Portrait

Soeurs et partenaires d’affaires

Meriem et Zahra Bennani, Fondatrices du studio de mode Jnoun

A l’âge où la vie est encore une longue soirée festive, les soeurs Bennani sont déjà passées à l’étape suivante, celle de l’entreprenariat. L’une poursuit une carrière artistique à New-York, l’autre gère l’entreprise de “fashion” qu’elles ont lancée. Entre Paris, New-York et Rabat, il faut tenir des Jnoun pour mener à bien ce rêve.  Par  Noréddine El Abbassi

Les opposés naissent du même moule, dit l’adage. Voilà qui peut s’appliquer aux soeurs Bennani, aux personnalités différentes et d’une altérité qu’on croirait voulue, et qui ont choisi des parcours différents. Zahra est la communicante, volontaire et habituée à imposer son point de vue. Elle tient de la business woman, fonceuse et déterminée. Meriem, elle, est l’artiste, plus effacée de prime abord, qui préfère une position d’attente sage selon l’adage: “il ne faut pas interrompre son ennemi lorsqu’il fait une erreur”. Zahra la solaire, aux cheveux châtains et la peau dorée,  Meriem la lunaire, brune et pâle.
Elles sont nées à trois années d’écart, en 1985 pour Zahra et 1988 pour Meryem, d’un père architecte urbaniste et d’une mère pharmacienne. Mais si elles ont choisi la mode, ou plutôt subi une sorte de destin familial, puisque c’est presque une “tradition” dans la famille: “Mon grand père avait des échoppes de tissus au quartier des affaires de Casablanca, Derb Omar, tandis que ma grand mère est une “fashion designer”. Ma mère a commencé à lancer deux collections de vêtements modernes d’inspiration traditionnelle. Mon père, lui, gagnait son argent de poche en fabriquant des t-shirts à la mode des 70’, en plus jeune,” explique Zahra, dans un débit fluide. Lorsqu’elle parle, c’est un torrent d’idées limpides, qui balaie tout sur son chemin.
C’est à Rabat que les deux soeurs grandissent, cultivant leur atypisme, contrairement au carriérisme ambiant et autres ambitions locales. “J’ai commencé à faire du skate à 12 ans et j’ai toujours dessiné. Très tôt, une carrière artistique était pour moi une évidence, que tout mon entourage partageait”, explique Meriem, enfin sortie d’une réserve analytique. “Adolescente, j’étais fascinée par la période des seventies,  je m’habillais donc  avec des jeans à “pattes d’éléphant” et je chantais dans un groupe de rock. Pour nous, le chic était de chiner au souk Laghzal le dimanche, à la recherche de trouvailles inattendues. J’aimais  aussi l’idée qu’un vêtement ait une histoire, un passé et me l’approprier”, développe Zahra.

Monter à Paris pour les études

Mais si la jeunesse rbatie est protégée, elle est néanmoins assez libre, les études étant  néanmoins la priorité absolue. Zahra décroche son bac en sciences économiques au Lycée Descartes en 2003, et Meriem deux années plus tard. Elles se retrouvent à Paris et vivent à cinq minutes l’une de l’autre. Zahra ne tarde pas à se marier et étudie à la Sorbonne, les lettres modernes appliquées à la communication. Quant à Meriem, elle, garde le cap sur les études artistiques, et passe par les bancs d’une classe préparatoire artistique, en vue de présenter les concours de l’Ecole des Arts Décoratifs de Paris et celui des Beaux Arts. Elle décroche l’admission aux deux prestigieuses écoles, et se retrouve devant un choix cornélien: “Je me suis présentée aux Beaux Arts à 9h du matin, et je n’ai trouvé personne. Tout le monde arrivait à midi, m’a-t-on dit. Je me suis dit qu’à 19 ans, il me fallait tout de même un encadrement et aller en classe. J’ai donc couru aux Arts Déco et commencé ma première journée de classe…”, explique Meriem, le plus simplement du monde, presque désolée de son bon sens.
En 2009, Zahra s’inscrit en Master II de marketing, communication et management des médias au CELSA. Pendant tout ce temps, les deux soeurs ne se sont jamais réellement quittées, jusqu’en 2010, lorsque Meriem quitte Paris pour les Etats-Unis. Au départ, c’était  dans le cadre d’un programme d’échanges à la Coopers Union, mais Meriem avait déjà une expérience de travail et enchaîne les projets personnels. “J’étais en “fine arts”, en “beaux arts”, donc j’étais à mon aise. Mais comme on a déjà une expérience en France, on commence directement à travailler lorsqu’on est là bas. De ce fait, mon statut de résidente en visa “étudiant”, est passé à celui d’ “artiste”, pour une résidence prolongée. Je pouvais rester aux States”, analyse-t-elle. “C’est à ce moment là que le déchirement de la séparation s’est concrétisé. Nous sortions à peine des études et nous nous installions dans notre vie d’adultes, mais sur deux continents différents”, tient à préciser Zahra.

