Interview

Maryam Bigdeli, représentante de l’OMS au Maroc : « Il est impératif de prendre l’évolution de la tendance épidémiologique au sérieux »

Le Royaume connait actuellement une recrudescence des cas positifs au nouveau coronavirus, ce qui nécessite le passage à la vitesse supérieure en matière de lutte contre la pandémie. Au Maroc, comme à l’international, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) fait face au défi sanitaire et aux attentes mondiales concernant le vaccin contre la Covid-19. Y-a-t-il lieu d’être inquiet pour le Maroc ? Quelles perspectives de la propagation du virus ? Comment l’OMS appuie-t-elle le Maroc ? Quid du vaccin tant attendu ? Maryam Bigdeli, représentante de l’OMS au Maroc, fait l’état des lieux.

Challenge : comment voyez-vous les mesures prises jusque-là par le Maroc pour circonscrire la pandémie du coronavirus ?

Maryam Bigdeli : avant même le premier cas détecté, le Maroc avait mis en place un plan de riposte permettant de faire face à l’épidémie. Ce plan s’est révélé essentiel pour faire face aux premiers cas de contamination et pour mettre en place le dépistage, le suivi des contacts, la prise en charge et également la communication.  Durant la phase de confinement généralisé, un travail colossal a pu être accompli, parfois visible et parfois moins visible : l’augmentation de la capacité de diagnostic et son étendue à tout le territoire, y compris la mise en place d’unités mobiles; la digitalisation des données de surveillance épidémiologiques; le renforcement des capacités d’accueil des hôpitaux; la mise au point de protocoles nationaux pour la prise en charge thérapeutique. En dehors du système de santé, un grand nombre de mesures d’accompagnement ont été mises en place, sur le plan social et économique. La riposte du Maroc, sous l’impulsion et les orientations de Sa Majesté le Roi, a été citée en exemple.

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Challenge : depuis le déconfinement, le nombre de cas augmente au Maroc. Y-a-t-il lieu d’être inquiet pour le Maroc ?

M.B : l’augmentation des cas suivant le déconfinement est constatée dans tous les pays, la situation au Maroc n’est pas exceptionnelle. Il est impératif de prendre l’évolution de la tendance épidémiologique au sérieux et de mettre les moyens en place pour y faire face. Le confinement généralisé a ralenti la propagation du virus et a permis de gagner du temps pour comprendre mieux ce virus et les moyens d’y faire face, et pour mobiliser les ressources nécessaires. Cette connaissance et ces ressources doivent maintenant être utilisées pour faire face à la recrudescence des cas, sans céder à la panique et sans anxiété excessive.

Challenge : jusque-là, comment l’OMS appuie-t-elle le Maroc à faire face à la pandémie ?

M.B : notre soutien date d’avant la pandémie puisque nous appuyons déjà un certain nombre de programmes de renforcement des capacités qui ont ensuite servi à organiser la lutte contre la pandémie de COVID-19. Par exemple, le Programme de lutte contre la pandémie grippale qui comporte un grand nombre d’activités allant du renforcement des laboratoires aux équipes d’intervention; la préparation aux urgences de santé publique, notamment le renforcement des capacités de contrôle aux frontières ou la communication du risque et l’engagement communautaire. Nous avons continué ces appuis durant la crise de COVID-19.

Par ailleurs, lors d’une crise de cette ampleur, il est également important de s’assurer que les services essentiels continuent de fonctionner, car la population a d’autres besoins en santé que ceux liés à la COVID-19. Nous avons par exemple travaillé avec le Ministère de la santé et notre centre collaborateur, la Maternité des Orangers, pour former les professionnels de la santé à la prise en charge des femmes enceintes et des nouveau-nés pendant l’épidémie de COVID-19.

Challenge : à quand un vaccin contre le nouveau coronavirus ? Que fait l’OMS pour que celui-ci voit rapidement le jour ?

M.B : le développement du vaccin doit se faire dans le plus strict respect de l’éthique, des conditions de sécurité et avec une analyse sans biais des résultats. Pour cette raison, ce développement peut prendre du temps. Avec le Mécanisme COVAX ( Initiative mondiale consistant à collaborer avec les fabricants de vaccins pour garantir aux pays du monde entier un accès équitable à des vaccins sûrs et efficaces, une fois qu’ils seront homologués et approuvés, ndlr ) , l’OMS et ses partenaires suivent un grand nombre d’initiatives pour le développement des vaccins, pour évaluer quel candidat vaccin a le meilleur potentiel; mais également pour travailler en amont à développer les capacités de production et assurer un accès équitable aux doses de vaccin qui seront disponibles. Il y a beaucoup d’inconnues à ce stade pour dire précisément quand un vaccin sera disponible mais il est probable que ce ne soit pas avant 2021 et même dans ce cas, les doses disponibles ne permettront peut-être pas de vacciner toute la population mais il faudra cibler les populations les plus vulnérables et les plus exposées.

Challenge : l’OMS a envoyé une lettre à ses pays membres les appelant à rejoindre son dispositif d’accès au vaccin contre le Covid-19, réitérant son appel contre le nationalisme vaccinal. Quid du Maroc ?

M.B : tout d’abord je tiens à féliciter le Maroc de contribuer aux essais cliniques sur le vaccin. Nous avons besoin de la mobilisation de tous les pays dans cet effort. Dans la course au vaccin, comme dans tous les autres domaines de la lutte contre cette pandémie, il est primordial de privilégier la collaboration au lieu de la compétition. Cette collaboration peut se faire à travers la contribution aux essais cliniques, à la production du vaccin ou au partage des données sur son utilisation lorsqu’il sera disponible. Le principe d’une maladie transmissible comme la COVID-19, c’est qu’elle ne connaît pas les frontières ou les nationalités. « Personne n’est protégée si tout le monde n’est pas protégé » : c’est notre devise dans cette lutte.

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