Interview

Mehdi Salmouni-Zerhouni : « le Maroc occupe la 1ère place régionale sur le plan des inventions et de l’innovation »

Le mardi 26 avril, a été célébrée la Journée Mondiale de la Propriété Intellectuelle, lancée en 2000 par l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle. Mehdi Salmouni-Zerhouni, Conseiller en propriété industrielle, nous apporte à cette occasion un éclairage historique sur le chemin emprunté par le Maroc en matière de propriété intellectuelle, de l’engagement de l’OMPIC en faveur des jeunes et des défis à relever.

Challenge : La célébration de cette journée est due à l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle, pouvez-vous nous donner un aperçu sur cette organisation ?

Mehdi Salmouni-Zerhouni : L’évènement du 26 avril a été créé par l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle en 2000 pour sensibiliser le grand public à la propriété industrielle et aux droits d’auteur et pour célébrer la créativité et la contribution des créateurs et innovateurs au développement des sociétés à travers le monde. En réalité, le 26 avril a été retenu parce qu’il coïncide avec la date d’entrée en vigueur de la convention instituant l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle le 26 avril 1970. L’organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle dite OMPI est une instance ayant un rayonnement mondial qui, selon le traité l’instituant est chargée des services, des politiques, de l’information et de la coopération en matière de propriété intellectuelle. Cette organisation a été créée en 1967, comprend 193 Etats membres dont le Royaume du Maroc. Notre pays a adhéré à cette organisation en 1971, c’est un membre actif et dynamique dans toutes les instances et structures, qui a été élu plusieurs fois président de plusieurs commissions.

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Je rappelle enfin, qu’en ma qualité de Président de l’Association Marocaine des Conseils en Propriété Industrielle (AMAPIC), j’ai pu obtenir le statut de membre observateur accrédité de notre association auprès de cette Organisation. Je précise aussi, que l’AMAPIC est la 1ère association marocaine, africaine et arabe bénéficiant du statut de membre observateur accrédité, ceci démontre que le Maroc est actif tant au niveau diplomatique qu’au niveau civil et professionnel.

Challenge : Que couvre le terme de « propriété intellectuelle » ?

La propriété intellectuelle comprend la propriété industrielle et des droits d’auteur. La propriété industrielle comprend les brevets d’invention, les schémas de configuration de circuits intégrés, les obtentions végétales, les dessins et modèles industriels, les marques de fabrique, de commerce et de services, le nom commercial, les indications géographiques et les appellations d’origine, de la protection temporaires aux expositions, des récompenses industrielles et du datage des créations. Certains auteurs incluent dans la propriété industrielle l’action en contrefaçon et en concurrence déloyale et la procédure d’opposition.

La propriété littéraire et artistique ou les droits d’auteurs s’occupent des créations et des auteurs. A l’image de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle, je souhaite la création d’un grand office de propriété intellectuelle au Maroc.

Challenge : Pour le Maroc, le 26 avril est-il une journée de bilan des activités en matière de propriété industrielle notamment ?

Le thème de cette journée tel qu’il est fixé par l’Organisation Mondiale, est la journée mondiale de la propriété intellectuelle, est axé sur la propriété intellectuelle et les jeunes qui innovent pour un avenir meilleur. Pour notre pays, les jeunes sont la préoccupation majeure de notre système de protection de la propriété industrielle. L’Office Marocain de la Propriété Industrielle et Commerciale ne cesse de conclure des accords de coopération et d’assistance avec les universités marocaines et des centres de recherches pour promouvoir la propriété industrielle, l’innovation et l’esprit d’invention auprès des jeunes étudiants et chercheurs. En ma qualité de Conseiller et Expert en Propriété Industrielle, je ne peux que saluer les efforts du nouveau Directeur Général ainsi que des cadres supérieurs de l’OMPIC.

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Si je dois faire le bilan pour mesurer les efforts de l’Office Marocain, je dois préciser qu’ en 2011, le Maroc enregistrait 169 demandes de brevets d’invention de la part de résidents au Maroc, en 2020, le Maroc a enregistré 250 demandes soit une progression significative. La crédibilité des brevets d’invention s’est vue renforcée par l’examen préalable : seulement 89 demandes de brevets ont été délivrés en 2020 (126 demandes de brevets délivrés en 2011). Il faut signaler que le patrimoine du Maroc en brevets d’inventions en vigueur en 2020 est de 10.192, ce chiffre est en nette progression.