Une carrière dans les médias, l’art et la mode

Pendant que cette dernière fait ses premières armes dans le groupe Marie Claire, après être passée par la marque de luxe Loewe, pendant ibère de la marque Hermès dans le giron du groupe LVMH, Meriem poursuit une carrière entre la création artistique et le freelance. “Ma formation a également porté sur l’animation et le montage. Ce qui m’a donné du travail pour des maisons de production et l’occasion de travailler pour le New-York Times. C’était difficile au début, mais au bout d’un moment on arrive à en vivre”, relate-t-elle. Zahra, elle, commence comme responsable des études et marketing avant de rejoindre la régie publicitaire, pour gérer les clients “beauté”. Elle progresse rapidement, jusqu’à devenir Directrice Clientèle et “Responsable Mode” pour le périodique Cosmopolitan. Une vie de strass et paillettes? “On dit de la presse féminine que c’est la puissance frivole, pour reprendre l’expression de Vincent Soulier. Certes, on entretient ses relations, mais on apprend aussi énormément, en matière de “best practices” mondiales”, tempère Zahra, avec un sens prononcé de la répartie. Pour Meriem, ce sera l’occasion de collaborer à plusieurs reprises, avec une artiste dont elle apprécie le travail, Hayden Dunham, qui sera également le mannequin attitré de la marque.
Mais l’aventure Jnoun commence en 2014, lorsque Zahra décide de quitter son emploi et de revenir au Maroc. “Jnoun a été une manière de renouer avec le Maroc, tout en vivant entre Paris et New-York”, explique Meriem. Pour Zahra cependant: “c’était surtout une manière de partager nos passions, de faire plaisir et de nous faire plaisir. Mais aussi à apprendre à connaître le Maroc, depuis les fédérations aux textiliens et l’ensemble des acteurs du monde des affaires et du e-commerce”. Peut-être aussi pour ne pas se perdre de vue. On dit souvent,  “loin des yeux, loin du coeur”, et cette idée d’entreprise a été une manière pour les soeurs de garder le contact et de mettre en commun leurs différences, pour en faire une force. Depuis que l’idée a germé dans l’esprit de Zahra au détour d’une retraite de yoga à Bali, Jnoun a été une aventure familiale qui a mis à contribution le mari de Zahra, leurs parents et même la troisième soeur, installée à Paris. Trois est un chiffre sacré! n’est-ce pas… 

Bio Expresse Zahra

1985 : Naissance à Rabat
2003 : Bac ES au Lycée Descartes
2009 : Master II en Marketing, Communication et management des médias du CELSA
2010 : entrée dans le groupe Marie-Claire comme responsable des études et marketing
– débuts à la régie publicitaire
– directrice de clientèle “Mode”

Bio expresse Meriem

1988 : naissance à Rabat
2005 : Bac L au Lycée Descartes
2013 : Diplômée des Arts Décoratifs de Paris et des Beaux arts à la Coopers Academy de NEw-York
2013 : exposition au MOMA pièce One
– exposition au Palais de Tokyo
– collaboration avec Hayden Dunham pour le livre “The other travel book”
– création de la web série “Some silly stories” avec Flavien Berger
– exposition avec Hayden Dunham à la galerie Signal
– création de l’émission de “TV réalité” Ferdaous Fenjab

 
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