusement, des conditions légales, économiques, éthiques et psychologiques, construites, intrinsèquement, sur une réelle volonté politique. Tout pays ne devrait plus se contenter à se défendre mais devrait être en parfaite capacité de mener des attaques, si besoin est. Comme disait Sun Tzu : « On se défend lorsqu’on dispose de moyens suffisants ; on attaque lorsqu’on dispose de moyens plus que suffisants ».

C’est dans cette perspective et dans une vision stratégique à court terme, que devraient s’inscrire les politiques nationales, en matière du numérique, afin d’éviter, de recourir, systématiquement, à des multinationales étrangères pour ses services cloud (informatique en nuage). Ainsi, un appel d’offres pour de tels service devrait, impérativement, exiger une présence nationale, indépendamment du critère lié à l’attractivité des prix. D’où l’intérêt de construire une industrie numérique nationale, totalement indépendante, apte à pouvoir répondre aux besoins nationaux.

Nécessaire réforme de la gouvernance numérique
Au XXIème siècle, les États sont, d’une certaine manière, complètement déboussolés, en l’absence d’une réglementation internationale, intégrant des principes de Droit et d’éthique clairs qui puissent d’une part, orienter le développement des technologies et d’autre part, préserver les intérêts suprêmes des pays, tout en protégeant la vie privée de tout un chacun.

Lire aussi | CGEM. Renforcement de la coopération avec le Conseil de la concurrence

En effet, la « souveraineté numérique » reste, à date, une notion relativement floue et ses interprétations demeurent toujours variables, ce qui contraint, aujourd’hui, les pays à instituer un texte international, qui puisse cadrer les relations opérées entre les différents acteurs, nationaux et internationaux, privés et publics, au niveau du Cyberespace. La construction d’une Charte africaine de souveraineté numérique Grâce à la vision éclairée de S.M. le Roi Mohammed VI devrait être une priorité pour l’Afrique.

Cela a été relevé à plusieurs reprises par l’Auguste Souverain, notamment, à travers son discours du 22 mars 2018, au Sommet extraordinaire de l’Union africaine sur la zone continentale de libre-échange, dont extrait ci-après : « L’Afrique est en passe de devenir un laboratoire du monde numérique. Le digital est en train de changer le visage de notre continent, porté par une jeunesse inventive, créative et audacieuse. Ce saut numérique est le fruit de jeunes start-up actives dans le domaine de la finance, des télécoms, de l’industrie et de l’agroalimentaire, pour ne citer que ces domaines. C’est souvent une population jeune et à faible revenu qui est au cœur de ce processus d’innovation ; elle doit par conséquent être au cœur de nos politiques publiques ».

D’où l’intérêt pour l’Afrique de protéger et de promouvoir certains droits fondamentaux et valeurs intrinsèques, en matière de souveraineté numérique. Aujourd’hui, le Maroc pourrait, largement, contribuer à l’élaboration d’une telle enceinte, à travers l’expertise certaine qu’il a développé et continue à parfaire en pareil domaine.

Par Mehdi Hijaouy
Expert en Sécurité, Défense, Stratégie et Intelligence économique
Fondateur du Washington Strategic Intelligence Center

 
Article précédent

Véhicules utilitaires. Africa Motors lance un camion de la marque Foton

Article suivant

Réforme fiscale. Comme une lettre à la poste