Blog de Jamal Berraoui

Martyrs sans gloire ( Par Jamal Berraoui )

Il est difficile, très difficile de discuter de la situation en Egypte parce que les Egyptiens eux-mêmes n’acceptent que deux positions antinomiques, soit pour Sissi, élevé au rang de sauveur de la nation, soit pour Morsi. Ma position a été claire dès le début, déposer un président élu par la rue oui, par l’armée c’est un coup d’Etat. J’avais pronostiqué une guerre civile, nous y sommes.

Le 6 octobre, il y a eu 44 morts parmi les manifestants proches des frères musulmans, donc très éloignés de mes convictions. Ce sont des êtres humains qui ont bravé la peur pour défendre leurs propres convictions. Ils ont tout mon respect. Ce n’est pas le point de vue des médias égyptiens. Ils déversent un torrent d’insultes sur ces concitoyens, devenus « terroristes ». La première victime de la crise égyptienne c’est l’information. Même Goebels n’aurait pas rêvé d’autant de médias à la solde d’une propagande. Ils applaudissent les arrestations, justifient les assassinats au nom de la deuxième révolution, et depuis peu, font tous campagne pour que Sissi se présente aux élections. Il leur sera très difficile de retrouver une crédibilité auprès de leur propre peuple.

En face, les dirigeants des frères musulmans continuent d’envoyer à l’abattoir des jeunes fanatisés sur une ligne qui a très peu de chances d’aboutir. Ils refusent de remettre en cause leur pratique au pouvoir. C’est Morsi qui, en agissant en dictateur a fédéré, coalisé, des forces hétéroclites derrière l’armée. L’Islam politique et la démocratie sont incompatibles parce que le concept de la « Jamaâ » est exclusif. Mais cela ne justifie pas les meurtrs, la répression. La société égyptienne est divisée de manière dramatique. Cela ne sert à rien d’ergoter sur le coup d’Etat. Par contre tous les démocrates, les humanistes doivent respecter leurs principes. Ceux qui se font tirer comme des lapins parce qu’ils manifestent pacifiquement, sont des martyres. Des jeunes gens sont abattus pour leurs convictions, dire que c’est inacceptable est un devoir.

Eradicateur, je le suis, je l’assume. Mais pas à l’algérienne, pas à la Sissi. Le combat politique contre l’islamisme, contre les idéologies fascisantes est noble. Se protéger derrière l’armée, les sécuritaires pour les combattre est lâche et inutile. Cela aboutit fatalement à la dictature, sans délivrer la société de ses avatars. A la moindre ouverture, l’Islam politique reviendra et en force, parce que les conditions objectives de son enracinement seront toujours là.

Nasser avait pensé terrasser le phénomène en tuant Sayed Qotb. Un demi-siècle plus tard Sissi tente l’aventure, il n’aura pas plus de succès. Etre démocrate c’est refuser la répression meurtrière même quand elle s’exerce sur des gens dont on ne partage pas les convictions. Je m’incline devant ces morts et je suis contre Sissi et sa soldatesque, non pas au nom de la religion, mais de l’humanisme.

 
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