Si on doit comparer le Royaume du Maroc avec des voisins, on constate que par exemple en Algérie, les brevets en vigueur à la date de 2020 sont de 4.496 brevets d’invention. En Tunisie, les brevets d’invention en vigueur en 2017 sont de 6.231 brevets, ce pays n’a pas communiqué ses chiffres de 2018 à 2020. L’Egypte compte 5.655 brevets d’invention en vigueur à la date de 2020. Ceci démontre que le Royaume du Maroc occupe la 1ère  place régionale sur le plan des inventions et de l’innovation.

Challenge : Y a-t-il eu des réformes depuis le Dahir du 23 juin 1916 dans le domaine de la propriété industrielle ?

Le Dahir du 23 juin 1916 a été réformé par 3 lois successives : la loi n° 17/97, publiée au Bulletin Officiel de 2000, la loi n° 31.05 publiée au Bulletin Officiel de 2006, et la loi 23.13 publiée au Bulletin Officiel de 2014. Ces 3 lois ont modernisé d’une façon remarquable le système de protection de la propriété industrielle au Maroc. Je rappelle que la loi 23.13 a créé la profession de Conseiller en Propriété Industrielle. Cette nouvelle profession dans le paysage professionnel au Maroc est une profession libérale qui contribue d’une façon remarquable à la protection des droits conférés aux titulaires par la loi n°17/97.

Challenge : Le Maroc a fêté les 100 ans du Dahir du 23 juin 1916, le 23 juin 2016, qu’en pensez-vous?

Effectivement, le Maroc a fêté le 23 juin 2016, les 100 ans du Dahir du 23 juin 1916 et non pas les 100 ans de la propriété industrielle. Je vous communique en exclusivité quelques dates contenues dans une étude réalisée par Daoud Salmouni-Zerhouni, consultant en Propriété Industrielle qui sera publiée prochainement sur « la pratique du droit des marques au Maroc » et avec son accord.

Daoud Salmouni-Zerhouni fait remonter l’existence de la propriété industrielle au 24 octobre 1892, date de la conclusion d’un accord avec la France. A cette occasion, une lettre chérifienne (décision souveraine du Sultan) adressée aux services des douanes prescrivant que « si un négociant marocain contrefait des marques d’un négociant français ou provoque leur contrefaçon, les marchandises fabriquées au Maroc ou à l’étranger dans l’intention de les vendre grâce à cette fausse marque, comme provenant de la fabrication du négociant français, seront confisquées au profit du gouvernement marocain et l’auteur de la contrefaçon recevra une punition exemplaire ».

Je rappelle aussi, que la France et le Maroc sont signataires de la Convention de Madrid sur le droit de protection au Maroc du 3 juillet 1880. Enfin en 1913, date de la codification du Code des Obligations et des Contrats, on a inséré l’article 84 sur la concurrence déloyale et la protection des marques. On constate donc, que le Dahir du 23 juin 1916 est venu uniformiser et compléter la protection de la propriété industrielle et en particulier celle des marques au Maroc. Le Dahir du 23 juin 1916 n’est pas le 1er texte en matière de protection de la propriété industrielle au Maroc.

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Challenge : Selon vous, comment procéder pour le développement de la Propriété Industrielle au Maroc ?

Il faudrait réformer, actualiser et moderniser la loi sur la propriété industrielle. Il faudrait aussi réformer l’Office Marocain et le doter de moyens importants comme les Offices européens. Il faudrait surtout investir dans la formation des employés et des cadres de cet office. Et enfin, réformer la loi sur les Conseillers en Propriété Industrielle en exigeant des futurs conseillers une formation universitaire de haut niveau en matière de propriété industrielle, avec un stage obligatoire de 3 à 5 ans dans un cabinet professionnel, avec un examen professionnel avant l’inscription sur la liste ou le tableau des conseillers en propriété industrielle en spécifiant les droits et les obligations du conseiller en propriété industrielle et en supprimant les cas de conflit d’intérêt.

 
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