Portrait

Médecin, geek, et militant associatif

Il a suivi le penchant de ses envies, oscillant entre la médecine et les affaires. Cela lui a plutôt réussi. Anas El Filali est de ces trentenaires de la génération Y qui a su se faire une place au Maroc.  

Il est des hommes qui ne se sont jamais  contenter du minimum, ni d’ accepter la médiocrité. Anas El Filali est de cette trempe-là. A la fois médecin et homme d’affaires, il est une sorte d’honnête homme moderne à l’image du prototype de l’époque de la renaissance italienne. Alliant  le sport et les nouvelles technologies, trustant les challenges,  il continue sa quête de réalisation de lui-même. 

Il ne dévoile pas son âge, plutôt par pudeur que par une quelconque manie. Il hésite à révéler qu’aussi jeune, il ait  réussi à se faire un nom sur la toile. Son histoire commence au Derb Sultan à Casablanca, où il a vu le jour. Son père est un agent de la Royal Air Maroc et sa mère est  assistante à l’OCP. Il grandira d’ailleurs dans le giron de cette dernière et à l’ombre de la grand mère. Ses parents avaient divorcé lorsqu’il n’avait que deux ans. Il évoluera dans un quartier de la ville nouvelle dans une ambiance où les relations humaines pouvaient se développer et avoir un sens. Il est vrai qu’aussi bien le quartier que la ville avaient des dimensions modestes, qui favorisent  la proximité et le rapprochement “J’ai grandi entre l’école, les jeux de mains à la sortie des cours et le football,” dévoile-t-il, dans des mimiques juvéniles. En outre, à l’époque,  Derb Sultan est un de ces quartiers avec une forte culture ouvrière. Nous sommes dans les années 80, en pleine fin des années Hassaniennes, lorsque le climat était à la fois apaisé et en même temps en attente de ce que l’avenir pouvait bien réserver à ses habitants. En ce qui le concerne,  Anas profite de l’insouciance propre à l’enfance, entouré de l’affection des deux femmes,  et la bienveillance de  ses autres oncles et tantes maternels. Par ailleurs, le quartier est en quelque sorte le prolongement de la famille proprement dite. A la sortie de l’école, il va donc chez les voisins, une famille bebère – précise-t-il- qui le reçoit exactement comme s’il était leur propre enfant. Il mange à la même  table que le restant de la famille,  mais, se rappelle-t-il encore étonné, ne verra jamais le visage de la maîtresse  de maison. Cette monotonie de la vie quotidienne connait un changement radical durant  l’été, quand la famille se rend à Agadir pour les vacances. Anas peut alors connaître les plaisirs de la mer, les jeux de la plage et la rencontre de nouveaux amis. Autant dire qu’il coule des jours heureux dont il se souvient encore avec un brin de nostalgie. Parallèlement, son parcours scolaire est sans faute. Il est même un excellent élève qui détient souvent la première place, sans réellement faire d’efforts, laisse t-il entendre. Arrive 1996, quand il décroche son baccalauréat au Lycée Al Khawarizmy. C’est La fin d’une époque et le moment de faire des choix pour les études supérieures. 

Ses performances scolaires qui  l’avaient placé au 6eme rang dans la classification de l’Académie Régionale, lui ouvraient toutes les portes. Le jeune Anas hésite entre des études d’ingénierie financière en France ou un autre cursus universitaire au Maroc. Pour des raisons, qu’il qualifie de convictions patriotiques, il  décide de rester au bercail. Pour lui, ce seront les études de médecine : “lors de la première session d’examen, je croyais que ce serait aussi facile que lorsque j’étais au lycée. Le résultat a été que je n’avais réussi aucune matière. Depuis ce jour là, je me suis mis au travail, et depuis je réussis dès le premier coup,” explique-t-il, sans jamais se départir de sa gaieté et sa spontanéité naturelles. Mais dès la deuxième année de médecine, il sait qu’il doit compter sur lui-même pour subvenir à ses besoins. En même temps, l’envie d’explorer d’autres horizons et le goût de l’entreprenariat sont plus forts. Va donc pour l’aventure, au grand large. Avec un emprunt de sa mère et un billet d’avion obtenu grâce à son voyagiste de père, il s’envole pour Hong Kong. Il atterrit dans la ville alors encore sous domination britannique en 1998. Son objectif est de lancer sa première affaire, mais avec des moyens fort limités. Pour se loger, il choisit l’hôtel le moins cher de la ville et fait ses premiers contacts en Chine insulaire. Il revient au pays, avec un chargement d’accessoires pour téléphones portables. Mais il a affaire à un secteur déjà bien tenu et où il n’y a pas de place pour lui. Cette première expérience lui a couté cher, très cher, et il a perdu 40% de son capital initial. Mais Anas ne se décourage pas pour autant. Il refait le voyage en Chine. Là, il ouvre un bureau de représentation, et se lance dans le business à temps plein: “au final je ne faisais qu’atteindre l’équilibre dans mes affaires, mais c’était déjà beaucoup pour moi”, explique-t-il. Deux années plus tard, il passe la bague au doigt d’une camarade de lycée. Sa vie est alors lancée. 

Nous sommes en 2001 lorsque l’importation de produits chinois, par effet de mimétisme, a attiré nombre d’acteurs et les marges fondent comme neige au soleil. Anas décide alors de changer d’activité, et se lance dans le recyclage de chargeurs d’encre d’imprimantes usagés. Alors que les affaires se portent bien, l’un de ses professeurs le présente à un médecin français qui désire se lancer dans le développement de certains médicaments. Bien sûr, Anas se jette sur l’aubaine. Commence alors une nouvelle vie d’entrepreneur et il est directeur associé dans l’entreprise Cromar. En parallèle, il s’inscrit à un MBA pour capitaliser sur son expérience dans le monde des affaires. Il est également actif sur les réseaux sociaux. Il commence à poster des commentaires sur les forums, et décide de lancer son propre site. Ce sera Big Brother, et à travers ce site, il lève des lièvres tels que la BD contre les femmes marocaines, ou encore les images d’enfants palestiniens détournés par le Polisario en 2010. Mais les récompenses le sortiront de l’ombre: “j’ai beaucoup perdu de ma liberté à partir du moment où l’on a mis un visage sur le pseudonyme “énergumène”. Mais je ne l’ai pas regretté”, analyse-t-il. Anas se concentre sur les affaires, et loue un logiciel d’analyse médicale. Lorsque ce dernier sera racheté par une entreprise française. Commence une autre étape d’une vie déjà riche en évènements.  Il décide tout simplement de reprendre ses études de médecine, comme si cette période écoulée n’a constitué qu’un intérmède. Il soutiendra donc, finalement sa thèse de doctorat en médecine en 2008. Mais son penchant inexorable pour de nouvelles aventures est toujours présent. C’est alors qu’au détour d’une rencontre, il se lance dans la production de contenus pour des entreprises et dans le conseils aux personnages publics et partis politiques. Nouveau fait d’arme, il a l’idée de concevoir une carte des Associations humanitaires, et s’attache à mobiliser une communauté pour une cause plus juste. A ce moment, l’entreprise bat de l’aile. Il faut dire que la Ministre de la Santé Yasmina Baddou bloque l’ambition de développer des molécules pharmaceutiques à partir des plantes marocaines. Anas se lance alors dans un nouveau projet: le développement de jeux vidéos. Depuis, il projette de lancer le premier jeu de rôle en ligne massif et en parallèle, de produire des jeux pour des entreprises de la place. Il a su voguer entre les eaux au grès de ses envies. 

 
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