Dossier

Mehdi Lahlou, Economiste: L’Echec des stratégies gouvernementales 4/4

L’aggravation du déficit commercial pousse Mehdi Lahlou,économiste, à conclure, à juste titre, à l’échec des politiques menées par le gouvernement pour remédier à la situation. Pour lui, il faut absolument faire jouer la diplomatie économique. En effet, cette dernière peut jouer le rôle d’éclaireur pour les hommes d’affaires marocains.

Challenge.  Quelle lecture faites-vous du déficit commercial ?
Mehdi Lahlou. Ce qu’il faut savoir avant tout, c’est que le déficit de la balance commerciale est un déficit structurel. La conjoncture n’en est pas la cause, elle n’a fait qu’accentuer une situation qui existait déjà. Ce déficit s’explique par une économie marocaine non compétitive et qui ne profite pas d’avantages comparatifs. Les entreprises exportatrices tablaient depuis toujours sur deux avantages qui jouent aujourd’hui en défaveur du Maroc : La proximité géographique avec l’Europe et l’abondance d’une main d’œuvre à faible coût. Ainsi, les entreprises marocaines se sont concentrées sur l’UE, particulièrement, la France et l’Espagne en délaissant l’Amérique, l’Afrique, le monde arabe… au point qu’il devient très difficile aujourd’hui de se positionner sur ces régions. Par ailleurs, nous avons tellement misé sur une main- d’œuvre bon marché que le Maroc ne s’est jamais fortement intéressé à la formation. Or, les capitaux étrangers ne cherchent plus ce type de main- d’œuvre. Ils cherchent plutôt des ressources humaines qualifiées, formées et productives que nous n’avons pas. Donc, ils partent les chercher ailleurs. Ce sont ces deux éléments qui désavantagent le Maroc. S’ajoute à cela, une entreprise à caractère familial faiblement structurée qui regarde essentiellement les marchés limitrophes quand elle pense à l’exportation. Cette structure du commerce extérieur est aggravée par l’ensemble des Accords de libre-échange qui désavantagent le Maroc.

Concrètement, que doit-on faire pour remédier à cette situation ?
M.L. Trois propositions majeures ressortent si l’on veut changer les choses. Il faut commencer à réformer les secteurs producteurs en mettant l’accent sur la révision du mode de formation et de recrutement. Il est plus que nécessaire de doter les entreprises exportatrices de mains-d’œuvre qualifiées. Deuxièmement, le Maroc doit absolument faire jouer, quand c’est possible, les clauses de révision des accords de libre-échange qu’il a signés. Dans ce sillage, il faut que le gouvernement revoit la structure des importations. Un travail a déjà été entamé dans ce sens, mais il gagnerait à être accéléré, notamment en limitant l’importation des produits de luxe. Troisièmement, il est plus que temps pour que le Maroc s’ouvre réellement sur le monde et se poser la question sur les possibilités d’exportation vers d’autres destinations que l’Europe.  Dans ce sens, il faut faire jouer la diplomatie économique, grande absente jusque là. Il ne faut pas se méprendre, il y a un lien majeur et fort entre la diplomatie et l’économie. A ce titre, le Maroc a commis plusieurs erreurs  en rompant ses relations diplomatiques avec des pays qui s’avèrent être des acteurs majeurs dans leurs régions. Comment peut-on se permettre de tourner le dos à l’Afrique du sud qui représente 45% du PIB africain ? Les exemples dans ce sens sont nombreux.
 

Quelle appréciation faites-vous des stratégies lancées par la tutelle ?
M.L. On juge les choses par le résultat. Le déficit commercial continue à être négatif et s’aggrave. Cela prouve que les stratégies lancées ne fonctionnent pas. C’est une vision d’ensemble qu’il faut avoir. Une stratégie globale qui inclut toutes les parties prenantes, et non pas seulement le ministère du Commerce extérieur. n

 
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